16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Apprendre de l’Afrique du Sud

dimanche 5 octobre 2008 - 07h:29

Savera Kalideen & Haidar Eid - The Electronic Intifada

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


La valeur stratégique de la solidarité internationale avec le peuple palestinien dans la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec les réfugiés dans la Diaspora et les Palestiniens vivant en Israël soulève quelques questions fondamentales. Les plus immédiates et les plus pressantes sont : de quelle nature devrait être la solidarité internationale et comment pourrait-elle mieux soutenir la lutte des Palestiniens pour l’autodétermination ?

JPEG - 25.9 ko
26 septembre 2008 - La police israélienne des frontières surveille des femmes palestiniennes voulant aller prier à la mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem et attendant pour traverser le point de contrôle de Qalandiya à l’extérieur de la ville de Ramallah - Photo : Rami Swidan/MaanImages

La solidarité internationale doit, en premier lieu, mettre en évidence les façons dont le sionisme colonial a appliqué et continue d’appliquer une politique de « Bantustanisation » du type de l’ex-Apartheid d’Afrique du Sud. Il est également impératif de dénoncer les graves dommages que les Accords d’Oslo ont causé à la lutte palestinienne, vu le degré de confusion que ces accords ont introduit sur la scène internationale.

Une analyse historique de l’actuel bourbier palestinien ne peut pas distinguer la ségrégation et le sionisme du colonialisme. Comme Samir Amin l’explique avec persuasion dans son étude « Le développement inégal », au 19ème siècle en Afrique du Sud, le capitalisme central et les colonialistes ont dépossédé par la force les communautés africaines rurales pour assouvir leur besoin d’un large prolétariat qui leur permette d’exploiter la grande richesse minière du pays. Les habitants indigènes ont été expulsés vers des régions stériles, ne les laissant sans autre alternative que de se transformer en main d’oeuvre à faible prix pour les mines et les fermes européennes et plus tard pour l’industrie sud-africaine en expansion.

Cette première dépossession a lentement transformé une société vivante et dynamique en une série de réserves de main d’oeuvre perdant progressivement leur indépendance, et, pour finir, a mis en place l’Apartheid et les Bantustans.

Mais ce processus n’était pas unilatéral : dans toute ces dépossession et refontes de l’Afrique du Sud pour en faire un paradis de la suprématie raciale, la communauté internationale a été mobilisée par la lutte à l’intérieur de l’Afrique du Sud et par une campagne concertée avec les Africains du sud pour protester contre la création par une ségrégation flagrante, d’une main-d’ ?uvre disponible, et pour protester contre son exploitation inhumaine et raciste.

Aujourd’hui c’est l’état israélien d’Apartheid qui est condamné pour déposséder la population indigène, appliquer une politique de génocide à son encontre et aller jusqu’à récemment menacer d’un « holocauste » la bande de Gaza.

Au cours des années, Israël a été accusé par des Africans du sud tels l’évêque Tutu, Blade Nzimande et John Dugard, d’être encore pire que l’état de l’Apartheid. Ces Africains du sud qui ont l’expérience de l’Apartheid citent l’utilisation des F-16, des tirs depuis des hélicoptère sur des civils désarmés, les démolitions de maisons et les arrestations des familles de gens suspectés d’être des « militants », toutes ces pratiques rendant l’Apartheid israélien qualitativement pire que l’ex-Apartheid sud-africain.

Des similitudes entre les deux états d’Apartheid peuvent être trouvées dans leurs politiques concernant la citoyenneté, leur utilisation de l’emprisonnement sans jugement et les lois qui limitent la libre circulation et le droit de vivre dans sa propre maison avec sa famille. De la même façon que le système ségrégationniste en Afrique du Sud accordait la citoyenneté aux Africains du sud blancs et reléguait les noirs « dans des pseudo-zones indépendantes » (c’est à dire des Bantustans), le sionisme donne à tous les juifs le droit à la citoyenneté dans l’état d’Israël tout en refusant la citoyenneté aux Palestiniens, qui sont pourtant les véritables habitants indigènes de cette terre.

Tandis que la ségrégation employait la « race » pour déterminer la citoyenneté, l’état d’Israël emploie l’identification religieuse pour déterminer la citoyenneté. De la même façon que l’Apartheid avait promulgué des lois criminalisant la libre circulation des Africains noirs sur la terre de leurs ancêtres, Israël utilise une infrastructure d’occupation militaire faite de points de contrôle, de colonies et de routes exclusivement juives, du mur de ségrégation, le tout combiné avec une myriade de règlementations qui régissent la vie quotidienne des Palestiniens et sont précisément conçus pour sévèrement handicaper la façon dont ils vivent et travaillent.

Depuis 1967, Israël a emprisonné un quart de la population masculine palestinienne et incarcère aujourd’hui plus de 11000 prisonniers dans ses prisons, des milliers de ces prisonniers ne disposant d’aucun recours légal. Beaucoup de personnes incarcérées ont passé des années en prison pour des « crimes » comme entrer illégalement en Israël.

Des milliers de familles palestiniennes vivent sous la menace d’une séparation forcée ou sont déjà séparées parce que ne disposant pas des permis nécessaires pour vivre ensemble — permis refusés par Israël depuis 2000. Ces politiques frappent au coeur de la vie de famille puisque de nombreux Palestiniens sont forcés de solliciter Israël pour obtenir des autorisations de regroupement familial s’ils veulent vivre ensemble.

Pendant les années d’Apartheid, l’Afrique du Sud a été sous une pression constante de la communauté internationale et des institutions multilatérales telles que le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui a voté d’innombrables résolutions la condamnant en raison de son traitement inhumain à l’égard des Sud-Africains noirs. C’était d’un grand secours pour ceux qui étaient opprimés, alors que les Palestiniens aujourd’hui sont privés même de ce réconfort minimum parce que les Etats-Unis continuent à user de leur droit de veto pour s’assurer qu’Israël échappe à toute condamnation venat du reste du monde.

La solidarité internationale avec le peuple palestinien, pendant des décennies, a joué un rôle extrêmement important, quoique surtout oral, en appuyant sa luttede libération. Il y a un rapport proportionnel indéniable entre les différentes formes de lutte dans les territoires occupés et l’attention et la solidarité internationales qui s’y attachent. Malheureusement, après 15 ans durant lesquelles Israël a méprisé tous les engagements pris dans le cadre des accords d’Oslo, et huit ans après le début de la deuxième Intifada palestinienne, dans la société civile internationale perdure toujours fortement l’idée que la question palestinienne a été pour l’essentiel solutionnée.

Il y a par conséquent urgence d’une campagne internationale de solidarité pour dénoncer les similitudes existant entre la ségrégation et le sionisme avec la condition des Africains du sud sous l’Apartheid, et pour dénoncer la condition faites aujourd’hui aux Palestiniens en tant que peuple dépossédé de sa terre.

Nous avons tous observé la façon dont les résultats des élections de 2006 en Palestine ont vu leur légitimité niée par la communauté internationale et la façon dont le peuple palestinien a été colllectivement puni pour sa témérité d’avoir choisi ses propres dirigeants. Les Africains du sud ont dû attendre 27 ans pour que leur dirigeant et leur parti soient enfin libres et à même de les diriger ; pendant ces longues années ils ont repoussé tous les dirigeants factices qui leur étaient refilés, même si ceux-ci avaient été embrassés par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Pas plus tard qu’en 1987, Thatcher était assez sûre d’elle pour dire que « Nelson Mandela ne serait jamais le président de l’Afrique du Sud libre. »

Comme le gouvernement de Thatcher, d’autres gouvernements dans le monde ont été forcés d’isoler le régime d’Apartheid en Afrique du Sud. Ils ne l’auraient pas fait sans la pression exercée par leurs propres peuples.

Israël doit être isolé exactement de la même manière que l’a été l’Apartheid sud-africain. Aujourd’hui, il y a une lutte de masse qui prend de plus en plus d’ampleur à l’intérieur de la Palestine, comme d’autres formes de lutte, exactement comme cela se passait à l’intérieur du régime d’Apartheid en Afrique du Sud. Un mouvement de solidarité renforcé au niveau international avec un programme commun à tous peut faire connaître et supporter la lutte pour la Palestine dans chaque pays, fermant ainsi le monde aux Israéliens jusqu’à ce que ceux-ci soient contraints d’ouvrir le monde aux Palestiniens.

* Savera Kalideen milite dans le mouvement sud-africain de solidarité avec la Palestine ; Haidar Eid milite depuis la Palestine dans le mouvement pour le boycott, le désinvestissement et des sanctions (BDS) et contre Israël.

2 octobre 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.