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Je souhaite que les Palestiniens adoptent la non-violence dans leur lutte

mercredi 19 novembre 2008 - 11h:37

Mairead Maguire - Palestine Monitor

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Le 28 Octobre 2008, le Free Gaza Movement a mis les voiles à bord du du Dignity, au départ de Larnaca, à Chypre, pour la Bande de Gaza.

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Novembre 2008 - Le Free Gaza quitte le port de Gaza pour retourner à Larnaca

À bord se trouvaient 27 Internationaux de 13 pays, y compris le docteur Mustafa Barghouti, membre du Conseil Législatif Palestinien, cinq médecins, des avocats des droits de l’homme, etc, je me suis sentie très privilégiée de faire partie de ce groupe en route pour la Bande de Gaza.

Pour ce deuxième navire à destination de la Bande de Gaza, le ’’brise-siège’’ emporte 6 mètres-cubes de médicaments, et le voeu qu’en rejoignant Gaza à travers la mer (c’est seulement le deuxième bateau depuis, plus de 41 ans), il apporte de l’espoir à la population de Gaza, le voeu aussi que le monde extérieur commence à rompre le silence sur la tragiquesouffrance de la Bande de Gaza et agisse pour obtenir la levée du siège.

Il est difficile d’imaginer qu’au XXIème siècle, un pays puisse être coupé du monde extérieur. Seize mois plus tôt, lorsque les habitants de Gaza ont voté Hamas dans des élections libres et équitables, la réaction d’Israël a été de ne pas ouvrir le dialogue avec les représentants élus (alors qu’ils devront en fin de compte le faire) mais de mettre en place une politique de punition collective de l’ensemble de la population, qui a conduit à une catastrophe humanitaire.

Israël affirme avoir mis fin à l’occupation de la Bande de Gaza, mais en vérité, elle est maintenue par la fermeture de toutes les entrées aux frontières et l’isolement de Gaza du monde entier. Gaza est comme une prison à ciel ouvert dont Israël détient les clés mais c’est pire qu’une prison normale, car au moins en prison, les détenus sont nourris et soignés. La population de Gaza doit boire de l’eau polluée et n’ a pas assez de nourriture et de médicaments et de matériels pour l’existence. C’est ainsi que les Gazaouis disent : "Nous mourons peu à peu, étranglés par ce siège".

Avant que nous prenions la mer pour Gaza, le gouvernement israélien nous avait mis en garde, nous ne serions pas autorisés à naviguer jusqu’à Gaza.Cependant, nous étions déterminés et à seulement 20 milles de la côte de Gaza, nous avons retenu notre souffle quand deux canonnières de la marine israélienne ont marché sur nous, mais sans rien faire. Le bon sens a prévalu, espérons que ce soit un signe pour l’avenir, et qu’en fin de compte ceux qui sont au pouvoir en Israël se rendront compte que le dialogue avec des canonnières et des F.16 n’est pas la seule façon de résoudre cette trop longue et douloureuse occupation des Palestiniens.

Nous avons été reçus par des dizaines policiers de palestiniens fortement armés et bien qu’avant partir pour Gaza, j’avais demandé qu’il n’y ait pas de tels services de protection, nous avons été informés que le gouvernement du Hamas voulait assurer notre sécurité, ainsi tout au long des 4 jours de notre visite nous avons été escortés par des policiers palestiniens en armes. Notre accueil par les habitants de Gaza a été profondément émouvant.Leur gratitude envers le Free Gaza Movementa été montrée par leur grande chaleur et l’hospitalité. Ils ont été particulièrement reconnaissants à Mustafa. Barghouti d’être venu de Cisjordanie, et que Gideon Spiro un Israélien de Tel Avi soit arrivé avec le bateau. (Sur son chemin de retour par le point de passage d’Erez, il a été arrêté par les autorités israéliennes, il a été gardé pendant la nuit et inculpé de la d’entrée illégale dans la Bande de Gaza).

Les quatre jours suivants ont été remplis d’événements allant de la joie pure (comme le concert avec les enfants et un chanteur de notre groupe interprétant un opéra italien qui a tenu tout le monde en admiration grâce à la magie de sa voix) à des événements d’une profonde tristesse, tels notre visite à l’hôpital Shifa. Là, les médecins ont expliqué qu’ils sont à court de médicaments de base, sans pièces de rechange pour les appareils car tout cela est bloqué par Israël, et nous avons rencontré des patients qui meurent de cancer et de maladies curables, si seulement les médicaments et le matériel étaient disponibles. Un nouvel hôpital à demi construit est dans état de lente désagrégation,car le ciment, le bois et matériaux de base ne sont pas autorisés à entrer dans la Bande de Gaza depuis plus de 16 mois maintenant et tout est en train de s’écrouler lentement.

Le lendemain, nous avons visité l’aéroport qui avait été bombardé à partir du ciel et du sol par des chars israéliens, il y a deux ans. Nous avons visité la centrale électrique et vu les énormes groupes électrogènes, bombardés par Israël et toujours pas réparés en raison de la pénurie de pièces et d’un débat juridique pour savoir qui est responsable de la réparation. Ce bombardement aérien par Israël de la centrale électrique explique qu’elle tourne seulement 50% de sa capacité, de sorte que chaque jour de l’électricité s’éteint pour 7 ou 8 heures de suite, y compris dans les hôpitaux.

L’usine d’épuration des eaux usées a été endommagée et Israël ne veut pas autoriser les tuyaux pour remplacer ceux détruits, du coup des eaux usées non-traitées sont pompées dans la mer tous les jours, cause d’une catastrophe écologiquequ’on s’attend à voir exploser.
À Jabalia, il ya eu de fortes pluies qui emporté la route, exposant des tuyaux d’égout brisés. Une piscine d’eaux usées emplit la rue et les enfants jouent en oubliant le danger sanitaire. Nous avons visité des maisons inondées par la pluie et les aux usées, les propriétaires ont dû les quitter et habitent actuellement chez des membres de leur famille aux maisons déjà surpeuplées et frappées par la pauvreté. Les gens n’ont rien, beaucoup connaissent la faim et la malnutrition (80% ) et la communauté internationale conserve son silence alors que le gouvernement israélien inflige une punition collective à un million et demi de personnes, dont 50% de moins de 21 ans.

Certains de nos collègues militants des droits de l’homme sont sortis sur les bateaux avec les pêcheurs de Gaza.Ils ont été attaqués par des navires de la marine israélienne qui a bombardé les bateaux avec des canons à eau et tiré à balles réelles sur la proue des bateaux de pêche. Beaucoup de pêcheurs ont été tués par balles par la marine israélienne tout simplement en essayant d’attraper du poisson à 6 milles de la côte pour nourrir leurs familles.

Les jours suivants nous avont été reçus par le Premier Ministre, du Hamas, Ismail Haniyah qui a annoncé que des passeports palestiniens nous seront donnés, et qui a présenté le Free Gaza Movement comme un présent qui leur était fait.

Il existe un réel désir pour la paix ici, les gens ont assez souffert, mais ils veulent une paix juste, la fin de l’occupation, le droit de décider de leur avenir pour leurs enfants. Le lendemain, le Premier Ministre a annoncé la libération de prisonniers du Fatah et a promis qu’ il n’y aurait plus d’arrestations politiques. (Il attend la réponse du Président Abbas au sujet des prisonniers du Hamas prisonniers qu’ils détiennent).

Plus tard dans la soirée, à l’école de la Sainte Famille, nous avons eu le privilège d’être témoins de plus de 100 responsables politiques, représentant tous les partis, y compris le Fatah et le Hamas, qui s’engageaient à travailler pour l’unité nationale palestinienne et promettaient d’envoyer leurs dirigeants au Caire pour qu’ils participent à la Conférence nationale pour l’unité début Novembre. (1)

Le Dr. Mustafa Barghouti (un vrai homme de paix et un grand homme politique) s’est adressé à ses collègues politiques qu’il n’avait pas rencontrés depuis 2 ans et demi, en raison de la fermeture de la Bande de Gaza et de sa séparation de la Cisjordanie. (C’est une politique d’apartheid d’Israël qui divise le peuple palestinien en bantoustans et rend la possibilité d’un État Palestinien viable très difficile). Cette réunion a eu lieu sous le regard vigilant d’un gigantesque portrait mural du Président Arafat.

J’ai été invitée à m’adresser aux partis politiques et j’ai soutenu leur campagne non-violente pour mettre fin à l’occupation et pour une Palestine libre. J’ai encouragé l’unité nationale des Palestiniens en leur rappelant "que l’unité palestinienne fait la force, divisés, vous serez vaincus".Je les ai encore appelés à "maintenir votre lutte non-violente et le monde vous soutiendra." Le lendemain, nous avons visité le Parlement palestinien (Hamas).

Le Président du Parlement a remercié le Free Gaza Movement. Il a parlé de la souffrance des Palestiniens subissant le siège et l’occupation et a rendu hommage à la souffrance aussi des prisonniers politiques palestiniens (plus de 40 élus du Hamas sont actuellement dans les prisons israéliennes). J’ai parlé au Président du Parlement de la nécessité de la libération des prisonniers politiques et j’ai lancé un appel pour la libération de Gilad Shalit, le caporal israélien en captivité dans la Bande de Gaza depuis près de deux ans maintenant. (Il y a un total de 11.500 détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, y compris des parlementaires, malades, des personnes handicapées, des femmes et des enfants, et avant de quitter la Bande de Gaza, j’ai appelé à la libération des prisonniers politiques palestiniens, à la libération immédiate des enfants, des femmes, des malades, de ceux de placés en détention l’administrative, des parlementaires et des élus). J’ai souligné la nécessité de maintenir la lutte non-violente et j’ai évoqué le dialogue pour le pardon et la réconciliation ainsi que les enseignements tirés de notre propre processus de paix en Irlande du Nord.

Nous avons aussi visité le poste-frontière de Rafah, entre Gaza et l’Égypte, qui demeure fermé, séparant les habitants de la Bande de leur famille et de leurs amis juste en bas de la route. L’une des femmes palestiniennes (qui avait pris l’avion de Jérusalem à Chypre où elle est montée sur le bateau parce qu’elle n’avait pas d’autre moyen pour se rendre à Gaza) a mis des coups à la barrière égyptienne en pleurant "Ouvrez ! Je veux retrouverà ma famille !". L’Egypte est partie prenante aussi, dans cette coupure complète du monde de la population de Gaza, coupée non seulement des proches (et ne pas pouvoir toucher ceux que vous aimez est la cruelle forme de torture. Pas même les lettres ou les journaux ne parviennent dans la Bande de Gaza, ni les besoins élémentaires en médicaments, alimentation, matériaux pour reconstruire leurs infrastructures délibérément bombardées par les avions d’Israël (payés par l’argent des contribuables américains - 10 millions de dollars par jour).

Dans une tentative désespérée pour nourrir leur famille ou pour échapper à cette prison à ciel ouvert, les Palestiniens sont des dizaines à creuser des tunnels souterrains entre la Bande de Gaza et l’Égypte, mais le jour de notre retour, 3 hommes ont été tués et d’autres étaient toujours portés disparus car du sable mou s’était effondré sur eux. Des milliers de femmes palestiniennes sont séparées de leur mari en Cisjordanie, et 700 étudiants qui sont inscrits dans des universités à l’étranger ne sont pas autorisés à sortir de la Bande de Gaza pour poursuivre leurs études.

La plus grande tragédie dans tout cela, c’est que les gouvernements et les médias internationaux, notamment occidentaux, gardent le silence sur cette lente destruction du peuple palestinien par les politiques d’Israël qui sont en contradiction avec la Convention de Genève et la Convention contre l’Apartheid.Pourtant, en quittant Gaza, j’ai ressenti beaucoup d’espoir. Espoir envers la formidable résistance du peuple palestinien. Un de nos grands poètes irlandais W.B.Yeats a écrit un jour "un sacrifice trop prolongé fait du coeur une pierre", mais une prière irlandaise dit aussi "prenez nos coeurs de pierre et donnez-nous des c ?urs d’amour".

Au cours de mes voyages en Israël et en Palestine, et dans la bande de Gaza, j’ai trouvé beaucoup de c ?urs remplis d’amour. Un Palestinien m’a demandé de porter son message au monde, le voici : "Nous aimons nos frères Israéliens, nous avons vécu avec eux, nous voulons toujours, mais nous pensons que le gouvernement israélien ne veut pas la paix et que leurs politiques sont en train de détruire le peuple palestinien ". Nous n’oublierons pas non plus une autre demande d’un père palestinien à certains membres de notre groupe : "Si je vous donne un peu d’argent, pourrez-vous apporter avec le prochain bateau du lait pour mes enfants, nous n’en n’avons pas."

Je crois qu’il y a beaucoup d’espoir pour la paix au Moyen-Orient, en tant que problème politique avec une solution politique, et le gouvernement israélien, les États-Unis, avec une réelle volonté politique, peuvent résoudre ce conflit historique dont les racines sont dans l’Occupation. Nous reconnaissons l’État d’Israël et son besoin de sécurité. Nous reconnaissons qu’il y a une profonde crainte de l’anéantissement ethnique chez de nombreux Israéliens, mais en tant que membres de la famille humaine, nous devons tous apprendre gérer nos peurs dans la non-violence, et comprendre que notre meilleur espoir pour la sécurité humaine n’est pas le siège et l’occupation, mais dans les efforts pour réaliser la justice et faire de notre ennemi notre ami. Salaam Palestine, Shalom Israël.

* Mairead Corrigan est une militante pacifiste d’Irlande du Nord. Elle a obtenu le prix Nobel de la paix en 1976 et est depuis de nombreuses années très active dans les activités de soutien à la cause des Palestiniens.

(1) NdT = Info en date du 8 Novembre : Les pourparlers inter-palestiniens, qui devaient débuter le 9 au Caire, ont été reportés à la demande du Hamas, ont annoncé les égyptiens.
Le porte-parole du Hamas a déclaré : "Nous avons pris cette décision parce que le président Mahmoud Abbas continue d’affaiblir le mouvement du Hamas et n’a libéré aucun détenu du Hamas en Cisjordanie".
Mahoud Abbas a répondu : "aucun détenu politique n’est emprisonné par [ses] services en Cisjordanie." Il a assuré que ses services ne poursuivaient que les personnes qui se livrent à des activités illégales, détiennent des armes ou collectent des fonds sans autorisation, indépendamment de leur appartenance politique.

9 novembre 2008 - Palestine Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinemonitor.org/spip/sp...
Traduction : Laurent G.


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