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Un ballon dans le camp de réfugiés

jeudi 28 août 2008 - 06h:23

Javier S. Le Moral - El Païs

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79 enfants palestiniens passent l’été à Madrid. Les enfants, dont beaucoup rendus orphelins par le conflit, parlent de la dureté de leur vie en Cisjordanie

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Enfants palestiniens jouant dans une piscine à Madrid - Photo : Santi Burgos

Mohamed a un vieux ballon de football dans la petite maison du camp de réfugiés de Jénine, au nord de la Cisjordanie, dans laquelle il vit avec sa mère, Soha. Il adore le football. Il y a quelques jours, il a pu profiter d’un match du Barca et il a vu Eto’o et Henry : de suffisamment près pour en rêver pendant plusieurs nuits. S’il y a vraiment ici quelque chose appelé mondialisation, le sport roi est sa manifestation la plus palpable.

Jusqu’à présent, Mohamed n’avait jamais quitté Jénine. Depuis trois semaines, il est en Espagne, avec 79 autres enfants âgés de 9 à 11 ans venant d’un des 19 camps de réfugiés en Cisjordanie, dans un voyage organisé pour la quatrième année par l’association « La paix maintenant ». Les enfants tentent d’oublier pour quelques jours l’enfer de leur vie.

Extrêmement maigre, avec un visage parsemé de taches brunes causées par le soleil, Mohamed, 10 ans, écoute avec une patience stoïque les questions posées par sa monitrice, Marie Mahmoud, transformée en traductrice improvisée. L’histoire de l’enfant ferait peur à n’importe quel occidental. De là où il vient sa biographie est malheureusement commune. Il a perdu son père il y a plus de six ans, durant une incursion armée israélienne dans le camp de réfugiés. Un coup de feu l’a tué.

Celle de son père n’a pas été la seule perte à laquelle il a dû faire face. Sa soeur aînée, a aussi trouvé la mort dans les coups de feu des troupes israéliennes. Le reste de ses frères adultes, au nombre de trois, est en prison. Dans la petite maison du camp il n’y a plus que Mohamed et sa mère. Et la vie ici n’a rien de facile. Soha n’a pas de travail : pour nourrir son fils elle compte sur sa famille et avec l’aide des organisations travaillant dans la zone.

L’endroit qui l’a vu naître marque son histoire passée mais aussi présente. On vit quotidiennement avec les contrôles de sécurité, avec des armes à l’épaule, avec les fouilles des maisons une à une par l’armée. « Chaque jour, pour aller au collège il faut marcher plusieurs kilomètres à pied, puis passer par un poste de contrôle, où on l’enregistre », dit Mary tandis qu’elle traduit à l’enfant, qui parle d’une voix à peine audible, et en regardant droit dans les yeux son interlocutrice qui ne baisse pas la garde un seul instant. Une fois, se souvient-il, ils l’ont forcé à se déshabiller à un de ces contrôles, installé aux portes du collège. « Je ne voulais pas enlever mes vêtements et ils m’ont crié dessus. J’ai eu très peur », poursuit-il.

La monitrice habite à Ramallah et se consacre à aider les enfants dyslexiques des camps à proximité. « Il y a beaucoup d’enfants qui ont des problèmes pour apprendre à l’école. Et c’est essentiel qu’ils aient un avenir ! » insiste Marie Mahmud, Vénézuélienne de naissance, mais de parents palestiniens.

Beaucoup de petits ne sont pas en mesure de maintenir l’attention à l’école. « Parfois, l’armée vient au camp pour chercher quelqu’un, et elle expulent toutes les personnes de chez elles. Lorsque cela se produit, un enfant ne dort presque pas. Il ne peut pas étudier dans ces conditions », explique-t-elle.

Mohamed veut être un footballeur, un enseignant ou un médecin. Mais par-dessus tout, ne plus être un réfugié. Qui sait si la réalité dans laquelle il vit le lui permettra. La traductrice improvisée n’est pas très optimiste : « Beaucoup d’enfants restés orphelins ont déjà la haine des Juifs. Nous courons le risque que cette haine perdure dans leur vie », explique t-elle.

Le drame de Mohamed n’est pas différent des autres enfants qui sont allés hier au parc aquatique à San Fernando de Henares. Eshak, âgé de 11 ans et aux grands yeux bleus, n’a pas vu son père depuis cinq ans, depuis qu’il a été emprisonné. Abderrahim a perdu le sien lors d’un affrontement avec l’armée, comme Mahmoud ou Aissa. Tous les trois ont 11 ans et vivent à Jénine.

Nedjma aussi, une belle fille aux yeux bruns et aux cheveux à moitié crépus, y est née. Son nom signifie étoile et, à voir son visage souriant, on comprend pourquoi.

20 août 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/madr...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


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