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Un député dénonce : il existerait plus de 400 prisons secrètes en Irak

lundi 3 novembre 2008 - 10h:05

Carole Vann - InfoSud/Le Temps

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IRAK. Tortures, exécutions sommaires et disparitions seraient pratiquées couramment dans des lieux de détention secrets à travers le pays, dont certains gérés par les Américains

« Retenez bien le visage de ce Monsieur ! Car demain, il sera probablement mort ! » C’est ainsi que l’Irakien Sabah al-Mukhtar, président de l’Association des avocats arabes à Londres, a désigné, lors d’une conférence jeudi au Club suisse de la presse à Genève, son voisin Mohammed al-Dainy. Ce dernier, un parlementaire de Bagdad, est venu en Suisse, avec le journaliste Ali Wajeeh, de la chaîne TV Al-Sharquiyya, pour dénoncer les abus au sein des centaines de prisons secrètes répandues dans tout le pays. « Le fait même que monsieur Al-Dainy s’expose de la sorte devant la communauté internationale prouve qu’il est en réel danger. Chez nous, si on tient à rester en vie, on a intérêt à faire profil bas », a poursuivi l’avocat.

Mohammed al-Dainy et Ali Wajeeh sont des témoins directs des abus et assassinats sommaires qui font loi dans ce pays toujours en guerre. Al-Dainy a personnellement visité depuis 2006 13 prisons secrètes. Profitant d’un solide réseau sur place [de père sunnite et de mère chiite, il refuse de se définir autrement que par son appartenance à l’Irak], il a établi l’existence avérée de 426 lieux de détention secrets - seules 27 prisons sont reconnues officiellement, sans parler des prisons, secrètes aussi pour la plupart, administrées par les forces américaines.

Il a rassemblé des paquets de documents, certains filmés, prouvant l’existence de ces lieux. Des vidéos ont été diffusées en 2007 sur la Channel 4 de la BBC, CNN et Al-Jazira. Le député irakien est aussi en possession de procès-verbaux d’actes de tortures et de viols, de documents officiels prouvant les exécutions extrajudiciaires et de certificat de décès de prisonniers morts de mauvais traitements à l’intérieur même de ces prisons.

Quant à Ali Wajeeh, directeur de l’information de Al-Sharquiyya, il vient de vivre il y a deux semaines l’assassinat de quatre de ses collègues. Ces derniers ont été enlevés puis assassinés tandis qu’ils préparaient une série d’émissions à partir des documents et de vidéos fournis par Al-Dainy. Depuis 2003, 461 journalistes ont été tués en Irak. Plus de 1 000 journalistes sont réfugiés en Syrie, en Egypte et en Jordanie.

Durant leur séjour à Genève, les deux Irakiens ont rencontré des responsables du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et du Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme. Ils demandent l’ouverture d’une enquête internationale pour l’assassinat de deux députés et la nomination d’un rapporteur spécial pour l’Irak. Ils réclament aussi la mise en place d’un tribunal international pour juger les crimes les plus graves, passés et présents, en Irak. «  Pour l’instant, ceux qui demandent à visiter des prisons secrètes dont ils auraient connaissance ne peuvent le faire sans l’autorisation du gouvernement, explique Al-Dainy. Cela donne le temps aux autorités de déplacer les détenus avant la visite. Nous sommes constamment confrontés à ce dilemme. Voilà pourquoi nous faisons appel à une autorité internationale qui impose ses propres conditions. »

Mais comment le parlementaire irakien est-il parvenu à pénétrer ces lieux, filmer à l’intérieur et se procurer des documents ultra-confidentiels ? « Je jouis de mon statut de parlementaire, il est de mon devoir et de mon droit de me rendre sur ces lieux lorsque j’en ai connaissance !  » Mais derrière cette version officielle se profile une réalité autrement plus musclée que l’intéressé explique en petit comité : une fois bien informé par son réseau, Mohammed al-Dainy se rend sur les lieux, entouré de ses gardes du corps et d’une « équipe rapprochée ». A l’entrée du bâtiment, c’est le face-à-face avec le personnel administratif. Le parlementaire, muni d’une caméra, force l’entrée. Surprise, désorganisation locale et liens confessionnels font le reste.

«  Dans certaines cellules, nous avons compté 200 personnes, dans d’autres jusqu’à 700. Femmes, vieillards, enfants sont mélangés aux hommes, raconte-t-il. Parmi les 13 lieux que j’ai visités, trois étaient sous administration mixte américaine et irakienne. Il s’agit d’Al-Dial, d’Al-Karmiya et de Sahat al-Usur. Ma dernière visite a eu lieu en juillet. J’ai alors transmis les documents à la chaîne Al-Sharquiyya qui les a utilisés. Trois journalistes et un collaborateur ont été enlevés et exécutés durant l’émission. » Et de rappeler que 160 000 mercenaires se trouvent en Irak actuellement et utilisent des armes contre les civils. « Sur cela, l’ONU reste silencieuse. »

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Des milliers et des milliers de prisonniers irakiens croupissent et meurent dans des conditions inommables dans plus de 400 prisons...

Le parlementaire irakien a confié nombre de documents à Human Rights Watch, Amnesty International, la Fédération internationale pour les droits de l’homme. Il les a aussi acheminés à Genève et les a remis à l’ONG arabe Al-Karama. « Il y en a des paquets qu’il faudrait trier, explique le responsable Rachid al-Mesli. Ensuite, il faudrait aller sur place pour recouper toutes les informations, vérifier la véracité de chaque document. Nous ne sommes pas structurés pour cela. C’est pourquoi il faut absolument instaurer un tribunal international, comme le demande Al-Dainy, et nommer une commission pour faire ce travail.  »

3 novembre 2008 - Le Temps


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