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Ingérence humanitaire : le modèle américain

mardi 12 août 2008 - 21h:52

Dmitri Kossyrev

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Ce qu’on appelle habituellement ingérence humanitaire, en d’autres termes, l’entrée de forces armées sur un territoire souverain sans l’aval de l’ONU, est une invention américaine. On considère habituellement qu’elle est apparue en 1999 en Yougoslavie. Mais ce n’est pas le cas. 1999 ne fut qu’une sorte de rodage pour ce terme, une tentative de l’introduire dans la pratique internationale.

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Exemple de mise en oeuvre du "droit d’ingérence humanitaire" par les chars américains : Panama - 1989

Mais dans les faits, de nombreux aspects de ce type d’actions militaires ont été élaborés bien plus tôt. Parmi les nombreuses guerres et opérations militaires initiées par les Etats-Unis après l’apparition des Statuts de l’ONU, il faut s’arrêter sur celles de Grenade et du Panama, ainsi que sur la tentative d’intervention en Somalie, dans la mesure où l’expérience accumulée là-bas a servi pour la Yougoslavie et l’Irak.

Ile de Grenade, 1983

L’ordre de lancer une opération militaire préventive contre l’Etat grenadien dans les Caraïbes fut donné part le président américain Ronald Reagan, même si, formellement, la décision d’employer la force militaire fut prise par l’Organisation des Etats de la Caraïbe orientale (OECO). La raison invoquée pour légitimer cette intervention fut la prise en otages d’étudiants américains. Plus tard, il s’est avéré que les autorités de Grenade avaient simplement décidé de placer ces étudiants sous leur protection, dans la mesure où des affrontements armés venaient de commencer dans l’île : le leader des marxistes locaux, arrivé au pouvoir depuis peu, avait été assassiné par ses ex-partisans, et la situation s’était sérieusement compliquée.

Reagan avait également déclaré qu’une occupation soviéto-cubaine de Grenade était en préparation, et que des stocks d’armes que pourraient éventuellement employer des terroristes internationaux s’accumulaient sur l’île. En fait, il s’est avéré que les stocks militaires grenadiens n’étaient constitués que de vieux armements soviétiques, et que rien de nouveau n’avait été livré depuis longtemps. Ensuite, les Américains affirmèrent que 1.200 commandos cubains se trouvaient à Grenade. Il fut établi après coup qu’il n’y avait alors pas plus de 200 Cubains, dont trois civils.

Après l’invasion de l’île par l’armée américaine, on releva un grand nombre de victimes parmi la population civile, résultant directement des actions des militaires américains.

Panama, 1989

La décision d’intervenir militairement et de renverser le gouvernement panaméen fut prise par le président George Bush senior. La raison invoquée était le rôle du Panama et de son chef d’Etat, le général Manuel Antonio Noriega, dans le trafic de drogue (il était avant tout question des livraisons vers les Etats-Unis), ainsi que la position de la ville de Panama en tant que centre international de blanchiment d’argent.

L’intervention américaine au Panama s’est distinguée par deux particularités. Premièrement : la dimension inédite des exactions commises par les militaires américains. On eut vent non seulement de victimes de bombardements, mais également de tirs américains à la mitrailleuse sur la foule massée dans les rues, ainsi que de tirs de blindés contre des véhicules civils avec des passagers à l’intérieur, et même de cas d’écrasement de voitures par des chars. A la suite de cette intervention, un quartier entier de Panama, constitué entre autres de constructions en bois des années 1900, a été entièrement détruit par le feu. Ensuite, les Américains on laissé pendant presque une semaine la ville aux mains des criminels qu’ils avaient laissé sortir des prisons. Presque tous les supermarchés, entrepôts et entreprises furent pillés. Le pays subit un préjudice de 2 milliards de dollars.

Deuxièmement : c’est justement à Panama que fut pour la première fois créé un contingent spécialement choisi et préparé de journalistes et de reporters photo, que l’on répartit avant le début des opérations à des endroits bien définis. Ce groupe de journalistes se trouvait principalement dans les bases américaines. Le commandement américain bloquait aux indésirables l’accès aux zones de combat. C’est là aussi que fut développée la technique des briefings, des conférences de presse et des rencontres avec des politiques, hommes d’affaires et autres personnalités locales en vue. Les correspondants des médias étrangers qui n’étaient pas liés à ce groupe spécial furent arrêtés dans tout le pays, on tenta parfois même de les éliminer physiquement. Toutes les radios et télévisions furent immédiatement investies, avant d’être utilisées pour la propagande américaine. Le même tableau s’est répété par la suite à plusieurs reprises, notamment en 1999 en Yougoslavie et en 2003 en Irak. Qui plus est, une "couverture" médiatique y fut organisée à l’avance, de manière extrêmement précise.

Somalie, 1993

On peut associer cette opération aux ingérences humanitaires, même si, à la différence des précédentes, elle reçut l’aval de l’ONU. Même indirectement, les militaires américains et d’autres pays se retrouvèrent dans le pays en tant que soldats de la paix, ils devaient notamment assurer la sécurité des livraisons d’aide humanitaire.

Le fait qu’en 1992-1993 les combattants du général rebelle somalien Aïdid aient tué quatre soldats de la police militaire des Etats-Unis servit de prétexte à cette opération. Washington envoya en Somalie ses unités spéciales Delta pour arrêter et liquider Aïdid. Finalement, les 3-4 octobre, un raid effectué contre l’état-major du général rebelle, dans les quartiers de la capitale somalienne, tourna au fiasco. 18 Américains périrent, deux hélicoptère Black Hawk furent abattus, et des corps de soldats de l’US Army furent mutilés et traînés par la foule dans les rues de Mogadiscio. Il fut décidé de retirer le contingent américain du pays, mettant fin à l’une des pages les plus noires de l’histoire militaire américaine.

La guerre aérienne de l’OTAN contre la Yougoslavie en mars-avril 1999 fut lancée sous prétexte d’éviter une catastrophe humanitaire : il était question de la situation des réfugiés, ainsi que des purifications ethniques au Kosovo (la partie otanienne évoquait exclusivement la situation des Albanais, ignorant les problèmes analogues de la population serbe). C’est en 1999 que fut introduite dans la doctrine stratégique de l’OTAN la thèse du droit de l’Alliance à effectuer des ingérences humanitaires dans le monde entier et sans l’aval de l’ONU. "Dans la "Stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis" fut inscrit en 2002 le droit d’effectuer des frappes préventives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

En 2005, on y ajouta une disposition établissant que la victoire dans la guerre contre le terrorisme ne pouvait être obtenue sans l’éradication d’un certain nombre de régimes en place dans différents états. L’Iran, la Syrie, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et la Biélorussie étaient notamment cités. Parmi les nombreuses déclarations qui résonnaient au Congrès américain à l’époque, il y avait l’idée que "l’ONU n’aide pas les gens, mais les gouvernements", que "les problèmes auxquels (nous) sommes confrontés proviennent en majorité de pays où le gouvernement se trouve en conflit avec son propre peuple". Et la conclusion fut faite qu’une "aide humanitaire efficace suppose la violation de la souveraineté des Etats".

La plus connue et la plus importante opération militaire sans l’aval de l’ONU est bien sûr la guerre menée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne contre le régime de Saddam Hussein, en mars-avril 2003.

On peut également placer dans une catégorie à part d’autres interventions auxquelles les forces terrestres n’ont pas participé. Il s’agit, le plus souvent, de frappes aériennes. Aucune de ces opérations n’avait reçu l’aval de l’ONU. Il s’agit des bombardements du territoire du Nord-Vietnam dans les années 60 et du Cambodge dans les années 70 (rappelons que l’armée américaine ne mena dans le Nord-Vietnam aucune autre forme de guerre), de la décision de Ronald Reagan de bombarder des villes de Libye en 1983, etc.

11 août 2008 - Ria Novosti - Vous pouvez consulter cet article à :
http://fr.rian.ru/analysis/20080811...


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