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Une vision égyptienne de l’Union pour la Méditerranée

vendredi 25 juillet 2008 - 06h:01

Abdel-Azim Hammad - Al-Ahram/hebdo

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De nombreux indices prouvent que la diplomatie égyptienne est pleinement consciente des véritables intentions de la France dans le projet de l’Union pour la Méditerranée. Ce projet, officiellement lancé la semaine dernière à Paris, présente de nombreuses opportunités mais aussi des inconvénients.

Il était clair depuis le départ que Nicolas Sarkozy voulait assurer de nouvelles sources de force politique pour la France au sein de l’Union Européenne (UE) et par conséquent sur toute la scène internationale. Ce à cause de la suprématie évidente du partenaire allemand dans le système européen. De plus, le nouveau président français ainsi qu’un grand nombre d’experts de la politique étrangère française sont convaincus que l’ex-président français, Jacques Chirac, a perdu beaucoup de temps dans la vivification de la formule du moteur de l’Europe. On appelait ainsi le rôle franco-allemand conjoint qui constituait le promoteur des projets d’unification de l’Europe depuis la fondation du marché commun. Cependant, cette formule n’a pas retrouvé son efficacité à cause du recul du poids relatif de la France et de la montée du poids relatif de l’Allemagne.

A la suite de la réunification de l’Allemagne, de l’expansion de l’UE à l’Est et de la demande de l’ex-chancellier allemand d’un siège permanent au Conseil de sécurité, l’Allemagne a changé. L’UE aussi a changé. L’Allemagne unifiée compte une population deux fois plus grande que la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. L’Allemagne possède la plus grande économie de l’Europe et la troisième plus grande économie mondiale. Elle est aussi le deuxième ou troisième plus grand producteur et exportateur de technologie. Elle représente aussi la plus grande force d’attraction et d’hégémonie dans l’Est et le centre de l’Europe pour les raisons précédentes, et pour d’autres raisons historiques. Etant donné que le présent n’abolit pas le passé et qu’il s’agit toujours de pays et non d’entités supranationales, la vieille concurrence franco-allemande reprend le dessus. Elle continue à influencer l’élaboration des politiques. Puisque le danger soviétique a disparu avec la fin de la guerre froide et que l’Allemagne a conclu un partenariat avec la nouvelle Russie dans les domaines de l’énergie et autres, la place de l’Allemagne, dont les Etats fédérés de l’Est étaient placés sous l’occupation soviétique, s’est beaucoup améliorée du point de vue de la sécurité nationale. Par contre, celle de la France et notamment sa force nucléaire ont connu un recul.

Afin d’assurer de nouvelles sources pour la force politique de son pays, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, Sarkozy a lancé 2 initiatives audacieuses, selon les critères de la politique française, dans deux directions différentes. Premièrement, il s’est ouvert sans compter sur les Etats-Unis, contrairement à l’héritage de ses prédécesseurs partisans du patrimoine gaulliste et contrairement aussi à la gauche. Il s’est certainement demandé : Pourquoi cette politique indépendante, voire hostile envers les Etats-Unis, alors que l’Allemagne possède des éléments de suprématie grâce à sa propre force et à son partenariat économique avec la Russie et alors que la Grande-Bretagne entretient des relations privilégiées avec Washington lui conférant un pouvoir dans les affaires européennes et internationales ?

La seconde initiative fut l’initiative méditerranéenne. Le président français s’est inspiré des célèbres paroles de Paul Henri Spaak, le ministre belge des Affaires étrangères et le père fondateur de l’Union européenne, qui a dit : « L’Europe occidentale a deux poumons pour respirer. Le premier est le bassin du Rhin jusqu’au nord scandinave et le second est le bassin méditerranéen à l’est et au sud ».

Etant donné que tout le Rhin est allemand, la France n’avait d’autre choix que la Méditerranée. Sarkozy estime que le long patrimoine des relations de son pays avec les pays méditerranéens, ainsi que leur besoin d’avoir un partenaire international dans le développement et de défendre leurs intérêts politiques face aux grands peuvent constituer les piliers d’une certaine coalition stratégique qui renforcerait la place européenne et internationale de la France. Il avait certainement raison. La locomotive que présente la France pour cette union consiste dans les projets d’énergies renouvelables. Ce projet nécessite d’énormes investissements ainsi que des cadres efficaces de coopération politique, administrative et technologique afin d’installer d’énormes stations pour produire l’électricité et l’exporter vers l’Europe. Cela, en utilisant la chaleur du soleil dans la production de la vapeur nécessaire pour faire tourner les turbines qui engendreront du courant électrique selon le système des miroirs reflétants. Cette technologie est radicalement différente de la technologie des cellules solaires dont la production est limitée.

Cependant, le spectre allemand surgit aussi dans ce contexte. En effet, bien que la technologie de l’énergie alternative soit apparue pour la première fois au Danemark, elle fut rapidement adoptée par l’Allemagne. Elle est aujourd’hui la première en Europe dans son utilisation et la première dans le monde dans son exportation. Elle exporte aujourd’hui cette technologie vers les pays de la Méditerranée avec d’énormes facilités. Partant, si la France veut obtenir une place privilégiée dans la compétition sur cette nouvelle source inépuisable d’énergie, elle n’a d’autre alternative que d’entrer en concurrence avec l’Allemagne au sud et à l’est de la Méditerranée. Au cas où elle ne parviendrait pas à lui couper définitivement la route. On peut ainsi comprendre pourquoi la diplomatie française a lancé les projets de l’énergie renouvelable comme la locomotive de son projet pour l’UPM.

Comment donc la diplomatie égyptienne est-elle consciente des véritables intentions de la France ainsi que des opportunités et des inconvénients de cette Union pour la Méditerranée ?

La diplomatie française a réalisé que l’Allemagne se montre réservée envers le projet de Sarkozy s’il continue à être purement français. Elle a aussi réalisé qu’elle refuserait l’idée du voisinage géographique sous prétexte de l’individualisme français dans la création de l’UPM. Elle a en effet déclaré que l’UE signifiait que chaque pays européen, de la Baltique à Chypre, est le voisin du nord de l’Afrique et de l’est de la Méditerranée. C’est pourquoi l’Egypte a pris l’initiative de parvenir à une entente avec Berlin grâce à deux visites consécutives du président Moubarak en Allemagne et de la chancelière allemande Angela Merkel en Egypte, qui a favorablement accueilli le projet dans le contexte de ses relations avec l’UE dans sa globalité, mais pas aux dépens de ses relations bilatérales avec l’Allemagne. Ces mouvements égyptiens ont précédé les concessions de Sarkozy pour Merkel et par la suite pour le reste des partenaires européens en ce qui concerne le caractère européen global du rôle français dans l’UPM.

D’autre part, la diplomatie égyptienne était fort sensible aux réserves arabes sur le projet français, surtout celles qui craignaient qu’il ne se transforme en une ombrelle pour la normalisation des relations entre les partenaires arabes et Israël. Cependant, la diplomatie égyptienne ne devait pas rater l’occasion de fonder un organisme institutionnel ou un partenariat économique stratégique avec les Français et par conséquent avec les Européens afin de se lancer dans la production de l’énergie renouvelable. En effet, l’Egypte elle-même est l’un des premiers pays dont les sources d’énergies traditionnelles s’épuiseront exactement comme celles de la majorité des pays de l’Union européenne.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 23 au 29 juillet 2008, numéro 724 (Opinion)


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