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Obama, Israël et les Musulmans

lundi 4 août 2008 - 09h:28

Souleyma HADDAOUI - IRIS

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Dès le début de sa campagne électorale, Obama a refusé tout financement des lobbies pour préserver son indépendance politique. Les lobbies peuvent effectivement soutenir un candidat et aider au financement d’une campagne à condition, bien évidemment, que le candidat choisi défende leurs intérêts. Barack Obama dans sa logique de changement a décidé de se défaire de ce système qui prévaut à Washington. Il a toutefois accepté de tenir son premier discours en tant que candidat démocrate investi, le 4 juin dernier à l’AIPAC, lobby pro-israélien où il a réaffirmé son soutien inconditionnel à Israël mais également avancé des idées très fortes comme le maintien de Jérusalem en tant que capitale d’Israël et surtout « indivisible ».

Barack Hussein Obama. Voici un nom que l’on ne se serait pas attendu à voir porter par un présidentiable américain. Son parcours et son histoire personnelle sont atypiques : il est le fruit de l’union d’un Kenyan de culture musulmane et d’une Américaine. Il est né à Hawaï et a passé une grande partie de son enfance et de son adolescence en dehors des Etats-Unis dont près de huit ans en Indonésie, pays regroupant le plus de musulmans dans le monde. Au vu de ces éléments, les juifs américains ont toute raison de vouloir observer de près sa position à l’égard d’Israël (1). Il revient donc à Obama de se détacher de son histoire et de prouver qu’il n’est pas l’ennemi de la cause israélienne. D’autre part, dans le domaine politique, Obama s’est vu reprocher sa proximité avec Jimmy Carter et Zbigniew Brzezinski qui ont tous deux une opinion plutôt favorable des Palestiniens. Lui-même avait déclaré en 2007 que « les Palestiniens avaient le plus souffert » et même s’il a dit par la suite que son discours avait été tronqué, c’est ce qui a été retenu contre lui.

L’attitude passée d’Obama reflète malgré tout une certaine ambiguïté. Il a assisté à plusieurs conférences pro-palestiniennes durant les années où il commençait à intégrer la sphère politique locale. Il a même dîné à la table d’Edward Saïd, écrivain d’origine palestinienne qui a siégé au Conseil National Palestinien ; il a reçu également beaucoup de conseils de la part d’intellectuels arabes et, en 2004, alors en pleine campagne pour obtenir un siège au Congrès, il a déclaré à Ali Abounimah, cofondateur de The Electronic Intifada : « Désolé, je n’ai pas encore beaucoup parlé des droits palestiniens, mais nous sommes dans une rude course aux primaires. J’espère que quand les choses se calmeront je pourrai être plus franc », puis l’a félicité pour son militantisme et ses chroniques dans le Chicago Tribune (2).

Suite à la publication de l’ouvrage de Walt et Mearsheimer sur l’AIPAC (3), et au-delà de la polémique qu’il a suscité, on sait l’importance du lobby pro-israélien et du remarquable soutien à Israël prodigué depuis de nombreuses années, toutes tendances politiques confondues. L’AIPAC a effectivement une grande influence entre autres, parce qu’il arrive à diriger d’importantes campagnes de récolte de fonds pour les candidats qu’il soutient. Or, l’argent est d’une importance centrale, surtout durant les campagnes électorales.

Plus concrètement, Martin Indyk, ancien ambassadeur américain à Israël, explique que si les hommes politiques américains tentaient de restreindre l’aide économique et militaire en vue d’obtenir des concessions de la part des Israéliens, « [ils recevraient] une lettre du Congrès avec pas moins de 87 signatures de sénateurs et 87% du Congrès disant ne vous avisez surtout pas de faire cela ! ». Pouvons-nous donc supposer qu’Obama suit ce raisonnement et, vu les apparences qui jouent en sa défaveur, doit jouer la carte de la surenchère politique ? Qu’en est-il de la politique de changement prônée par le candidat démocrate ? Il a fait plus que son rival républicain McCain, en déclarant Jérusalem indivisible et en voulant concéder aux Israéliens plus que l’ONU n’admet.

En effet, il faut avoir présent à l’esprit que la capitale officielle d’Israël est Tel Aviv. La grande majorité des ambassades - y compris celle américaine - y sont. Israël par contre, avec sa loi fondamentale de 1980 entérine le statut de la ville de Jérusalem en capitale « éternelle et indivisible ». Cette loi est décrite comme une violation du droit international par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 478. Obama a fait fi des lois et opinions internationales dans son discours et a voulu en plus une Jérusalem unifiée, capitale de l’Etat juif.

D’autre part, et c’est ce qui est le moins compréhensible dans son élocution, Obama n’a pas eu un mot pour les Palestiniens de Gaza qui actuellement et depuis plusieurs mois, souffrent de la coupure d’électricité (Israël ayant bombardé la seule centrale électrique) et de l’absence de soins médicaux et hygiéniques alors que ceci fut unanimement condamné par les instances internationales et dénoncé également officiellement par Jimmy Carter. Cela ne va pas non plus dans le sens de ses récents discours sur la conciliation et la diplomatie, la volonté de trouver une politique de paix. Pourtant, il mentionne la coexistence de deux Etats vivant en paix et en sécurité ainsi que d’une Palestine prospère.

Il devrait donc trouver un moyen pour faire entendre raison aux deux acteurs et ne pas avoir de parti pris, autrement sa politique n’incarnerait plus un vrai changement. Les Palestiniens qui avaient trouvé en lui un interlocuteur qui apporterait enfin une issue favorable dans la politique américaine à leur égard, ou tout du moins aurait un discours modéré, ont été sérieusement désillusionnés. Ils l’avaient déjà été suite à son discours refusant catégoriquement le droit au retour des réfugiés. L’affirmation :« L’Etat d’Israël doit garder son identité juive » apparaît plutôt exclusive.

Revirement ou surenchère ? Seules les années du mandat d’Obama et ses vrais choix une fois en poste pourront vraiment l’indiquer. Or, aujourd’hui, les prémices en sont ambigus. Changer la politique de Washington est une mission plus que hasardeuse et seul un homme de solide conviction peut prétendre y arriver. Jusqu’à maintenant, ce sont les discours du candidat qui changent...

Notes

(1) En mars 2008, un Américain sur dix pense qu’Obama est musulman selon le sondage du Pew Research Center.

(2) Ali Abounimah, « Comment Barack Obama a appris à aimer Israël », Info Palestine 17 mars 2007 disponible sur http://www.info-palestine.net

(3) John Mearsheimer et Stephen Walt, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, 2007.

18 juin 2008 - Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.iris-france.org/Tribunes...


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