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Comment sortir de la crise libanaise ?

mercredi 6 août 2008 - 10h:04

Hassan Abou-Taleb - Al-Ahram/hebdo

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C’est en des termes forts éloquents que le patriarche maronite Nasrallah Sfeir a expliqué la conjoncture au Liban. Il a déclaré que ce pays ressemblait à un carrosse tiré par quatre chevaux, dont deux avancent dans une direction et les deux autres dans la direction opposée.

La signification est claire. Deux grandes parties se disputent le destin du Liban. Chacune d’elles veut être la seule qui domine la situation et qui détermine l’identité du Liban, ses relations étrangères et ses options internes. Le fait qui a engendré un gel politique général malgré la convention de Doha et l’élection d’un président. Ce gel fut accompagné d’accrochages à Tripoli au nord entre deux clans. L’un se réclame d’une partie sunnite alors que l’autre, les Alawites du Hezbollah et de l’opposition en général. Ces incidents sont passés par quatre étapes jusqu’à présent. Elles ont été considérées par certains comme un échange de messages politiques sanglants entre les deux grands clans du Liban. Le message le plus important est que les différends politiques ne peuvent plus être résolus par le dialogue ou la concorde, mais par les armes pour ceux qui en possèdent et qui savent les utiliser contre les autres.

La situation n’est pas simple. Il existe une vive rivalité au sein même des sunnites de Tripoli, le plus grand fief sunnite du Liban, entre les directions traditionnelles comme Karamé, et Al-Hoss. Ces sunnites de Tripoli sont considérés comme une partie de l’opposition proche du Hezbollah à l’intérieur, et de la Syrie à l’extérieur. D’autre part, il existe une concurrence entre les directions de Tripoli et les directions sunnites de Beyrouth représentées par la famille Al-Hariri qui tente d’être le porte-parole de tous les sunnites du Liban. Celle-ci présente une vision différente de l’avenir du Liban qui appelle à la reformulation des relations avec la Syrie basées sur les principes de la souveraineté et de l’indépendance ainsi qu’à la détermination du sort des armes du Hezbollah.

Certains sunnites de Tripoli estiment que les affrontements qu’ont connus leurs régions sont artificiels car les habitants de ces régions sont extrêmement pauvres et peu conscients des troubles de l’Etat. Comment donc peuvent-ils obtenir des armes modernes et des fonds pour mobiliser les jeunes dans des affrontements dont ils ignorent le véritable objectif ? Par conséquent, ces affrontements sont le prolongement du conflit existant au sommet du régime politique libanais résumé par la crise du communiqué du gouvernement d’unité nationale. Cette crise est l’expression des changements survenus au nord pendant les trois dernières années.

L’interférence entre ce qui se passe à Tripoli et ce qui se passe dans les couloirs politiques de Beyrouth révèle que les conflits du nord sont la concrétisation de la faiblesse institutionnelle de l’Etat qui se révèle dans 3 principaux éléments.

Premièrement, l’inefficacité des institutions constitutionnelles dans la gestion de la vie politique au Liban. En effet, ces institutions souffrent toujours de l’état de gel qui les a atteintes depuis près de deux ans lorsque les responsables de ces institutions ont décidé de ne pas avoir affaire avec les autres institutions et de les considérer comme anticonstitutionnelles. Ceci a engendré un état de vide et chaque institution a commencé à travailler selon les directions de parties de l’extérieur du Liban. Le plus grand défi aujourd’hui est de réactiver ces institutions pour qu’elles deviennent des institutions complémentaires et non des institutions antagonistes.

Deuxièmement, la faiblesse des institutions de sécurité. La responsabilité de la Syrie est évidente dans ce contexte, car cette présence a déstabilisé ces institutions et a permis l’infiltration de nombreuses parties locales et régionales. Ces institutions n’ont plus accompli leur rôle dans la protection du pays et la préservation de la stabilité. Bien plus, certaines institutions de sécurité sont devenues un fardeau. L’armée libanaise est devenue responsable de nombreux dossiers sécuritaires. Ainsi l’armée est-elle devenue exposée aux influences des différends politiques internes. Le fait qui se contredit entièrement avec la nature de l’armée en tant qu’institution d’unanimité nationale défendant le pays.

Quant à la troisième dimension de la faiblesse de l’Etat libanais, elle se révèle dans la prédominance du langage confessionnel même si les leaders éminents de l’Etat le nient. Bien plus, il existe de divisions sectaires au sein des confessions elles-mêmes. Lorsque la concurrence politique coïncide avec les deux dimensions confessionnelles et sectaires qui sont liées à des dimensions régionales, la situation devient objet aux explosions de temps à autre, même si les raisons sont illusoires. C’est le cas du différend autour de la formule appropriée concernant les armes du Hezbollah dans le décret ministériel du gouvernement de coalition qui attend l’approbation du Parlement pour devenir un gouvernement actif et constitutionnel. Ce différend est le prolongement d’un différend ultérieur autour du destin des armes du Hezbollah ou des armes de la résistance selon le langage des partisans du Hezbollah. Ceux qui pensent que les armes du Hezbollah sont plus proches des armes des milices et qu’elles ont été utilisées à l’intérieur pour des comptes politiques, comme ce fut le cas au début de mai, estiment qu’il est indispensable de parvenir à une formule plaçant ces armes sous le pouvoir de l’Etat et de ses institutions. Et ce, de manière qu’il sorte de l’emprise du parti vers l’emprise de l’Etat. Par contre, les partisans du Hezbollah et de la résistance estiment que des conjonctures spéciales impliquent la nécessité de reconnaître la valeur de ces armes. Ils estiment la nécessité que l’Etat reconnaisse ces armes selon des termes francs. D’autres estiment qu’il est indispensable de laisser la détermination du destin des armes du Hezbollah au dialogue national prévu sous le parrainage du président Michel Soliman. Ce gouvernement sera chargé de cristalliser une vision du Liban qui réalise la concorde autant que possible, qui détermine les grands choix du Liban et qui formule une stratégie défensive prenant en compte les mutations actuelles notamment régionales.

Quelle que soit la formule à laquelle parviendra le décret ministériel, on ne s’attend pas à ce qu’il sorte le Liban de la crise. Les dirigeants du Liban eux-mêmes, qui n’ont aucune confiance les uns en les autres, estiment que la sortie de leur crise est davantage conditionnée par les mutations régionales que par les mutations locales ou les décisions qu’ils vont prendre. Si toute la région attend celui qui va accéder à la Maison Blanche à la fin de l’année, les Libanais, eux, doivent attendre le destin des négociations syro-israéliennes sous le parrainage de la Turquie. Ils doivent aussi attendre la fin du volet nucléaire de l’Iran militairement ou pacifiquement, l’avènement d’une éclaircie dans les relations de la Syrie avec les pays arabes notamment avec l’Egypte et l’Arabie saoudite, et enfin la nature des relations que déterminera la convention de sécurité prévue entre l’Iraq et les Etats-Unis.

Même si cette analyse à laquelle croient les dirigeants libanais est d’une certaine véracité, elle ne les dégage pas de leur responsabilité dans la détérioration de la conjoncture de l’Etat. Ce sont eux qui se sont divisés sur eux-mêmes et qui ont nié les principes de la démocratie et de la concorde. Ce sont eux qui ont fait appel à des forces étrangères qui ont joué de leurs destins et de celui de leur pays. Jusqu’à ce qu’apparaisse une élite libanaise davantage liée à son pays et aux soucis des Libanais, la crise du Liban persistera .

Du même auteur (politologue) :

- Motifs et obstacles de la réconciliation palestinienne
- Le Liban ... un cas unique

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 6 au 12 août 2008, numéro 726 (Opinion)


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