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L’Occident et le Hamas, une diabolisation inopérante

jeudi 14 août 2008 - 12h:09

Côme Gallet - Al-Ahram/hebdo

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Les pays occidentaux semblent prendre conscience que la paix ne pourra se faire avec une seule moitié du peuple palestinien, mais ne parviennent pas à trouver les moyens de mettre en pratique ces vues.

Une fermeté de façade. Voilà comment se caractérise l’attitude de la communauté internationale vis-à-vis du Hamas. L’Union européenne (UE), à l’instar des Etats-Unis, se montre intransigeante envers l’organisation même si des contacts informels se sont noués ces derniers temps. Depuis un bon moment, le mouvement de résistance palestinienne est placé sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis et du conseil de l’UE, depuis 2003. Les deux posent comme conditions préalables à tout dialogue la reconnaissance d’Israël et l’abandon des violences.

Dans ce contexte, le Fatah, de Mahmoud Abbass, fait donc figure d’interlocuteur unique pour la plupart des pays occidentaux, même s’il ne bénéficie plus d’une majorité depuis sa défaite aux législatives de janvier 2006. Cette victoire électorale du Hamas avait alors entraîné un gel de l’aide financière européenne aux Palestiniens. Il faudrait attendre 15 mois plus tard pour rétablir ce soutien suite à la prise de contrôle du Hamas de la bande de Gaza qui a poussé l’Occident à revoir sa politique. Après la formation d’un gouvernement d’urgence nationale, excluant les Hamsawis, aucune raison n’imposait de continuer l’embargo.

Les choses ont changé du côté de l’Occident. Nicolas Sarkozy s’est rendu au Proche-Orient il y a deux mois, évitant soigneusement Gaza, territoire exclusif du Hamas. Le chef de l’Etat français, qui exerce aussi la présidence tournante de l’UE, y a rendu hommage à Mahmoud Abbass, qualifié « d’homme de paix ». « On ne crée pas la paix avec le terrorisme », a-t-il ajouté, pour justifier son refus de discuter avec le parti islamiste. Jacques Chirac avant lui, pourtant réputé pour ses amitiés dans le monde arabe, tenait le même discours : « Le Hamas est une organisation terroriste qui ne peut pas être un interlocuteur de la communauté internationale (...). C’est la position de l’Union européenne, elle est sans ambiguïté et ne changera pas ».

En coulisse, la France, qui espère une avancée du dossier palestinien lors de ses six mois de présidence européenne, a pourtant pris contact avec le Hamas au printemps. Dans la plus grande discrétion, le diplomate Yves Aubin de La Messuzière a rencontré des responsables de l’organisation, notamment le premier ministre déchu Ismaïl Haniyeh. D’autres pays européens, comme l’Espagne ou la Grande-Bretagne, ont, eux, toujours maintenu le contact avec eux.

A Washington et depuis son accession au pouvoir, George W. Bush est plus préoccupé par l’Iraq et la traque d’Al-Qaëda que par le conflit israélo-palestinien. Lors de son discours à la Knesset, à l’occasion du soixantième anniversaire de l’Etat hébreux, il a prouvé ses limites dans la connaissance des dossiers arabes. Assimilant le Hamas au Hezbollah et à Al-Qaëda, il déclare : « Aucune nation ne devrait jamais être forcée à négocier avec les tueurs qui se vouent à sa destruction  ». Une allusion claire au refus d’Israël de négocier avec le mouvement de résistance palestinienne. Toutefois, un récent sondage indique qu’une majorité d’Israéliens approuvent des contacts avec le Hamas.

La politique américaine ne devrait pas beaucoup évoluer quel que soit le président élu en novembre prochain. Le candidat républicain, John McCain, semble poursuivre la doctrine d’intransigeance prônée par son prédécesseur. En avril dernier, il accusait d’ailleurs son rival démocrate d’être « le candidat favori du Hamas ». Barack Obama a pourtant toujours fait preuve de fermeté. S’il se déclare prêt à discuter avec les dirigeants cubains, iraniens ou nord-coréens, il a en revanche toujours exclu de s’entretenir avec les responsables du Hamas.

Discuter avec l’organisation islamiste, l’ancien président américain Jimmy Carter l’a fait, en avril dernier. Bravant les interdits israéliens et américains (« une mauvaise idée », selon Obama), il a rencontré Khaled Mechaal, chef politique du mouvement. A l’inverse de Sarkozy, le prix Nobel de la paix 2002 affirme : « La paix n’est possible que si l’on implique le Hamas dans les discussions ». C’est d’ailleurs la position de la Chine et de la Russie, souvent alliées aux Nations-Unies. Déjà elles ne considèrent pas le Hamas comme une organisation terroriste. En 2006, au plus fort de la crise avec le mouvement palestinien, des dirigeants ont même été reçus à Pékin et Moscou.

La stratégie d’isolement et de diabolisation du Hamas étant autant inopérante qu’inefficace, la communauté internationale semble prendre conscience que la paix ne pourra se faire avec une seule moitié du peuple palestinien et qu’en fin de compte, elle finira par négocier avec le Hamas, d’autant plus qu’elle ne peut pas l’anéantir. Les Occidentaux, tenus par des engagements envers l’Etat israélien, font donc face à un dilemme. Tant que le Hamas ne se rapprochera pas des conditions exigées pour une reprise du dialogue, il restera, du moins officiellement, infréquentable. Donc, aucun contact en haut lieu, c’est-à-dire pas de véritable déblocage de la situation.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 13 au 19 août 2008, numéro 727 (Dossier)


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