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UPM : Beaucoup de brumes à dissiper

dimanche 13 juillet 2008 - 13h:43

Samar Al-Gamal - Al-Ahram/hebdo

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UPM. Paris accueille le 13 juillet le sommet inaugural de l’Union pour la Méditerranée. Mais la structure un peu floue de l’initiative de Nicolas Sarkozy ne cesse de soulever des critiques et autant dans le Nord que dans le Sud.

Tarek Ibn Ziyad traverse la Méditerranée, du sud vers le nord, part à la conquête de l’Espagne. Après l’Andalousie, les Arabes entament leur expédition en Gaule. L’Europe médiévale vit un quotidien sous culture arabe. Quelques siècles plus tard, commence une autre traversée de la Méditerranée mais dans le sens opposé. Des armées sous la prédication papale se dirigent vers le sud à la conquête des terres arabes. Une histoire, faite tantôt de guerre et de haine et tantôt d’échanges et de tolérance, régit les relations entre les pays du bassin de la Méditerranée. Du coup, une certaine civilisation est née entre ces pays, un caractère particulier les relie, mais qui est souvent compromis par une méfiance mutuelle. Le doute ne cesse de resurgir à chaque fois qu’une quelconque idée de coopération propre à ces pays riverains de cette mer naît.

La proposition nébuleuse de Nicolas Sarkozy ne fait pas ainsi exception. Le président français commençait à peine à faire ses pas à l’Élysée mais, à la surprise de tous, promet de « bâtir une Union méditerranéenne ». Un projet censé s’épanouir sur les cendres de l’Euromed, également appelé le processus de Barcelone. Un partenariat fondé il y a une douzaine d’années. On était au lendemain de la guerre du Golfe et dans la foulée des accord d’Oslo, l’Europe éprouvait un besoin de sécurité et les Arabes développaient un besoin fondamental de développement. Un partenariat qui se voulait durable et solide voit le jour entre 15 pays européens et 12 pays de la rive Est et Sud de la Méditerranée. Les titres étaient grandioses avec des volets politique, économique et culturel. Mais les résultats étaient décevants. Si plus de 50 % du commerce de la région se fait avec l’Union européenne qui est le premier bailleur de fonds dans le sud de la Méditerranée, on reste encore au niveau symbolique lorsqu’on parle de partenariat. Au lieu de complémentarité, on est toujours sur le niveau concurrence. Pire encore, l’Europe a opté pour une politique plutôt sécuritaire à l’égard de ses partenaires sud. Le tout a été tacheté par un contexte politique plutôt défavorable. La région est synonyme de conflits, qui n’est pas uniquement celui entre Arabes et Israéliens. De quoi pousser l’Europe a prendre de nouveau l’initiative et proposer une nouvelle politique de voisinage. Puis ce fut la tentative de donner de l’élan à un processus en chute en créant « un cercle amical » ! La sécurité reste pourtant l’élément mobilisateur.

Méditerranée face à Grand Moyen-Orient

Sans trop s’attarder sur l’échec ou la réussite de ces formes de coopération, ce partenariat est resté cependant la seule enceinte pouvant réunir les pays riverains de la Méditerranée. Sarkozy veut aller au-delà. Pragmatique et radical, dit-on, il lance une initiative qualifiée par certains de « prématurée », mais qui est loin d’être « naïve ». Le président français remodèle l’idée de George Bush de fonder un « grand Moyen-Orient ». Il propose une union à l’échelle uniquement des pays de la Méditerranée, pour briser le cercle de critiques contre Israël. Une ambition stoppée par la chancelière allemande Angela Merkel qui estime que ce projet, mal préparé, fait concurrence avec l’Europe et enjambe ses institutions et ses politiques déjà conclues avec le Sud. La réticence ne se cache plus à Bruxelles et le jeune Napoléon est accusé d’avoir des ambitions de l’au moins impérialistes. Au lieu d’Union méditerranéenne on passe à Union pour la Méditerranée. « Malhabile dans la présentation de son initiative à ses partenaires européens, la France n’a pas su utiliser les griefs que les Etats sud adressent à Barcelone pour les amener à soutenir son initiative », écrit la spécialiste Leïla Vignal, PhD, Marie Curie Fellow, Université d’Oxford, dans « Méditerranée : beaucoup de bruit pour rien ? ».

Le projet initial se voit ainsi vite réduit à une nouvelle étape dans le partenariat Euromed agonisant, englobant tous les pays de l’Union européenne avec leurs partenaires du processus de Barcelone. L’idée du Monsieur, pro-Israël, est accueillie mollement par le Sud et suscite des divergences avant qu’elle ne se dévoile clairement. L’Egypte, la Tunisie et le Maroc apportent un oui peu enthousiaste. De sérieuses critiques sont émises par la Libye et l’Algérie. « Il est clair que l’Union européenne tient à sa cohésion et l’idée de Sarkozy a été sévèrement rejetée par l’Europe, pourquoi la Ligue arabe, elle, accepte son propre déchirement ? », s’est indigné le colonel Mouamar Khadafi. Si souvent on qualifie ses déclarations de révolues et ses idées d’utopiques, le dirigeant libyen semble avoir raison cette fois-ci. Si la rive nord a englobé finalement l’ensemble de l’Union européenne, pourquoi la rive sud ne serait-elle aussi élargie à l’ensemble des pays arabes ? Mais dans ce cas, où se situerait Israël ? Les Arabes ne le cachent pas, l’idée sarkosienne couvre un objectif de normalisation des relations entre les Arabes et les Israéliens en ignorant tout le processus politique. L’écrivain Saïd Al-Lawendi affirme ainsi qu’« Israël, qui est un des pays du Sud et membre du processus de Barcelone ne doit pas s’offrir gratuitement cette normalisation. Le projet parle de co-présidence par rotation. Les Arabes accepteront-ils un jour un co-président israélien ? »

Le scepticisme est maître, d’autant plus que la politique ou les perspectives d’une paix sont reniées dans le projet Sarkozy. Le locataire de l’Elysée croit que les Arabes peuvent faire table rase du conflit avec Israël et des sentiments d’animosité au profit d’une union géographique axée sur des formes de coopération plutôt techniques. « La méthode européenne des petits pas et des solidarités concrètes revendiquée par le projet français repose sur un postulat de départ erroné : en Europe, la paix a certes été consolidée par la construction européenne, mais elle l’a précédée. Or, en Méditerranée, la guerre règne encore », précise Vignal. Aux yeux des Arabes, le projet français vise à saboter leurs efforts en faveur d’une union arabe ou d’un marché arabe commun. Mais l’échec de ces pays à atteindre cet objectif ne serait-il pas la cause de ces tas de propositions et projets de rassemblement géographique, étalés par l’Occident ? La Ligue arabe date de bien longtemps avant l’Union européenne et elle peine depuis à inciter ses membres à s’unir.

L’impératif sécurité

Les divergences entre les pays arabes sur la potentielle union ne se sont pas cachées. Ils peinent à parvenir à une position commune et pas seulement à cause d’Israël. La proposition de Sarkozy de partager la coprésidence avec le président égyptien n’a pas fait l’unanimité ni non plus le secrétariat proposé à la Tunisie. « L’appartenance arabe a reculé, non en raison des tentatives d’unions avortées, mais aussi en raison des séductions étrangères attrayantes sous prétexte de rallier le train de développement européen », croit l’écrivain Salaheddine Hafez. D’après lui, « une première lecture de ce projet laisse présager des objectifs humanitaires, voire caritatifs pour permettre aux pays pauvres de combattre la pauvreté, l’extrémisme, et la frustration. Une lecture plus approfondie dévoile sans aucune équivoque un objectif purement sécuritaire qui ravive les souvenirs de la colonisation ». La rive sud est perçue comme une rive à risques et dangers, surtout après l’anéantissement des menaces en provenance de l’Europe de l’Est.

La pauvreté et le terrorisme du Sud sont prêts à combattre les vagues violentes de la Méditerranée à la quête du paradis du Nord. L’UMP propose ainsi entre autres un plan de protection civile. Une sorte de clôture fictive pour lutter contre l’immigration clandestine et dans le même temps faire face à l’extrémisme religieux qui « menace l’avenir de l’Europe ». Le contenu du projet reste à être dévoilé lors du sommet inaugural à Paris de l’Union pour la Méditerranée. Il n’est cependant pas fait entièrement de vices, notamment si l’on croit aux promesses formulées par Alain Le Roy, le diplomate français qui était chargé du dossier, de « coopération d’égal à égal entre le Nord et le Sud ». Les Français parlent de projets d’autoroutes maritimes, d’énergie renouvelable ou de la dépollution de la Méditerranée. Des projets lancés par l’Union européenne et que Sarkozy reprend à son compte. Seront-ils capables de redorer le blason à la coopération agonisante de Barcelone ou suivra-t-il son destin ? « Ce n’est pas tant de financements supplémentaires que la Méditerranée a besoin que d’engagement fort », croit Vignal. Un engagement politique en premier sinon le reste ne serait que fictif .

Du même auteur :

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Al-Ahram/hebdo - Semaine du 9 au 15 juillet, numéro 722 (Evènement)


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