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Apprendre quelle est la souffrance de l’enfermement

mardi 16 septembre 2008 - 06h:40

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Le refus par Israël et l’Egypte de laisser des militants pacifistes occidentaux quitter Gaza a pour seul effet de renforcer leur détermination à lutter contre le blocus, écrit Al-Naami.

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Booth Lauren, journaliste et militante pacifiste, belle-soeur de Tony Blair l’ex-premier britannique et aujourd’hui délégué international pour la paix de Moyen-Orient participe à une manifestation contre le siège israélien sur Gaza - Photo : AFP

Un large sourire a éclairé le visage de Jimmy Lail lorsqu’a retenti au-dehors l’appel à la prière au coucher du soleil, annonçant la fin d’un autre jour de jeûne du Ramadan. Puis Lail entama le repas de rupture du jeûne, commençant par quelques dates. Lail est l’un des militants pacifistes internationaux retenus dans la bande de Gaza depuis qu’Israël et l’Egypte ont refusé d’autoriser leur départ, et lui et ses cinq compagnons étaient ce jour-là les invités d’une famille de Gazan qui avait insisté pour qu’ils prennent ce repas avec eux.

Lail et ses amis ont commencé à jeûner dès le début du Ramadan, en solidarité par les Palestiniens. « Nous disons que notre jeûne est en solidarité avec le million et demi de Palestiniens qui jeûnent sous un blocus mortel, » dit-il. Depuis le début du Ramadan, les familles palestiniennes et le Comité populaire pour mettre fin au siège ont invité les six militants à leurs tables de repas de rupture et leur ont aussi fourni leurs repas d’avant l’aube. Les six militants prévoient de jeûner tout le mois du Ramadan afin d’exprimer leur solidarité avec les Palestiniens.

Bien que les autorités israéliennes et égyptiennes les aient empêchés de quitter la bande de Gaza, les militants internationaux ne se sont pas du tout plaints de devoir rester à Gaza. Au contraire, ils estiment avant tout que la décision israélienne et égyptienne leur a permis de mieux faire l’expérience des inombrables souffrances vécues par les Palestiniens. Une des militantes solidaires, qui avait eu l’intention de quitter la bande de Gaza, est Lauren Booth, la belle-soeur de l’ancien premier ministre britannique et délégué du Quartet Tony Blair. « Je remercie l’armée israélienne qui m’a permis, par sa décision de m’empêcher de quitter la bande de Gaza, d’apprendre à connaître comment est la vie dans la plus grande prison du monde, » a-t-elle dit à l’hebdomadaire Al-Ahram. Booth a aussi expliqué que bien qu’elle ait eu l’intention de quitter la bande de Gaza et de rentrer en Grande-Bretagne pour être présente au moment où ses enfants retourneraient à l’école, le fait de rester à Gaza lui a permis d’éprouver l’ampleur de la catastrophe humanitaire dont souffrent les Palestiniens vivant sous le blocus.

« C’est un véritable terrorisme d’état qui s’applique contre les Palestiniens, quand on voit qu’on fait mourir des malades faute de soins ou faute d’une permission pour se faire soigner à l’extérieur, » nous dit-elle. « Seuls ceux qui se rendent dans Gaza peuvent se rendre compte de la tragique réalité que vivent les gens ici, et voir à quel point Israël ment dans ses déclarations. » Booth considère que la décision d’Israël de l’empêcher de quitter le territoire est une forme de punition pour sa participation au voyage des bateaux de Free Gaza qui ont forcé le blocus, mais elle insiste sur le fait que ceci n’a pas diminué sa résolution à poursuivre la lutte contre le blocus. Ce qui est plus dérangeant pour Booth est la position égyptienne, parce que les autorités égyptiennes ont refusé son passage depuis la bande de Gaza alors que le poste-frontière de Rafah était ouvert pendant deux jours. Booth raconte que sur trois jours elle a passé près de 25 heures a tenter de quitter Gaza par Rafah dans un autobus contenant plus de 100 personnes et dans une chaleur dépassant les 50 degrés.

Les six militants ont l’intention de se servir de chaque moment qu’ils passent à Gaza pour faire connaître leur refus du siège. Ils veulent réellement partager l’expérience des Palestiniens assiégés et les encourager à résister dans la durée. Samedi dernier dans la matinée ces militants ont passé plusieurs heures sur un bateau de pêche le long de la côte depuis la ville de Rafah jusqu’à la pointe sud de la bande de Gaza. Ils pensaient pouvoir enregistrer une autre « victoire » sur l’armée israélienne après avoir atteint la côte de Gaza et forcé le siège en dépit du refus initial de la part d’Israël de les laisser accoster. Le but de cette action [de samedi] était d’essayer d’élargir le secteur de pêche accessible aux pêcheurs palestiniens.

Les accords d’Oslo prévoient la possibilité pour les pêcheurs palestiniens d’aller pêcher jusqu’à six kilomètres de la côte, mais depuis la date de décclenchement de l’Intifada d’Al-Aqsa, la marine israélienne n’a pas permis aux pêcheurs palestiniens de dépasser deux kilomètres. Le prétexte invoqué [comme toujours] est la « sécurité » et tout bateau dépassant la limite est la cible de tirs. Les militants internationaux ont samedi dernier encouragé les pêcheurs à dépasser la limite imposée par l’armée d’occupation et à placer des filets de pêche à quatre kilomètres de la côte, mais moins d’une heure s’était écoulée que les vaisseaux de guerre israéliens se mettaient à tirer des coups de semonce en direction des pêcheurs et de ceux qui les accompagnaient, les obligeant à rebrousser chemin. George Crafest, un de ces militants internationaux, pense que bien que la tentative ait échoué, elle a servi à montrer à l’armée israélienne que des mesures injustes à l’encontre les Palestiniens ne seront pas respectées.

Les militants ont voulu se renseigner sur la vie dans les camps de réfugiés et ont visité la plupart des camps à travers la bande de Gaza, parlant avec les habitants au sujet de leur vie. Les internationaux ont également passé la nuit dans les très modestes demeures des familles de réfugiés. Andu Monica, de nationalité grecque, était profondément impressionnée après avoir passé une nuit avec un famille de 12 personnes vivant dans deux pièces. « C’est terrible de voir une famille de 12 vivant confinée dans une maison qui est à peine assez grande pour tout au plus quatre personnes, » dit-elle. « La vie dans les camps de réfugiés est la pire image de la vie sous une occupation vieille de plus de 60 ans depuis la Nakba [catastrophe] et l’expulsion des Palestiniens de leur terre. »

Ces militants venus de différents pays ont poursuivi leurs visites dans les institutions palestiniennes en se rendant plusieurs fois dans des hôpitaux où on leur a expliqué avec précision les effets tragiques du siège sur le peuple palestinien. Ils avaient du mal à retenir leurs larmes en voyant et entendant les cris des patients gravement malades et souffrant durant leurs dernières heures à vivre dans les divers départements de l’hôpital de Dar Al-Shifa, le plus grand hôpital de la ville de Gaza.

Il est clair que la décision israélienne et égyptienne de s’opposer à ce que les militants internationaux puissent quitter la bande de Gaza ne découragera pas d’autres défenseurs de paix et du droit de rejoindre Gaza par la mer. Jamal Al-Khudari, représentant du Comité populaire pour briser le siège sur la bande de Gaza, fait savoir qu’un nouveau bateau de solidarité arrivera sur la côte de Gaza le 22 septembre avec comme objectif de forcer une nouvelle fois le blocus est imposé sur le territoire depuis plus d’une année.

Dans ses déclarations à l’hebdomadaire Al Ahram weekly, Al-Khudari nous apprend que le bateau transportera huit membres du Parlement européen, ainsi que des universitaires, des artistes, des professionnels des médias, et 22 chirurgiens qui effectueront des opérations dont les patients palestiniens ont un besoin urgent, ne peuvant pas quitter la bande de Gaza à cause du siège. Al-Khudari a ajouté qu’un autre bateau arriverait plus tard d’Ecosse transportant de l’aide humanitaire. Au dixième jour du Ramadan, des parlementaires égyptiens et des membres de syndicats professionnels essayeront également de forcer le siège imposé à la bande de Gaza en essayant d’entrer, avec d’importantes quantités d’aide humanitaire, par le passage frontalier de Rafah.

Selon Al-Khudari, le succès du bateau Free Gaza, en forçant le blocus, a poussé les autorités égyptiennes à rouvrir temporairement le passage de Rafah et à permettre à plus de 4500 personnes enfermées dans Gaza de quitter le territoire et à plus de 1400 Palestiniens d’y entrer. Al-Khudari escompte bien que cette mobilisation internationale conduira à une mobilisation identique de l’opinion publique arabe qui fera en sorte qu’il soit difficile pour les régimes arabes de continuer à faire preuve d’indifférence face à la souffrance des Palestiniens.

Eyad Al-Seraj, directeur du Programme de Santé Mentale de la Communauté de Gaza et militant de premier plan dans la lutte contre le siège, indique qu’un million de signatures seront rassemblées parmi les Gazans dans un document qui sera ensuite soumis à Ban Ki-moon, le secrétaire général des nations unies, afin de lui demander d’intervenir pour la levée du blocus.

Al-Seraj ajoute que le document sera présenté lors de la session régulière de l’assemblée générale des nations unies. Il vise à exprimer la volonté populaire et nationale des Palestiniens et à exercer une pression sur la communauté internationale et en particulier sur l’assemblée générale des nations unies pour faire lever le blocus de la bande de Gaza. Al-Seraj nous dit que le document insiste sur le fait que le siège se fait en violation de la loi humanitaire internationale et des droits de l’homme, et qu’Israël, en sa qualité de force occupante, viole la quatrième convention de Genève qui exige le respect des populations civiles en temps de guerre.

Le document met aussi en évidence que le siège a causé une augmentation sans précédent des « taux de pauvreté et de chômage et a détérioré à plusieurs niveaux la vie des citoyens ainsi que les conditions de nutrition, particulièrement pour les enfants et les femmes enceintes. Le siège a également conduit à la suspension des activités industrielles et agricoles aussi bien que des services publics et d’infrastructure. Ce siège a accéléré la détérioration de la santé et de l’éducation en empêchant les malades de suivre un traitement à l’étranger et les étudiants de rejoindre leurs universités. »

Du même auteur :

- Le bateau de l’espoir - 2 septembre 2008
- Des tunnels pour survivre - 23 août 2008
- Les stratégies d’Israël pour saborder la paix - 1° août 2008
- Gaza : le Hamas impose le respect de la trêve - 7 juillet 2008
- Gaza : le calme avant la tempête ? - 28 juin 2008

13 septembre 2008 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/914...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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