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Un espoir pour les collines de Palestine

vendredi 7 novembre 2008 - 06h:00

Raja Shehadeh - The Electronic Intifada

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Il y a quelques mois, je marchais dans les collines près de la ville cisjordanienne de Ramallah où j’habite, lorsque j’ai été arrêté par un colons juif en arme à proximité de la colonie israélienne de Dolev.

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Un jeune garçon palestinien de Bi’lin, à l’extérieur de Ramallah, est assis face à une colonie israélienne construite à proximité de son village - Photo : Charlotte de Bellebre/MaanImages

Il m’a interrogé sur l’endroit où je vivais, ce que je faisais dans les collines de Ramallah et a insisté pour voir mes papiers d’identité. Quand j’ai rassemblé mon courage pour lui demander qui il était et ce qu’il faisait là, il a répondu :
« Contrairement à vous j’habite ici. » Ensuite il a ajouté : « J’habite vraiment ici. »

Depuis que j’ai entendu ces paroles du colon, je me suis demandé ce que son défi implicite signifiait. Il avait un genre de reflet dans les yeux comme s’il savait quelque chose que j’ignorais. De quoi pourrait-il s’agir ? C’est quelques mois plus tard que j’ai découvert ce qu’il en était.

Après m’avoir arrêté, le colon a appelé l’armée israélienne en tapant le numéro sur son téléphone portable. Il semblait très ami avec eux. C’était son armée et elle était là pour le protéger de moi. Ils répondraient à son appel, pas au mien. Les collines ont été interdites d’accès à la police palestinienne. En théorie, en marchant dans ces collines, sans permission des autorités de l’armée israélienne, j’avais enfreint la loi.

L’arrogant colon habitait dans la colonie de Dolev sur la colline juste au-dessus du village palestinien d’Aïn Qenya, à sept miles de la route au nord de Ramallah. Installés en 1979, la plupart des résidents de Dolev paraissaient travailler au quartier général de l’armée au nord-est de Ramallah, avant les Accords d’Oslo. Ensuite, il leur fallait traverser Ramallah pour aller au travail et en revenir et, pour s’assurer qu’ils ne se perdent pas en chemin, l’armée israélienne avait tracé une ligne jaune au milieu de la route, tout au long de la voie qu’ils devaient suivre. En Octobre 1990, alors qu’ils roulaient le long de cette ligne, ils ont tiré sur la fenêtre éclairée de notre maison et ont raté de peu mon épouse. Nous avons gardé les éclats comme un momento mori.

Au cours de la première Intifada palestinienne un habitant de Dolev, Yair Mendelson, a été tué alors qu’il revenait à la colonie en voiture. On a affirmé qu’un Palestinien avait tiré sur sa voiture alors que celle-ci faisait une embardée dans un virage serré et bifurquait vers la vallée. Peu de temps après cet incident, en me promenant dans le secteur, j’ai découvert un bulldozer qui détruisait les terrasses vieilles de plusieurs siècles, et qui déracinait des oliviers. J’ai pensé qu’il s’agissait peut-être de l’élargissement de la route. Plus tard, j’ai vu un grand rocher sur lequel les mots « Yad Yair » avaient été peints en hébreu et qui avait été placé en hauteur au-dessus de la route, à seulement deux miles au nord de Ramallah. « Yad » en hébreu signifie partie, et aussi objectif. Un mausolée dédié à la mémoire de l’israélien de Dolev a été construit sur des terres appartenant à des habitants de Ramallah. Peu de temps après, l’armée a construit un poste à cet endroit et une barrière routière a été installée, bloquant les voitures et les piétons comme je l’ai constaté quand j’ai essayé de traverser à pied, sur mon chemin de retour de l’une de mes promenades dans cette vallée.

Cela a inévitablement été suivi de l’expropriation de centaines d’acres de terres qui s’étendent de tout le chemin jusqu’à la colline à proximité des dernières maisons au nord de Ramallah. La zone a alors été entourée de barbelés limitant l’expansion de la ville. Peu de temps après, des centaines d’acres de terres, au sud de ce poste et allant jusqu’aux dernières maisons à la périphérie de Ramallah, ont été expropriés par l’armée et entourés de barbelés. On préparait nos collines pour y installer encore une nouvelle colonie juive. J’avais été témoin de ce processus auparavant dans d’autres parties de la Cisjordanie.

La période après la signature des Accords d’Oslo a été marquée par le spectacle d’une vaste construction de colonies de peuplement israéliennes, et le nombre de colons juifs a plus que doublé. Toutefois, les gouvernements israéliens successifs n’ont montré aucun intérêt à mettre en place une autre colonie israélienne aussi proche de Ramallah dans la portion de territoire qu’ils avaient auparavant expropriée. Il est probable que dans un accord de paix définitif avec les Palestiniens, ces colonies isolées comme Dolev devront être évacuées.
Après qu’Israël eut commencé à construire son « mur de séparation » dans et le long de la Cisjordanie en 2002, son itinéraire annoncé a ajouté à la suspicion des colons de Dolev. Avec de l’argent provenant des États-Unis, ils ont été en mesure de créer 12 avant-postes au nord de Ramallah, dont la plupart sont considérés comme illégaux par Israël lui-même. Yad Yair faisait partie de ces avant-postes et était le plus proche de Ramallah.

Une fois, j’ai demandé à un habitant du village de Aïn Qenya si les colons passaient par le village.
« Oui, chaque matin, très tôt. Avant le lever du soleil, ils traversent en voiture vers Ramallah. Il paraît qu’ils ont un lieu de culte et ils y restent jusqu’au matin puis ils repartent », a-t-il répondu.

Je me suis posé des questions à ce propos. J’ai été rassuré par le fait que nos collines étaient épargnées de davantage de colonisation parce qu’il n’y avait aucune mention de Ramallah dans la Bible et ainsi il ne serait pas possible de revendiquer une propriété fondée sur des motifs religieux comme ce fut le cas à Jérusalem et à Hébron. Me serais-je trompé ?

Ce n’est que lorsque les journalistes ont signalé à la mi-septembre des affrontements entre l’armée israélienne et les colons à Yad Yair que j’ai appris que la synagogue qui a été bâtie porte nom de Yair Mendelson. C’est alors que je me suis souvenu qu’un sanctuaire très visité a été construit près d’Hébron sur la tombe de Baruch Goldstein, qui avait tué 29 fidèles palestiniens et en avait blessé 125 à la mosquée d’Ibrahim, le 25 Février 1994.

J’ai été soulagé par l’action décisive de l’armée le 18 Septembre détruisant avec un bulldozer cette toute jeune colonie, illégale selon la loi en vigueur en Israël, aussi bien que d’après le droit international. Mais les colons ont promis de revenir et l’armée israélienne, si efficace pour assièger les Palestiniens, est souvent prête à faire des compromis avec les colons.

Au cours des quinze dernières années, quand je me tenais sur le toit de ma maison le matin pour jouir du lever du soleil sur les collines de Ramallah, à quelques mètres de la colline, les colons juifs étaient en train de regarder le soleil se lever au-dessus des mêmes collines et de planifier leur prochaine manoeuvre pour se les approprier.

Mon seul espoir que cette vieille menace pour mon avenir en Palestine soit contrecarrée, découle de la crise financière aux États-Unis. En premier lieu, sans financement américain de sources publiques et privées, le très coûteux projet de colonies sur nos collines n’aurait pas été possible. Mieux encore, sans l’interférence dommageable de groupes de fanatiques religieux de l’étranger, chrétiens et juifs, utilisant leurs moyens financiers pour empêcher la paix, les deux nations, Israéliens et Palestiniens vivant sur le même territoire, on pourrait malgré tout trouver un moyen de vivre ensemble.

* Raja Shehadeh est l’auteur de Promenades palestiennes, incursions dans un paysage en voie de disparition qui a remporté le prix Orwell pour ses écrits politiques.

28 Octobre 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : par Laurent G.


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