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La lutte d’un maire de Cisjordanie

jeudi 16 octobre 2008 - 07h:25

Adrian Raymond - The Electronic Intifada

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Près des trois-quarts des maisons dans son village doivent être démolies par l’armée israélienne et il est parti aux Etats-Unis dans une dernière tentative pour les sauver.

(En direct de la Palestine)

A la mi-septembre, le maire de Jérusalem, Uri Lupoliansky, a accueilli la 26ème Conférence des Maires dans un hôtel luxueux de la ville. Les dirigeants municipaux de diverses parties du monde Albuquerque, Anvers et Addis Abeba avaient été invités.

« Nous allons avoir l’unique opportunité durant cette Conférence de réfléchir sur les problèmes urgents auxquels sont confrontés quotidiennement et partout les maires » a dit Lupoliansky quelques jours avant l’ouverture de la conférence. « Nous avons l’intention de discuter sur le rôle très spécial que les maires ont en tant que dirigeants des villes, rôle qui a un impact non seulement dans leur pays mais également au-delà ».


Le maire d’Aqaba, Hajj Sami, cloué dans son fauteuil roulant, n’était pas présent. Il est maire d’une communauté plus petite qui a des problèmes beaucoup plus pressants. Près des trois-quarts des maisons dans son village doivent être démolies par l’armée israélienne et il est parti aux Etats-Unis dans une dernière tentative pour les sauver.

« Les Israéliens nous ont donné une carte » raconte-t-il. « Ils veulent détruire tout ce qui se trouve hors de cette carte ce qui signifie que seul 3% des terres du village subsisteront. Trente-cinq maisons sur les 45 maisons du village ont reçu des ordres de démolition ».

J’ai rencontré le maire Sami juste avant son départ pour les USA. C’était une chaude journée d’été et il avait abandonné son bureau pour se réfugier sous l’ombre d’un arbre voisin. Plusieurs hommes d’un certain âge l’avaient rejoint et parlaient doucement pendant que Sami, dans son fauteuil roulant, répondait à des coups de téléphone sans fin.

« Avant 1967, des douzaines de familles vivaient dans ce village » raconte-t-il. « Mais immédiatement après la guerre, l’armée israélienne a déclaré le village et ses environs une zone militaire fermée. Ils construisirent trois baraques sur les terres du village pour entraîner leurs forces à la suite de quoi 50 villageois ont été blessés. De plus 8 personnes ont été tuées lors d’exercices militaires. »

Sami est cloué en permanence à son fauteuil roulant. Quand il avait 16 ans, des soldats israéliens lui ont tiré trois fois dans le dos. Une des balles est restée logée à ce jour dans sa poitrine. Pourtant il lutte inlassablement pour que sa commune puisse demeurer sur sa terre dont elle est propriétaire depuis des générations. Durant ses campagnes, il a réussi à obtenir un financement international pour plusieurs bâtiments de sa communauté. Malgré le fait que le village est petit et isolé, la plupart des immeubles sont propres et bien entretenus.

Cette apparence accueillante risque bientôt de disparaître. Sami commence à me montrer de son poste ombragé les énormes problèmes auxquels font face ses concitoyens.

« Trente-cinq maisons ont été marquées pour démolition, y compris la clinique de santé derrière nous. » dit-il en montrant un bâtiment tout neuf à une vingtaine de mètres de l’endroit où nous sommes assis. « Le tribunal militaire a ordonné sa démolition... la mosquée aussi...et jardin d’enfants également. Un grand nombre de rues, de trottoirs et de murs doivent aussi être démolis. »

Ce ne sont pas des menaces en l’air. En 1999, 7 maisons et habitations temporaires ont été démolies ainsi que les lignes électriques, le réseau téléphonique local ainsi qu’un puits utilisé par les bergers locaux pour leurs troupeaux. Les autorités israéliennes justifient cela on se basant sur le fait que ces structures ont été construites sans permis : des documents qui ne sont pratiquement jamais accordés aux Palestiniens vivant dans des zones de la Cisjordanie qui sont restées, après les accords d’Oslo de 1993, sous le contrôle total d’Israël. Dans l’impossibilité d’obtenir un accord pour construire sur leurs propres terres, beaucoup d’habitants d’Aqaba n’ont eu que deux options : construire illégalement et risquer de tout perdre ou quitter le village pour de bon.

Il semble que la plupart des jeunes du village ont choisi la dernière option. Traditionnellement, quand un jeune couple se marie, l’épouse part vivre dans le village de son mari et celui-ci achète ou construit une maison non loin du lieu où habitent ses parents. Cela n’est pas possible à Aqaba. Selon les statistiques rassemblées par le comité du village, près de 700 habitants sont partis dans des villes plus importantes telles que Tubas ou Naplouse.

Pourtant ce n’est pas une crise du logement qui étrangle Aqaba. L’armée israélienne mène régulièrement des exercices militaires dans la région ce qui terrifie, blesse et parfois tue les villageois locaux. Les vastes vallées et les pentes abruptes de la région ressemblent au sud Liban qu’Israël a occupé de 1982 à 2000. La guerre en 2006 d’Israël contre le Liban a donné une autre raison à l’armée pour garder leurs terrains d’entraînement autour d’Aqaba.

Bien que Hajj Sami ait obtenu certaines victoires dans les tribunaux israéliens qui ont eu pour résultat le retrait d’un camp d’entraînement aux abords de la ville, les perspectives d’Aqaba restent lugubres et son maire a recouru à une dernière choses qui pourrait encore la sauver : la pression américaine.

« Après les accords d’Oslo nous avons mené une lutte pour garder cette terre : une lutte menée légalement. » dit Sami. « Maintenant nous portons cette lutte encore plus loin, aux USA, en allant parler aux membres du Congrès et au peuple américain de la situation d’Aqaba en particulier et de celle de la Palestine en général ».

Quelques jours après notre interview, Sami a fait ses bagages pour partir à Washington. Son emploi du temps est très rempli : lors de sa visite, il a l’intention de se rendre dans 6 Etats, de parler dans plusieurs universités et de rencontrer des personnalités du Congrès qui pourraient avoir une certaine influence pour assurer l’avenir d’Aqaba.

Deux jours avant ma visite, l’armée israélienne avait mené un exercice matinal en plein milieu du centre d’Aqaba. Hajj Sami a raconté que 400 à 500 soldats ont traversé le village au moment où les anciens prenaient juste avant l’aube leur repas en préparation du jeûne du Ramadan.

« Ces provocations envers un tout petit village seraient inacceptables dans tout autre pays du monde » dit-il. « Les habitants de ce village veulent vivre en paix, mais les Israéliens ne les laissent pas. Il nous est impossible de quitter ce village, nous n’avons aucun autre endroit où aller. L’armée d’occupation, les Forces de Défense Israéliennes, doivent partir afin que les habitants puissent vivre en paix ».

Il a caressé sa barbe grisonnante en contemplant la colline où 300 enfants locaux apprennent l’alphabet dans le jardin d’enfants du village, et en se demandant quand et si leur école sera détruite. Pendant une seconde, ses yeux se sont emplis d’anxiété. Puis son téléphone mobile a sonné et il a repris son combat.

*Paul Adrian Raymond travaille pour le programme EAPPI du « World Council of Churches » (http://www.eappi.org ) à Yanoun près de Naplouse. Ce programme apporte une présence protectrice internationale aux Palestiniens et fait campagne en vue d’une résolution juste au conflit israélo/palestinien à travers l’application de la loi internationale. Il a récemment obtenu le diplôme « Arabic and Middle Eastern Studies » à l’Université de Leeds au Royaume-Uni.

13 octobre 2008 - The Electronic Intifada - Traduction : Ana Cléja


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