16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Le Musée juif de la discorde

dimanche 16 novembre 2008 - 06h:55

Juan Miguel Muñoz - El Païs

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Le vénéré poète israélien Yehuda Amichaï condamnait il y a 30 ans : « L’air de Jérusalem est saturé de prières et de rêves, comme l’air des villes industrielles. Il est difficile de respirer ».

JPEG - 9.8 ko
Un musée du racisme et de l’intolérance

Dans la ville sous tension qu’est Jérusalem, l’atmosphère ne rend pas propice le pharaonique et controversé projet financé par le Simon Wiesenthal Center : construire un musée sur le plus ancien cimetière musulman de la ville sainte.

Après deux années de procédure judiciaire, la Cour suprême a donné le feu vert. Frank Gehry, l’architecte engagé pour ériger un bâtiment dans son style, mettra tout en oeuvre pour donner vie au Musée de la tolérance. « Son nom », a écrit la critique d’architecture du journal Haaretz, Esther Zandbergen, « ne pourrait pas être plus sarcastique pour une ville où la tolérance est égale à zéro. »

Les pierres tombales musulmanes reposent encore dans ce cimetière fondé il y a quatre siècles. Plusieurs organisations musulmanes sont intervenues auprès de la Cour suprême en 2006 pour empêcher la construction du musée. Elles ont échoué. La Haute Cour a fourni, entre autres, un curieux argument. Comme en 1960, quand a été construit un parking dans la même enceinte, il n’y a pas eu d’objection, il ne doit pas y en avoir aujourd’hui non plus. Des centaines de palestiniens et citoyens arabes israéliens, dont le mufti de Jérusalem, ont protesté, jeudi dernier, entourés par des dizaines de policiers. Ils comptent comme alliés de circonstance et remarquables, bien qu’ils ne soient pas d’une grande aide : les juifs ultra-orthodoxes, qui considèrent les tombeaux comme sacrés.

Déjà en 2006, lorsque les travaux ont commencé, des centaines de squelettes sont remontés à la surface. Et comme le repos éternel mérite de la vénération, la décision du tribunal a concédé aux responsables du musée 60 jours pour enterrer les os ailleurs ou pour installer une barrière qui sépare les fondements de la construction des tombes. Personne ne doute maintenant qu’une solution du même genre sera trouvée.

Sur 30.000 mètres carrés, et grâce à un investissement de 200 millions d’euros, Gehry va construire un musée dédié à la tolérance et à la coexistence. Le plus cher du monde dans une ville dépourvue de ressources, une des plus pauvres en Israël. Et toujours entouré de polémiques. Lorsque l’initiative a été soulevée en 2004, le musée de l’Holocauste s’est assuré que le génocide des juifs ne soit pas abordé. Les promoteurs affirment que le nouveau musée, qui sera équipé d’une salle de conférence, d’un théâtre et de musées pour les adultes et les enfants, aura pour objet les traditions juives et les relations d’Israël avec les pays arabes. Des liens caractérisés par tout ce qu’on voudra sauf la tolérance.

Le musée servira, sans aucun doute, à effacer un vestige de plus du passé arabe à l’ouest de la ville. A quelques mètres du cimetière, se construit un hôtel de luxe dans une enceinte qui appartenait autrefois au Conseil islamique suprême. De hautes tours de logements entourent déjà de belles maisons arabes de la période ottomane. Les protestations des architectes et urbanistes israéliens n’ont eu aucun effet. Les murailles de la vieille ville, construite sous le règne du sultan Suleiman le Magnifique, de Jérusalem-Ouest sont de moins en moins visibles. Un tout nouveau centre commercial et un bloc d’appartements, (et bien sûr à des prix prohibitifs), sont un mur infranchissable à des dizaines de mètres des murailles.

Zandberg estime que la vie urbaine dans le quartier de Shiva Nahalat subira un coup sévère. Et pour réfuter un des arguments qu’emploient ses promoteurs, il a écrit mercredi sur la promotion du tourisme : « Jérusalem est unique en elle-même, si l’offre qui est vraiment unique est bien gérée. »

Il ne semble pas que l’oeuvre de Gehry, ni le pont récemment inauguré de Santiago Calatrava, puissent susciter un intérêt plus important pour les touristes qui ont inondés les vieilles pierres de la terre biblique. Mieux, Zandbergen craint le contraire. « La décision du tribunal casse les espoirs d’arrêter ce projet ridicule qui d’un bout à l’autre n’est rien de plus qu’une source de conflit et de désaccord, qui attisera les flammes de la haine, et qui sera ridicule en plein centre de Jérusalem ».

Du même auteur :

- L’armée israélienne rompt la trêve en assassinant 7 militants dans Gaza - 9 novembre 2008
- Un prix Nobel de la Paix sur un bateau indomptable - 7 novembre 2008
- Pas de gouvernement Livni en Israël - 29 octobre 2008
- Tentative de pogrom à St Jean d’Acre - 25 octobre 2008

8 novembre 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/cult...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.