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Décharges illégales et négligence à Jérusalem Est

mercredi 30 juillet 2008 - 23h:43

IRIN

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JÉRUSALEM, 28 juillet 2008 (IRIN)

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Des habitations surplombent la décharge illégale

« Chaque jour, quelqu’un décharge des ordures ici. Jour et nuit, des camions viennent », raconte Afif, fatigué. Juste en dessous du domicile d’Afif, dans le quartier de Dahiyat es-Salam, dans le nord-est de Jérusalem, une décharge illégale se développe, plus grande qu’un terrain de football, où des ordures s’entassent à plusieurs mètres de hauteur.

Elle est le fait de criminels, qui ont sauté sur l’occasion que leur offraient de récentes ordonnances de démolition. Les criminels en question empochent de l’argent en laissant des sociétés déverser leurs déchets ici, et les habitants du quartier ne peuvent pas faire grand-chose pour les en empêcher.

« Chaque jour, c’est la guerre », explique Afif. « J’ai essayé de bloquer la route [qui mène à la décharge]. Mais ils l’ont rouverte ».

« Le déversement des ordures a commencé en 2007, après que [la municipalité] a délivré des ordonnances [de démolition], qui concernaient plusieurs maisons situées dans cette zone », raconte Afif.

Cinq maisons étaient concernées par ces ordonnances. Ces dernières ont provoqué une ruée sur la zone, avec l’arrivée prompte des criminels, qui s’étaient aperçus de l’occasion que cela représentait pour eux de gagner de l’argent en déversant illégalement des ordures sur place, plutôt que dans les décharges officielles, plus coûteuses.

Menace de violences

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Une montagne de déchets menace d’engloutir cette habitation

Mahmoud, un autre habitant du quartier, explique qu’un jour, il est allé s’adresser aux responsables du déversement eux-mêmes.

« Je leur ai dit d’arrêter, mais ils m’ont dit de m’en aller », raconte-t-il à IRIN, ajoutant : « Je savais qu’ils réagiraient violemment, alors je les ai laissés tranquilles ».

Selon Mahmoud, les responsables du déversement sont souvent des Palestiniens de la région, originaires de Jérusalem Est, dont certains travaillent pour des sociétés situées sur le territoire israélien.

Une bonne partie des déchets envoyés dans la zone semble en effet arriver d’Israël. Karim Jubran, travailleur de terrain pour B’tselem, une association israélienne de défense des droits humains, a confié qu’il avait bien failli être passé à tabac lorsqu’il avait tenté de mener une enquête sur l’affaire, il y a quelques mois.

Lorsqu’Israël a occupé Jérusalem Est en 1967, il a annexé ce territoire pour « unifier » la ville. La famille d’Afif et la plupart des autres Palestiniens qui habitaient cette zone se sont vu délivrer des cartes d’identité israéliennes, leur donnant accès à tous les services publics israéliens.

Toutefois, les plaintes répétées déposées auprès de la municipalité de Jérusalem pour demander que des mesures soient prises à l’encontre de ces criminels n’ont pas abouti, selon les habitants. En attendant, les déchets continuent de s’empiler, dégageant une odeur pestilentielle.

« Il y a des déchets industriels et tout ce que vous pouvez imaginer d’autre, même des déchets médicaux », se plaint Mahmoud, inquiet des conséquences que ces ordures auront sur la santé des centaines d’habitants de son quartier.
Point de contrôle

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La maison démolie de Basma, en face de sa nouvelle habitation adossée à une montagne d’ordures

« Quand ils veulent voir quelque chose, ils le voient, le reste du temps, ils ferment les yeux », déplore Afif, notant que la municipalité et la police viennent régulièrement dans le quartier pour démolir des habitations, mais que jusqu’ici elles n’ont pris aucune mesure pour fermer la décharge illégale.

Les camions transportent les ordures sur la route principale, selon les habitants. Or, à l’entrée de la route se dresse un point de contrôle, bien gardé par des soldats de l’armée israélienne.

« Ils sont obligés de passer par là pour acheminer les ordures », a indiqué M. Jubran, de B’tselem, en montrant du doigt le barrage routier en service.

M. Jubran, comme d’autres, se demande pourquoi les autorités n’utilisent pas, au moins, ce point de contrôle pour lutter contre cette menace à l’environnement.

Près du point de contrôle, un panneau en hébreu apposé par le ministère de l’Environnement avertit qu’il est illégal de transporter des déchets dans cette zone. Un panneau que les déchargeurs clandestins ignorent.

Mesures prévues

Gidi Schmerling de la municipalité de Jérusalem a déclaré dans un communiqué écrit adressé à IRIN que son bureau avait déjà contacté les forces de sécurité pour « coordonner les mesures prises à l’encontre des déchargeurs ».

« En outre, les services municipaux de protection de l’environnement ont pris des mesures pour gérer cette décharge illégale » et recycler les matériaux de construction déchargés dans la zone.

M. Schmerling a ajouté qu’au cours des prochaines semaines, Jérusalem se lancerait dans un nouveau projet visant à éliminer les décharges illégales et à prendre des mesures à l’encontre des criminels qui en sont responsables.

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Des enfants bédouins jouent dans la décharge

Pour B’tselem, le cas de Dahiyat a-Salam « illustre la négligence grave dont la municipalité continue de se rendre coupable à l’égard des quartiers de Jérusalem Est ».

« Cette négligence se manifeste dans tous les domaines qui sont du ressort de la municipalité : l’éducation, la collecte des déchets, l’approvisionnement en eau, le développement et les permis de construire », selon l’association de défense des droits humains.

Témoignage

Le 10 juin, Basma, une femme d’âge mûr, a vu sa maison démolie par les autorités israéliennes car elle n’avait pas obtenu de permis pour la construire.

Sa famille vit aujourd’hui dans une petite cabane construite par les activistes du Comité israélien contre les démolitions de domiciles, a-t-elle confié. « Je m’inquiète à l’idée qu’ils puissent détruire cette maison aussi ».

Sa famille, qui habite tout au bout de la décharge, sur le flanc d’une colline, souffre plus que la plupart des habitants du quartier.

« L’odeur, la poussière et la saleté sont terribles, mais nous n’avons nulle part d’autre où vivre », déplore Basma, ajoutant : « Ils n’ont plus de place près de ma maison, alors maintenant ils déchargent plus loin le long de la route ».

Là-bas, un petit groupe d’enfants bédouins, tout aspergés de l’eau sale qui s’écoule d’un égout à ciel ouvert, jouent au milieu des ordures.

28 juillet 2008 - IRIN
Photos : Shabtai Gold/IRIN
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