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samedi 20 septembre 2008 - 23h:59

Omar Barghouti - The Danse Insider

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Un danseur afro-américain, membre du Alvin Ailey American Dance Theater à été contraint de prouver par deux fois qu’il était vraiment un danseur avant de pouvoir entrer en Israël.

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La troupe du Alvin Ailey American Dance Theater (ici sur la photo) a appris à ses dépends les risques qu’il y a à frayer avec l’Apartheid israélien. Et l’on peut aussi constater que le manque d’esprit de solidarité à l’intérieur de la troupe est tout à fait remarquable...

L’agence Associated Press a rapporté que ce mardi, les agents de sécurité israéliens de l’aéroport « Ben Gurion » de Tel Aviv, avaient contraint un danseur afro américain, membre de la troupe de théâtre Alvin Ailey (troupe itinérante de loin la plus connue aux Etats-Unis) à prouver par deux fois qu’il était vraiment un danseur avant de le laisser rentrer dans le pays, avec la troupe de danse. Mais même après les démonstrations, un des officiers demande à Abdur- Rahim Jackson de changer de nom. M. Jackson se senti humilié et blessé ; cela est en partie du, selon un porte parole de la troupe Ailey, au fait que son nom à consonance arabo-musulmane (qui lui a été donné par son père musulman) était la raison pour laquelle il avait été le seul membre de la troupe à devoir se soumettre à cette pratique israélienne de contrôle ethnique.

Cependant, le contrôle ethnique qui est illégal aux Etats-Unis et qui est décrit comme raciste par les associations de défense des droits de l’homme, est très répandu en Israël et a lieu par exemple à l’entrées des centres commerciaux, des bâtiments publics ou privés, des aéroports etc. Les citoyens israéliens et les résidents permanents qui ont des noms arabes, ou bien juste à consonance de type arabe, sont sélectionnés par les autorités de la sécurité pour des fouilles et des vérifications pénibles et humiliantes. Je possède une carte d’identité israélienne et quand je traverse l’aéroport de Tel-Aviv par exemple, on me colle toujours des étiquettes avec le numéro « 6 » sur mon passeport, mes bagages et mon ticket. En comparaison, les israéliens de confession juive ont le chiffre « 1 » ou « 2 ». Le chiffre « 6 » est celui qui conduit aux méthodes de vérifications les plus dégradantes et les plus éprouvantes.

Les chiffres les plus bas indiquent au contraire que vous pourrez passer la sécurité après la vérification aux rayons X de vos bagages. Il y a quelques années, les personnes comme moi recevaient un large autocollant rouge alors que les israéliens juifs avaient des couleurs moins voyantes comme du rose très léger. Certains officiels, les plus malins, ont remarqué que classer les passagers par rapport à leur ethnicité et/ou religion faisaient trop ouvertement penser à l’Apartheid. Ils ont donc adopté le code plus discret à base de chiffres. Ainsi, c’est donc sans surprise que le prix Nobel sud africain, l’évêque Desmond Tutu, leader anti-apartheid, a décrit les pratiques israéliennes comme étant une forme « encore pire » d’Apartheid, beaucoup plus sophistiqué que la version originale.

La troupe Alvin Ailey célèbre son 50e anniversaire avec une tournée internationale débutant en Israël. Malgré l’incident cité plus haut, la tournée s’est poursuivie comme prévue le jeudi ; en substance, rien n’a été fait pour protester contre cette méthode discriminante dont un des membres de la troupe a été l’objet. Bien que le directeur artitique Judith Jamison ait fait remarquer au journal Haaretz que « nous sommes ici pour vous déranger, vous faire réfléchir ». Cela ne fait que renforcer l’impunité d’Israël. Le point crucial étant que la troupe, en se produisant en Israël, n’a pas tenu compte de l’appel au boycott lancé par la société civile palestienne depuis 2004 contre Israël du fait de sa violation permanente des lois internationales et des droits de l’homme.

Deux ans après cet appel initial au boycott, une large majorité d’artistes palestiens a appelé tous les artistes et cinéastes moralement responsables autour du monde « pour qu’ils annulent toutes expositions ou évènements artistiques en Israël, pour mobiliser les gens rapidement et contrer cette offensive israélienne consistant à gagner de la tolérance ». Comme pour le boycott de l’Afrique du Sud durant l’Apartheid, les intervenants culturels palestiniens conseillent vivement à leurs collègues et groupes culturels internationaux « de s’exprimer contre les atrocités et crimes de guerre israéliens ».

Plusieurs artistes et intellectuels reconnus internationalement ont soutenu l’appel au boycott ; parmi eux, John Berger, Ken Loach, Jean-Luc Godard, the Irish artists union, Aosdana, et la companie de danse belge Les Ballets C. de la B. Ces derniers ont publié un communiqué légitimant le boycott le considérant comme « un moyen légitime, sans équivoque et non-violent pour exercer plus de pression sur cux qui sont responsables ».

En 1965, L’American Committe on Africa, imitant ainsi plusieurs célèbres associations d’art britannique, a parrainé une déclaration historique contre l’Apartheid Sud Africain qui avait été signée par plus de 60 personnalités artistiques. On peut y lire : « Nous disons non à l’Apartheid. Nous prêtons serment, ainsi, nous refusons tout encouragement ou toute association professionnelle avec l’actuelle République d’Afrique du Sud et cela jusqu’au jour ou le peuple bénéficiera d’avantages équitables en matière d’éducation et de culture dans ce riche et beau pays. »

Si l’on remplace « République d’Afrique du Sud » par « Etat d’Israël , » tout le reste de l’appel pourrait rester identique.Soixante ans ans après la mise en ?uvre de ce qui est décrit par l’historien Israélien Ilan Pappe comme un processus systémique et délibéré de nettoyage ethnique à l’encontre d’une large partie de la population indigène palestienne, Israël pratique encore une discrimination raciale envers les citoyens « non-juifs », continue à maintenir l’occupation militaire la plus longue du monde moderne, nie encore le droit reconnu internationalement aux millions de réfugiés palestiniens de rentrer chez eux, sur leur terres et commet toujours des crimes de guerre et des violations des droits fondamentaux de l’homme en passant outre la loi internationale avec une totale impunité.

Certains pourraient dire que, selon leur point de vue, que l’art doit transcender les divisions politiques et unifier les peuples à travers leur humanité commune. Ils oublient, semble-t-il, que maitres et esclaves ne partagent rien en commun, si ce n’est l’appartenance au genre humain.

Plutôt que de chercher à réinventer la roue, je rappelle les mots particulièrement inspirés de Enuga. S. Reddy, directeur du United Nations Center Against Apartheid, qui en 1984 et en réponse à la critique disant que le boycott culturel de l’Afrique du Sud empiète sur la liberté d’expression, disait : « Cela est plutôt étrange, pour ne pas dire plus, que le régime Sud Africain qui nie toutes les libertés...à la majorité africaine... doive se transformer en défenseur de la liberté des artistes et sportifs du monde. Nous avons une liste de personnes qui se sont produit en Afrique du Sud à cause de l’ignorance de la situation, à cause de l’appât du gain ou bien à cause d’une insouciance face au racisme. On devrait pouvoir les persuader d’arrêter de se produire grâce au système d’Apartheid, de profiter de cet argent lié à l’Apartheid, et d’arrêter de servir les buts de la propagande du régime d’Apartheid. »

L’humanité, et par-dessus tout la dignité humaine, est au centre de la plupart des travaux de Alvin Ailey. Sa troupe, et surtout tous les artistes ou organismes culturelles qui se préoccupent des droits de l’homme et qui savent que l’art et la responsabilté morale ne doivent à aucun moment être dissociés, sont appelés par leurs collègues palestiniens et un large public à ne pas se produire en Israël tant que la justice, la liberté et l’égalité de tous envers les droits de l’homme ne sont pas applicables à tout le monde, indépendamment de l’ethnie, la confession religieuse, le sexe et de toutes autres formes d’ identité.

C’est ce qu’avait fait la communauté universitaire des arts (Ailey co-dirige le programme d’un diplôme à l’Université Fordham) pour contribuer à la lutte pour mettre terme à la règle de l’Apartheid en Afrique du Sud. Ceci est précisément ce qu’ils peuvent faire pour en finir avec l’injustice et le conflit colonial en Palestine. Ils peuvent au moins faire en sorte que des danceurs appelés Abdur-Rahim, Fatima, Paul ou Nurit soient perçus et traités de façon égale, sans aucune différenciation.

* Omar Barghouti est chorégraphe indépendant, analyste culturel et un des membres fondateurs de la campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël.

15 septembre 2008 - The Danse Insider - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.danceinsider.com/f2008/f...
Traduction de l’anglais par Damien


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