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Evacuer les juifs d’Hébron

mardi 4 novembre 2008 - 06h:02

Akiva Eldar
Ha’aretz

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La direction politique et de Défense d’Israël, à Jérusalem, devrait comprendre que laisser ce gang de colons dans un tel secteur instable revient à jouer avec le feu.

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Rien ne change à Hébron : ceux qui suivent les traces des héros Goldstein et Yigal Amir, continuent d’exercer des sévices contre les Palestiniens.(AP)




Yigal Amir prétend que les opposants aux accords d’Oslo - Ariel Sharon, Rehavam Ze’evi et Rafael Eitan - lui ont fourni la raison d’assassiner le Premier ministre Yitzhak Rabin. L’inspiration pour cet acte criminel, sorte d’attentat suicide, fut puisée chez Baruch Goldstein, ainsi que chez les amis du terroriste juif dans la communauté de Kiryat Arba à Hébron.

En février 1994, Amir est allé aux funérailles de Goldstein pour rendre un dernier hommage à l’homme qui avait assassiné 30 Palestiniens en prière, agenouillés, dans le tombeau des Patriarches à Hébron. Lors de son interrogatoire par la police, il a déclaré avoir discuté avec les amis de l’assassin et que dans le même temps, il en était arrivé à réaliser que « ce n’était pas juste un fanatique, d’une communauté extrémiste, mais quelqu’un qui se battait durement pour la nation. Les valeurs sont très importantes pour ça... ça a commencé après Goldstein - c’est alors que l’idée m’est venue qu’il nous fallait éliminer Rabin. »

Dans leur livre Meurtre au nom de Dieu, Michael Karpin et Ina Friedman indiquent qu’Amir s’était rendu à Kiryat Arba pour rencontrer les membres de l’organisation Kahane Chai qui a fait de Goldstein un héros adulé et qu’il avait fait des pèlerinages sur la tombe qu’ils avaient préparée à sa mémoire. L’un des personnages les plus voyants de ce groupe était Noam Federman, ce même extrémiste de droite qui a construit « la ferme », le lieu du dernier affrontement entre les voyous juifs et les forces de sécurité.

La violence physique et verbale à laquelle les colons juifs ont recours pour tenter d’empêcher l’évacuation de l’avant-poste de Federman, devrait faire comprendre clairement à la direction politique et de Défense à Jérusalem que laisser ce gang dans un tel secteur instable revient à jouer avec le feu. Pour l’instant, ils se « contentent » de vandaliser les pierres tombales dans un cimetière musulman, de lancer des pierres sur les maisons et les véhicules appartenant aux Palestiniens et d’en détruire les champs. Pour le prochain massacre de Palestiniens, ce n’est qu’une question de temps.

Les armes, comme nous le savons, ne manquent pas chez ces jeunes hommes et femmes, et la mort ne les fait pas reculer. « On peut toujours mourir » a répondu Anat Cohen de la colonie juive d’Hébron au journaliste Jeffrey Goldberg du New Yorker qui lui demandait comment elle pouvait laisser son jeune fils jouer dans une rue exposée aux tirs palestiniens. « Au moins, sa mort ici célébrerait le nom de Dieu », a ajouté Cohen qui est la fille de Moshe Zar, figure de la clandestinité juive, et la s ?ur de Gilad, résident de la colonie Itamar tué dans une attaque terroriste en 2001 non loin de Naplouse.

Dov Lior, président du conseil rabbinique Yesha et grand rabbin de Kiryat Arba, a quasiment conféré une légitimité à la création d’une unité de partisans juifs qui combattrait l’acerbe ennemi israélien. Lior assimile l’opération des forces de sécurité officielles contre l’avant-poste controversé à la déportation de sa famille hors de sa maison en Pologne, par les nazis.

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Des colons mettent le feu à un drapeau palestinien à Hébron. (AP)

Le jour qui a suivi le massacre d’Hébron, des amis de Rabin ont cherché à convaincre le Premier ministre de se saisir du choc et de l’indignation ressentis par le plus large public pour retirer de force les fanatiques de la communauté juive du lieu. Un avis juridique remis au Premier ministre indiquait que le commandant militaire du secteur avait toute l’autorité nécessaire pour annuler les ordres d’expropriation « pour raison de sécurité » [des Palestiniens -ndt], grâce auxquels les colons résidaient dans le secteur. Mais Rabin a eu peur d’une « guerre civile » et plutôt que d’évacuer les résidents juifs, il a préféré imposer et étendre un couvre-feu sur les quartiers palestiniens d’Hébron pour prévenir toute vengeance meurtrière.

Six semaines plus tard, le Hamas commençait sa folie des attentats suicide. Dans son livre Face à leur sort, le Dr Matti Steinberg écrit que jusque-là, un débat interne avait fait rage au sein du Hamas sur l’utilité des attentats aveugles. Steinberg, qui durant ces années avait été le conseiller aux Affaires palestiniennes du chef du Shin Bet, argue que si le choix des cibles des attentats suicide par le Hamas est passé des cibles militaires dans les territoires aux cibles civiles à l’intérieur même de la Ligne verte, cela « découle directement du massacre Goldstein ».

Plus de 700 civils israéliens ont été tués et des milliers ont été blessés dans des dizaines d’attentats suicide depuis cette époque. La confiance du public dans le processus d’Oslo a été réduite à près de zéro, et les mesures contre-terroristes et punitives d’Israël dans les territoires ont contribué à une tendance similaire parmi la société palestinienne. Mais rien ne change à Hébron : ceux qui suivent les traces des héros Goldstein et Yigal Amir, continuent d’exercer des sévices contre les quartiers palestiniens au point que beaucoup d’entre eux abandonnent leur maison. Ils continuent d’humilier et de narguer les soldats et les policiers qui refusent de fermer les yeux sur leurs crimes. Même parmi les dirigeants des colons, monte la crainte que le jour ne soit pas si loin pour qu’un autre « Yigal Goldstein » n’émerge d’Hébron.

Tant Ehud Barak qu’Ehud Omert ont un peu moins de trois mois pour rectifier l’erreur de Rabin et prouver aux peuples israélien et palestinien qu’Israël ne se satisfait pas avec des déclarations à propos de la paix. Il est temps d’évacuer les colonies fanatiques d’Hébron. Demain, il pourrait bien être trop tard.

Du même auteur :

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3 novembre 2008 - Miftah - Source Ha’aretz - traduction : JPP


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