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Les jeunes palestiniens partagent leurs idées politiques sur la Toile

mercredi 5 novembre 2008 - 06h:55

Don Duncan - The Electronic Intifada

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Demandez à Saif Abukeshek à quel moment il est devenu un activiste sur internet et il vous donnera la même réponse que beaucoup de ses compagnons palestiniens : après l’éruption de la seconde Intifada en 2000.

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Camp de réfugiés de Nahr al-Bared au Liban. Les jeunes Palestiniens passent beaucoup de leur temps à communiquer avec d’autres Palestiniens à travers l’Internet - Photo : Matthew Cassel

Cette explosion de violence dans les territoires occupés a provoqué un verrouillage tenace par les forces israéliennes de la mobilité palestinienne et a produit les conditions appropriées pour un activisme ?fait-maison’ de la base : une jeunesse frustrée coincée toute la journée chez elle, avec rien d’autre que la TV et l’internet vers quoi se tourner. « C’est une façon de faire une résistance tangible et non-violente » dit Abukeshek (27 ans) originaire de la ville cisjordanienne de Naplouse mais qui vit aujourd’hui à Madrid où il aide à diriger ?Pal-youth.org’, un portail internet qui connecte les Palestiniens dans le monde entier.

« La plus importante particularité de la jeune génération de Palestiniens est leur impossibilité de se déplacer » dit la Docteur Karma Nabulsi, professeur de politiques et de relations internationales à l’Université d’Oxford. Mais l’internet ne connaît pas de frontières et la cause palestinienne non plus dit Abukeshek. Leur mobilité réduite combinée à un accès accru à l’internet a conduit les enfants palestiniens lanceurs de pierres devenus l’image symbole de la première Intifada fin 80 et début 90, à mettre leur résistance sur internet lors de la deuxième Intifada.

Les sociologues appellent le mouvement « e-Palestine » : un sentiment national cultivé en ligne par de jeunes membres de la diaspora fracturée, certains vivant dans les confins des territoires occupés, d’autres nés et élevés en exil et connectés à la Palestine à une distance de plusieurs générations. Avec le suffixe du domaine internet « .ps, » cette jeune communauté en ligne a acquis une sorte de reconnaissance internationale à laquelle la Palestine réelle ne peut qu’aspirer.

Le matériel nécessaire pour créer « e-Palestine » (ordinateurs et modems) est en place dans les territoires occupés et dans toute la diaspora. Un dispositif omniprésent dans les camps palestiniens de tout le Moyen Orient est le café internet : un espace bruyant et enfumé bourré de jeunes palestiniens regroupés autour d’une poignée d’ordinateurs, leurs visages illuminés par les écrans brillants, en train de communiquer avec d’autres Palestiniens qu’ils n’ont jamais rencontrés et que peut-être ils ne rencontreront jamais.

Une fois connectés, les jeunes palestiniens n’ont pas besoin de naviguer au travers des allégeances politiques (principalement les conflits entre les factions du Fatah et celles du Hamas), qui ont déchiré la Cisjordanie et Gaza. Ces tensions ne dominent pas « e-Palestine » ; les experts estiment que 60% des jeunes palestiniens ne sont membre d’aucune faction ce qui représente une énorme coupure par rapport au pourcentage très élevé d’affiliation à un parti des générations précédentes.

Les relations entre sexes sont également différentes en ligne : les jeunes hommes et femmes flirtent ouvertement au-delà des frontières et des obstacles qui ont été placés entre eux. Dans un des cafés internet dans le camp de réfugiés de Beddawi situé dans le nord du Liban, un adolescent s’est penché pour me montrer sa petite amie à Gaza qui lui souriait sur une photo granuleuse prise sur le web. Les hommes et les femmes peuvent communiquer avec plus de liberté et de franchise que les m ?urs sociales palestiniennes ne le permettent. Sur son écran, le jeune palestinien termine son message flirteur à sa petite amie de Gaza par une rangée de pictogrammes de c ?urs et d’anges. Avec un rapide et large sourire, il clique sur ?envoi’.

Un programme populaire, PalTalk, comporte des espaces de chat et de forums avec des noms tels que « Palestine News », « Jerusalem4ever et « Palestine4ever », qui sont tous des rendez-vous populaires pour la jeunesse palestinienne de par le monde et qui leur permettent de discuter autour des idées, des nouvelles et de partager des photos et des vidéos en provenance de leur propre coin du monde. « Au début c’était simplement des conversations informelles et des discussions.

Les thèmes tournaient autour des arts, de la culture et du sport » raconte Abukeshek en parlant des espaces de chat qu’il fréquentait avant de s’être impliqué avec Pal-youth.org. « Mais ensuite de plus en plus d’espaces de chat politiques se sont développés : les Palestiniens en Palestine avaient besoin de raconter ce qui se passait chez eux et les Palestiniens de l’extérieur avaient besoin de le découvrir ».

La marque de fabrique de la résistance palestinienne : la poésie, les graffiti, les objets de mémoire, qui se trouvent sur les murs des camps et dans les foyers palestiniens, parent aujourd’hui les cyberespaces de « e-Palestine ». Les messages internet (IM windows) sont décorés de représentations digitales de clés, un symbole de l’exil qui pend sur les murs de salons. Le personnage de Handala, l’hommage iconique aux réfugiés palestiniens du cartoonist Naji al-Ali, orne beaucoup de fonds d’écran de réseaux internet sociaux.

Cette année, afin de marquer les 60 ans d’exil, ce que les Palestiniens appellent la Nakba (ou désastre en arabe) des journées entières de chat et de forums ont été consacrées à discuter sur la Nakba et sa signification actuelle. « Traditionnellement, la Nakba pour les Palestiniens signifie regarder le passé avec douleur » dit Nabulsi. « Mais ce que je vois aujourd’hui parmi les jeunes c’est qu’ils utilisent la commémoration de la Nakba pour envisager l’avenir ». Pour Abukeshek, il s’agit de trouver un point de départ pour commencer une action. « C’est un événement autour duquel nous pouvons mobiliser » dit-il.

La prochaine démarche d’Abukeshek et de Pal-youth.org est de formaliser un plan de mobilisation politique en ligne pour les jeunes palestiniens sur le terrain à travers le monde. C’est dans ce but que l’organisation rassemble 150 Palestiniens de 28 pays en vue d’un sommet début novembre à Madrid. « Tout le monde pensait que la mobilisation pyramidale était morte [en Amérique] » dit le Docteur Nabulsi. « Mais ils ont eu un choc avec Obama, et je le vois aussi avec les jeunes palestiniens ».

Et malgré qu’il soit en désaccord avec la politique de Barak Obama, surtout sur la question de maintenir une Jérusalem indivisible, Abukeshek dit qu’il est encouragé par l’influence qu’a eue la campagne en ligne du candidat. « La façon dont il utilise l’internet pour atteindre les groupes qui n’ont pas été impliqués auparavant dans le processus politique et en plus avec un tel succès, est une source d’inspiration pour nous ».

*Don Duncan est un reporter freelance de l’écrit et de la radio ainsi qu’un vidéaste. Originaire de l’Irlande, il a vécu et travaillé dans plusieurs pays y compris l’Afghanistan, la France, Hong Kong, le Liban, l’Espagne et les USA. Il vit actuellement à Hong Kong où il travaille pour le Time magazine. Cet article a paru à l’origine sur Time.com et est reproduit avec l’accord de l’auteur.

30 octobre 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja


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