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Le Hezbollah et les Palestiniens
(1ère partie)

jeudi 25 septembre 2008 - 07h:03

Franklin Lamb - Counterpunch

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Le Parti de Dieu peut-il les délivrer de l’exil ?

« La réaction aux massacres de Sabra et Shatila fut la mise en activité de la résistance au Liban. Si le peuple libanais avait abandonné la résistance, il se serait rendu complice des massacres de Qana, Sabra et Shatila. »

Hasan Nassallah, 4 juin 2002

« Nous renouvelons notre engagement pour Jérusalem, pour les Palestiniens, et pour la cause et l’imam de Jérusalem ; leur cité est pour toujours dans nos âmes et continuera d’être notre cause, notre bataille et note objectif ultime. »

Hasan Nassallah, 28 octobre 2005


Les conséquences fondamentales des massacres de Sabra et Shatila, en 1982, et la création du Hezbollah sont deux évènements sismiques survenus dans la même période et le même lieu, deux évènements qui, selon certains, sont pris inclus un engagement qui rendra la Palestine aux Palestiniens.

Moins de 45 minutes après l’explosion dans l’hôtel Marriott de 315 chambres à Islamabad, pendant l’heure de l’iftar [repas de rupture du jeûne à la fin de la journée] du Ramadan, samedi dernier, les unités de la sécurité du Hezbollah avaient sécurisé, de la façon la plus discrète, la protection des abords de l’hôtel Marriott de 162 chambres de Beyrouth. L’une des ambassades dont la sécurité est assurée par ces unités est celle de la Palestine, qui a été ouverte l’an dernier.

Les précautions sécuritaires relevaient moins du désir de plaire à l’administration Bush - que le mouvement considère comme un régime terroriste voyou - ou à la chaîne d’hôtel - propriété des sionistes -, que du fait que le Marriott se trouve dans l’un des secteurs de base et densément peuplé du Hezbollah. Dahiyeh, qui recouvre plusieurs quartiers du sud de Beyrouth dénommés souvent et à tort « banlieues », est à moins d’un mile du secteur des réfugiés palestiniens connu sous le nom de Sabra-Shatila.

Le Hezbollah oeuvre régulièrement à l’interception des éléments qui se vantent ouvertement ou qui planifient secrètement de lancer des attaques dans ses quartiers. Certains parmi ceux qu’il surveille et qui se sont infiltrés sont des éléments d’Al Qaïda, inspirés des cellules salafistes sunnites, qui considèrent le Hezbollah chiite comme leur ennemi, avant même les gouvernements US et israéliens. Contrairement à ce qu’indiquent les récents articles de Robert Fisk, ces groupes se développent effectivement au Liban et à l’intérieur des camps palestiniens, particulièrement dans ceux d’Ain el Helwe et Bedawi. Ils essaient de pénétrer dans les camps proches de Tyr, paisibles jusqu’à présent. En tant qu’observateur, je serais d’accord avec Fisk pour dire qu’il ne sera pas facile pour Al Qaïda de trouver assez de sympathisants et d’adhérents de l’idéologie salafi-jihadi pour défier la force des partisans parfaitement organisés du Hezbollah. Pourtant, pas moins de 11 groupes inspirés d’Al Qaïda, pressés de déstabiliser le Liban et parfois liés à des projets américano-israéliens, se sont organisés selon les représentants du Comité populaire palestinien à l’intérieur des camps. Certains de leurs buts sont révélés par la campagne croissante de menaces qui émane de leurs sponsors occasionnels de Tel-Aviv et de Washington.

L’Ours en colère revient au Levant

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Les membres du Welch Club (Samir Geagea, Saad Hariri & Walid Jumblat) autour de Fouad Siniora.

Si on est en mesure de connaître le reste de l’histoire à propos de ce qu’il s’est vraiment passé lors des évènements d’avril et début mai derniers à Beyrouth Ouest, les faits conduiront à une conclusion très différente du récit présenté par le club Welch. Des chercheurs espèrent pouvoir déchiffrer le contenu de dix heures et demie de conversations enregistrées entre Washington et ses substituts libanais. Les conversations ont été évoquées lors d’une rencontre entre le numéro deux du Hezbollah, Sheifk Naim Qassim, et l’ancien ambassadeur US avec sa délégation en juillet 2008 à Dahiyeh. Un rapport complet sur les évènements de mai apportera aussi des précisions sur ce qui est su par beaucoup ici, à savoir que chaque communication entrante et sortante de l’ambassade des Etats-Unis est soigneusement surveillée, analysée et méditée. Il en va de même pour les réunions dominicales du cabinet israélien.

Cette semaine, le chef de sécurité de l’information au sein de l’armée israélienne, le colonel Ram Dor, s’est plaint dans le journal israélien, Yediot Ahronot (dernières nouvelles) que la Russie retransmettait des informations au Hezbollah. Selon Dor, les navires espions russes et le personnel russe servant dans les stations d’observations sur le versant syrien du plateau du Golan réalisaient des missions d’interception et de piratage et passaient les secrets des Israéliens au Hezbollah.

« J’estime que de tels dispositifs couvrent la plus grande partie du territoire d’Israël » indique Dor.

Les services de renseignements américains de l’ambassade US de Beyrouth dénoncent également le piratage et le partage de « la plupart de leurs communications sécurisées » concernant les Russes, mais d’autres affirment que ce n’est qu’un prêté pour un rendu après ce que le Mossad et la CIA ont fait au début de l’année dernière en Géorgie.

Les experts en Internet de la sécurité de l’ambassade US ne savent pas vraiment dans quelle mesure les militaires russes sont directement responsables des « communications compromises », mais ils affirment que les circuits et les serveurs utilisés dans l’opération viennent assurément de Russie et résultent d’une activité accrue de la Russie au Moyen-Orient.

D’après certains à Beyrouth, ceci explique pourquoi « la surprise de mai » américano-israélienne, méticuleusement planifiée, s’est transformée en une « surprise de mai » pour ses initiateurs et leurs coéquipiers locaux, lesquels ont été lâchés selon une triste habitude quand le projet a implosé.

Pour contrer cette difficulté, le Centre pour le renseignement humain et le contre-espionnage pour la défense, récemment créé au sein de la DIA (Defense Intelligence Agency - Agence du renseignement pour la Défense), est autorisé pour la première fois à procéder à des « opérations stratégiques offensives de contre-espionnage » au Liban et contre tout groupe où qu’il se trouve considéré par l’administration Bush comme « terroriste », selon Mike Pick de la DEA (Drug Enforcement Administration - service de police fédéral américain) qui dirigera directement le programme.

Les opérations offensives seront menées au Liban et à l’étranger contre les personnes connues pour avoir des liens, ou seulement suspectées, avec les renseignements étrangers ou les activités terroristes internationales, selon Toby Sullivan, directeur du contre-espionnage du Sous-secrétaire à la Défense pour les renseignements, James R. Clapper, Jr.

Selon Walter Pincus, journaliste qui couvre les questions du contre-espionnage pour le Washington Post, ces opérations sensibles, clandestines, sont des « activités du ministère étroitement contrôlées et gérées par un petit groupe de personnes spécialement sélectionnées au sein du Département de la Défense. La nouvelle unité est destinée à contrer ce que ces groupes, tel le Hezbollah, pourraient essayer d’entreprendre contre nous et à en apprendre davantage à ce propos. » déclare Sullivan. Il ajoute que dans le cas de « terroristes », l’objet est d’identifier les personnes qui pourraient « essayer de nous faire du mal et de collecter des informations à notre sujet, et de les en empêcher. Jusqu’à présent, nous ne savons pas si le Hezbollah essaie d’entreprendre quelque chose contre nous mais nous le surveillerons ».

« Vous arrêtez, nous arrêtons », propose Poutine à la prochaine administration US, selon des déclarations de sources du personnel du Congrès à la Commission du renseignement du Sénat américain. Nombreux sont ceux au pouvoir, à Moscou, qui considèrent aussi l’administration Bush comme une « coterie terroriste » et attendent avec impatience le résultat des élections de novembre, espérant la victoire d’Obama.

L’ordinateur portable de l’écolière et le gars des KKK

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L’auteur, l’ "observateur".

Bien des heures avant que le Marriott soit attaqué au Pakistan, Fairouz Husseini était avec ses copines dans la cour à l’extérieur de l’école secondaire Haïfa, à l’autre bout de la route venant du camp de réfugiés de Shatila, un camp géré par l’UNWRA de Bir Hassan. Fairouz et ses amies ont été prises de vertige deux jours après avoir reçu des ordinateurs portables au 26ème anniversaire du massacre de Sabra-Shatila.

« Je l’adore ! Je ne peux le croire, il est à moi, je peux le garder !  » s’est exclamé Fairouz pendant qu’elle essuyait d’une main protectrice la housse vert pâle de son nouvel ordinateur portable XO, et enregistrait une interview avec une vidéo sur son écran et une caméra intégrée. Le portable XO est l’un des outils perfectionnés qui sert pour l’enseignement, développés par l’Institut de technologie du Massachusetts et avec lesquels certains croient pouvoir révolutionner l’enseignement dans les pays en voie de développement.

« Cet Américain nous a dit que si nous l’utilisions correctement, il nous ouvrirait les portes de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie et que nous pourrions apprendre, comme tant d’autres étudiants des meilleures écoles partout dans le monde ! » ajoute Fairouz.

Amal, une copine de 13 ans de Fairouz, très loquace, l’interrompt : « Nous sommes en train de fabriquer un ordinateur portable au club de notre école. Nous l’appelons : "Apprendre pour notre Retour" ! C’est un beau nom n’est-ce pas ? Qu’en pensez-vous ? Notre copain Ahmad dit que c’est une idée ridicule. De toute façon, Ahmad ne se comporte pas comme il faut, c’est une sorte de sauvage. Il est ce que nous appelons un gars des KKK - Kalashnikov, Kassem et Katyusha. Quoi qu’il en soit, la plupart des étudiants dans le camp sont pacifiques et nous voulons reconstruire notre pays quand nous rentrerons, et nous avons besoin de beaucoup apprendre pour y arriver ! »

Fairouz et ses copines, qui font le Ramadan, avaient déjà fini les cours pour la journée, alors qu’il n’était pas encore midi. Les Palestiniens des camps au Liban sont mis devant un sérieux défi ayant une journée d’école écourtée du fait de la surpopulation. En moyenne, il y a autour de 35 élèves mais parfois jusqu’à 50 par classe, ceci parce que l’UNRWA doit assumer deux postes de travail chaque jour. L’absentéisme des élèves et des enseignants est élevé, les niveaux sont bas, les livres insuffisants, les infrastructures pauvres et les taux des abandons en augmentation.

Sur les 59 camps palestiniens au Levant (Syrie, Jordanie, Palestine et Liban), il n’y a que les écoles des camps de la bande de Gaza qui sont aussi mauvais, voire pires, que ceux du Liban.

Le directeur de l’UNRWA (Agence de secours et de développement des Nations unies - pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient), John Ging, rapporte que jusqu’à 60% des enfants de Gaza des écoles de l’UNRWA ont échoué à leurs examens de mathématiques l’année dernière, et que 40% avaient échoué à leurs examens d’arabe au début de l’année.

L’UNRWA assure la scolarisation des enfants réfugiés palestiniens du niveau 1 à 9 mais un enseignement secondaire limité et, comme au Liban, ces écoles sont obligées de fonctionner en double poste du fait du surpeuplement. « Beaucoup d’enfants viennent à l’école en ayant faim et sont incapables de se concentrer » selon John Ging.

Haifa Fahmi al-Agha, directeur général au ministère de l’Education de l’Autorité nationale palestinienne (ANP) dans la bande de Gaza, a fait savoir que les niveaux pour l’échec dans les écoles de Gaza avait été délibérément abaissés ces dernières années pour pallier les classes surchargées, le trop peu d’écoles et les fonds limités de l’enseignement. La même tendance à « baisser la barre » apparaît petit à petit dans les écoles palestiniennes au Liban.

Le camp de Shatila, comme son frère Burj al Baraneh, est situé dans la municipalité de Ghouberi, dont le conseil est actuellement tenu par le Hezbollah, dont les membres ont gagné tous les 21 sièges, tant aux élections de 1998 qu’à celles de 2004. Le service de sécurité du Hezbollah protège toute la zone autour du camp de Shatila, ainsi que l’école Haifa et les autres écoles palestiniennes qui ont des élèves chiites, sunnites et chrétiens. La zone Sabra-Shatila forme un secteur très uni et regroupe, ensemble, les Palestiniens sunnites et le Hezbollah chiite.

Plus de 90% des élèves palestiniens au Liban, interrogés récemment lors d’un sondage certes non scientifique, semblent croire que le Hezbollah détient leur meilleur espoir de retour en Palestine et insistent pour que leurs parents vote pour le Hezbollah lors de l’élection cruciale de l’année prochaine si les Palestiniens étaient autorisés à voter au Liban.

Avant de partir pour rentrer chez elle, Fairouz a présenté notre observateur auprès de sa mère adorée, Nour. Nour est une organisatrice de la communauté qui est venu prendre sa fille. Elle a développé les raisons pour lesquelles les sunnites et particulièrement la communauté palestinienne laïque de Bir Hasan (où les tueurs s’étaient d’abord rassemblées il y a 26 ans avant d’être envoyés dans le camp) en sont venus à soutenir le Parti de Dieu, chiite, en dépit de relations passés parfois agitées.


2ème partie :

-  La question des Palestiniens sans papier et la gratitude palestinienne
-  Les quadruplés de Fatima Khalife et Hasan Nasrallah

Franklin Lamb fait un travail de documentation au Liban. Il est diplômé de la Boston University et de la London School of Economics. Il a été assistant à l’International Law et conseiller-assistant à la commission parlementaire de la justice du Congrès américain. Il a publié plusieurs ouvrages sur le Liban et peut être contacté à l’adresse : fplamb@gmail.com.

Du même auteur :

- Journée agitée à Beyrouth
- « Aimer le Liban » empêche-t-il de dire « Désolé ! » ?
- 25e anniversaire du massacre de Sabra et Shatila
- Qui se trouve derrière les combats au Nord-Liban ?

23 septembre 2008 - Counterpunch - traduction : JPP


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