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Pourquoi Israël ne peut pas attaquer l’Iran

jeudi 24 juillet 2008 - 05h:28

Roni Ben Efrat - Palestine Chronicle

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Trois obstacles majeurs empêchent une attaque israélienne :
l’Amérique, la riposte de l’Iran, les limites politiques d’Israël.

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Le premier obstacle qui empêche Israël d’attaquer l’Iran est l’Amérique.




Parallèlement à son escalade verbale contre le projet nucléaire iranien, Israël s’est aventuré dans un exercice militaire aérien peu habituel, début juin. Selon le New York Times, ce sont plus de 100 avions de combat F-15 et F-16 qui ont décollé et volé vers l’ouest, sur 900 miles, puis sont rentrés ; soit la même distance que leur obligerait une attaque sur les installations nucléaires iraniennes de Natanz.

Les Israéliens se plaisent à prétendre qu’ils seraient les principales victimes d’un développement nucléaire iranien. Ils rappellent les scuds de Saddam Hussein qui tombaient sur Tel Aviv pendant la première guerre du Golfe alors qu’ils n’étaient pas engagés directement dans le conflit. Cette fois encore - disent les Israéliens -, ils se trouveront dans la ligne de tir et cela justifie une action préventive.

Pourtant, trois obstacles majeurs empêchent une attaque israélienne.

1 - Le plus important, c’est l’Amérique. Nous ne sommes plus aux jours grisants du premier mandat du président de George W. Bush quand tous, le vice-président Dick Cheney, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le chef d’état major adjoint Karl Rove mettaient en avant la théorie de la « guerre préventive ». La Maison-Blanche d’aujourd’hui panse ses plaies et continue de souffrir en Afghanistan et en Iraq. Robert Gates, le remplaçant de Rumsfeld, avec l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées et beaucoup d’autres au Pentagone, s’oppose catégoriquement à une attaque sur l’Iran. A leur avis, l’Amérique doit retirer ses forces et ne pas s’enfoncer plus profondément dans le bourbier du Moyen-Orient.

Les USA ont voulu entrer en Iraq dans une crise d’excès de confiance en eux-mêmes. La nouvelle démocratie censée surgir du tombeau de Saddam, selon les néo-cons, aurait dû porter un coup mortel à l’Iran en y motivant l’opposition pro-occidentale. C’est le contraire qui s’est produit. L’Iraq a plongé dans une guerre civile qui a donné un grand coup de fouet au prestige de l’Iran, pas seulement dans le Golfe mais dans tout le monde arabe. Les USA, pataugeant dans un Iraq lointain, se sont mis à patauger aussi chez eux, dans un endettement insoutenable à la suite de la montée en flèche du prix du pétrole. Du point de vue de Washington, une attaque sur l’Iran enflammerait la région, et plus encore. Et cela nous conduit au deuxième obstacle.

2 - La riposte probable de l’Iran à une attaque d’Israël serait toute de suite ressentie par le monde entier, sauf par quelques tribus du bassin amazonien. Le monde s’essouffle sous un prix actuel du pétrole qui menace de paralyser les économies, élevant les coûts du transport des marchandises et de tous les autres produits de première nécessité. Il y a quelques semaines, le pétrole était à 146$ le baril. Le prix a chuté à 136$ quand le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a minimisé l’importance des risques de guerre avec l’Amérique. Suite à une rencontre privée entre Bush et Olmert en mai cependant, le ministre des Transports israélien, Shaul Mofaz, a laissé entendre qu’une attaque sur l’Iran était « inévitable ». Et le prix du pétrole a monté de 11$, l’augmentation en une seule journée la plus forte de l’histoire.

L’Iran, il faut le rappeler, possède la plus grande réserve de pétrole au monde après l’Arabie saoudite. Une attaque israélienne s’assimilerait à une attaque américaine. Muhammad Jafari, qui dirige le corps des Gardiens de la Révolution (IRGC), parle de représailles avec le contrôle du détroit d’Ormuz, une mesure qui empêcherait les pétroliers de quitter le Golfe persique. L’Iran aurait d’autres options également, comme lancer des missiles sur les champs de pétrole de l’allié de l’Amérique, l’Arabie saoudite. Il n’est pas difficile d’en imaginer l’impact sur les économies mondiales. Et qui aurait alors serait à l’origine de cette nouvelle Grande Dépression ?

3 - Le troisième obstacle à une attaque d’Israël est lié aux limites politiques de ce pays. Depuis la première guerre du Golfe, Israël a coordonné ses actions non seulement avec les USA mais aussi avec ses voisins arabes modérés. Ce fut évident lors de la seconde guerre du Liban, quand le front anti-Hezbollah/anti-iranien comprenait Israël, l’Arabie saoudite, l’Egypte et le gouvernement libanais lui-même. Israël a besoin d’une telle coopération. Il se méfie des décisions unilatérales. Certains considèrent ses derniers entretiens avec la Syrie non comme une entreprise dans l’intérêt de la paix mais pour isoler l’Iran et le Hezbollah.

Si Israël devait attaquer l’Iran, l’Arabie saoudite - qui risque d’être la maîtresse cible des représailles - devrait d’abord avoir donné son accord. Sinon, Israël se retrouvera, à nouveau, isolé. Les Saoudiens sont très préoccupés, en effet, par la montée en puissance de l’Iran dans la région. Ils ont été opposés à une attaque américaine sur l’Iraq, prévoyant que la chute de Saddam renforcerait la position de l’Iran et ils avaient raison. Du point de vue de l’Iran, en effet, l’Arabie saoudite est une menace stratégique plus grande qu’Israël. Il suffit de se rappeler les années 1980, quand les Saoudiens ont soutenu l’attaque de Saddam contre l’Iran de Khomeini. Cette guerre a duré huit ans, causant de graves dommages à l’Iran. Nous pouvons noter, à ce propos, que l’Iran lui-même n’a pas de passé d’agresseur de ses voisins. Par conséquent, quand l’Iran insiste sur le fait que son développement nucléaire est destiné à un usage pacifique, il n’existe aucune base historique pour ne pas le croire.

Pourquoi, alors, Israël se trouve-t-il tant au centre de déclarations hostiles d’Ahmadinejad et des autres Iraniens ? La raison est liée aux difficultés intérieures de l’Iran : sous-développement, pauvreté, chômage, oppression et contraintes religieuses. Afin de canaliser la frustration des masses hors de ces problèmes, l’Iran se sert du conflit israélo-palestinien. Celui-ci a aussi servi au Sud Liban, pour construire un front avec le Hezbollah. Le développement de la capacité nucléaire a donc comme objet de répondre à des préoccupations internes. L’Iran a choisi l’énergie nucléaire, comme le Pakistan avant lui, comme le moyen de stimuler sa fierté nationale.

L’hystérie qu’Israël tente de susciter contre le projet d’une bombe iranienne est comparable aux cris du contrefacteur plagié. Israël possède lui-même des bombes nucléaires (d’après des sources étrangères) et il refuse tout contrôle international, ainsi que de signer le traité de non prolifération. Ses capacités nucléaires rendent nerveux le monde arabe. Par exemple, l’Egypte assure que la supériorité israélienne tant en terme d’armes conventionnelles que non conventionnelles est précisément ce qui motive les pays comme l’Iran à aller vers la construction d’armes apocalyptiques.

Si Israël faisait le geste qu’il faut vers la résolution du conflit avec les Palestiniens, la course à l’armement nucléaire dans la région serait désamorcée. Le Hezbollah perdrait de son importance et le Hamas serait en recul. Mais aussi longtemps que le conflit persistera et se radicalisera, les nations comme l’Iran l’exploiteront pour détourner des troubles intérieurs. Pendant ce temps, nous restons assis sur un baril d’une substance très explosive.

Roni Ben-Efrat est rédactrice en chef au magazine Challenge, critique, analyste progressiste des politiques israélienne et palestinienne. Elle milite depuis longtemps pour les droits palestiniens à l’intérieur d’Israël et dans les territoires occupés, et une membre fondatrice de l’ODA (Organisation pour l’action démocratique), parti marxiste composés d’Israéliens, juifs et palestiniens. Depuis le déclanchement de la seconde Intifada et l’élection de l’ancien Premier ministre Ariel Sharon, la société israélienne juive a glissé toujours plus vers la droite. Source : Palestine Human Rights Campagn.

Du même auteur :
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Voir aussi :

- Israël : répétition générale "d’une attaque contre l’Iran"

Article publié initialement dans Challenge Magazine - n° 110 -juillet/août 2008 - Palestine Chronicle - Traduction : JPP


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