16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

L’épreuve d’une refuznik, Sahar Vardi

lundi 1er septembre 2008 - 07h:20

Neve Gordon - Counterpunch

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Sahar Vardi, 18 ans, se trouve actuellement dans une prison militaire israélienne. Elle est punie pour le crime d’avoir refusé sa mobilisation dans l’armée israélienne.

Le mouvement Shministim

Quelques semaines avant son emprisonnement, elle a adressé un courrier au ministre de la Défense d’Israël, Ehud Barak, lui expliquant pourquoi elle était devenue objectrice de conscience. « Je me suis rendue dans les territoires occupés palestiniens à plusieurs reprises et même si je suis consciente que le soldat au check-point n’est pas responsable de la politique oppressive d’Israël, ce soldat n’en est pas moins responsable de sa propre conduite... ». Elle résume ainsi sa lettre à Barak : « Le cycle sanglant dans lequel je vis - fait d’assassinats, d’agressions terroristes, de bombardements et de tirs - a eu comme effet d’accroître le nombre des victimes de chaque côté. C’est un cercle vicieux qui n’est que par le choix des deux côtés de s’engager dans la violence. Je refuse d’être partie prenante dans ce choix. »

Vardi est la première femme emprisonnée cette année, elle est, plus largement, membre du mouvement Shministim, des grands élèves de lycées qui refusent d’être mobilisés en raison de l’oppression militaire des Palestiniens. Deux autres objecteurs de conscience, Udi Nir et Avichai Vaknin, ont été incarcérés au début de ce mois et quelques autres sont susceptibles de les y rejoindre.

Comme pour beaucoup d’autres membres du Shministim, l’objection de conscience de Vardi trouve ses racines dans une position pacifiste plus générale, ce qui explique pourquoi elle a refusé de porter l’uniforme militaire une fois emprisonnée. Les autorités pénitentiaires n’apprécient guère de tels défis et elles l’ont immédiatement mise au quartier d’isolement, lequel, selon les rapports existants, est un lieu de sévices.

Vardi est en prison parce que la commission de l’armée qui traite de l’objection conscience a rejeté son appel. Au début du mois de mars 2008, Vardi a témoigné devant la commission, elle a parlé de ses années de militantisme contre le mur de séparation en Cisjordanie et la dépossession des Palestiniens à Jérusalem-Est et dans les collines au sud de Hébron. Elle a expliqué aux membres de la commission - des officiers et des civils - qu’en tant que militante pour la paix, sa conscience l’empêche de faire partie d’une puissance occupante. Elle a ajouté qu’à la place de servir dans l’armée elle était prête à effectuer deux années de service civil en Israël et qu’elle avait déjà un poste d’assuré dans l’organisation des Médecins pour les droits de l’homme de Tel-Aviv.

Convertir le service militaire en service civil est une pratique courante parmi les femmes israéliennes ; en fait, cela se fait même couramment chez les religieuses. Le recours de Vardi n’était donc, de ce fait, ni exceptionnel ni anormal.

Pourtant, son recours a été rejeté au motif que, dans l’optique de la commission militaire, il était fondé sur des convictions politiques et non sur une conviction sincère de conscience. Cette distinction fallacieuse entre principe politique et principe de conscience a été innové par deux philosophes, experts devant les tribunaux israéliens, les professeurs Asa Kasher de l’université de Tel-Aviv et Avi Sagi de l’université de Bar Ilan. Ces moralistes (Kasher est aussi l’un des auteurs du Code de conduite militaire israélien qui, entre autres, fournit des justifications morales aux assassinats) ont passé le plus clair de leur temps à arguer que les gens qui refusaient de servir dans l’armée à cause de ses actions et politiques coloniales et répressives agissaient ainsi pour faire avancer un projet politique spécifique et non pour un problème de conscience ; selon Kasher et Sagi, l’objection de conscience est, par définition, dissociée de la question politique ; par conséquent, quiconque refusait de servir dans l’armée parce qu’il ou elle voulait que cesse l’occupation par Israël des territoires palestiniens (position politique) ne pouvait simplement pas être un objecteur de conscience.

Les militaires ont été, évidemment, ravis d’adopter cette distinction des philosophes et s’en sont servis à maintes reprises pour rejeter les appels des objecteurs de conscience, tels que Vardi, et les envoyer derrière les barreaux. Le jour de son incarcération, Vardi a confié à sa mère qu’elle ne pliera pas devant le pouvoir, quelle que soit la façon dont les militaires présentent son cas. « L’occupation est cruelle » dit-elle, « et ma conscience ne me permet pas, simplement, de participer à l’oppression d’un autre peuple. »

S’il lui reste encore à étudier la morale en philo, Sahar Vardi, 18 ans, a néanmoins compris quelque chose de fondamental que Kasher, Sagi et leurs petits copains sont déterminés à escamoter : les problèmes de conscience pour un pays et de ses voisins sont de façon complexe liés à l’action. Comme Joseph Raz du Balliol Collège, à Oxford, le souligne : « Il est certain que [l’objection de conscience] englobe le cas du service militaire, demander aux gens d’être prêts à sur ordre, ou les appeler à s’engager dans des activités qui perpétuent une occupation avec l’assujettissement d’un peuple à l’indignité et à l’humiliation qu’implique l’occupation, sont des cas manifestes où le droit s’applique. » Il s’agit, après tout, de notre devoir de respecter les êtres humains, peut-être le plus fondamental de tous les devoirs moraux, un devoir qui sert de principe directeur aux refuzniks israéliens. Il s’agit aussi du fondement du droit à l’objection de conscience.


Neve Gordon est l’auteur de L’Occupation d’Israël. Il enseigne les sciences politiques à l’université Ben Gurion.

Du même auteur :

- L’histoire passée sous silence de Ni’lin -
Appel des Anarchistes contre le Mur

- Les ’Anarchistes contre le Mur’ sous le feu
- La mort de Samir Dari (avec Y. Bronner)
- Vin amer pour les Bédouins d’Israël

29 août 2008 - Counterpunch - Traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.