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Cessez-le feu - Y a-t-il une raison d’y croire ?

vendredi 20 juin 2008 - 06h:31

Joharah Baker - Miftah

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La question qui reste en suspens pour l’instant c’est « Qu’est-ce qui fera que cette fois-ci sera différente ? », interroge Joharah Baker.

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Jeunes policiers palestiniens jouant au foot - Gaza 19 juin 2008 - Photo : Reuters

Des accords de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ont déjà été conclus dans le passé, tous sont tombés à l’eau à la première provocation. Néanmoins, il est pratiquement impossible pour les Palestiniens de s’empêcher d’espérer en apprenant qu’un accord tahdiya a été conclu, grâce à la médiation égyptienne entre les deux parties belligérantes, à compter du 19 juin.

L’accord a été en gestation pendant des mois avec le Hamas et Israël qui se défilaient au dernier moment, l’un et l’autre évoquant l’intransigeance de l’autre partie. Cette fois, l’accord s’est finalement conclu et il a été annoncé le 17 juin que les deux cotés s’étaient entendus pour « mettre fin à toutes les hostilités et à toutes les activités militaires » dans la bande de Gaza. Selon l’accord, les passages frontaliers réservés au commerce seront ouverts et le blocus sera levé pour les marchandises essentielles. Après deux semaines de cessez-le-feu, l’Egypte recevra les représentants du Hamas, la présidence palestinienne et les parties européennes au Caire pour discuter d’un mécanisme permettant de rouvrir le passage frontalier de Rafah, entre la bande de Gaza et l’Egypte. Apparemment, le cessez-le-feu est prévu pour six mois et, d’après l’Egypte, il sera alors appliqué en Cisjordanie.

Ces projets paraissent grandioses quand on regarde la réalité de la situation sur le terrain, et sans oublier les tentatives antérieures pour maintenir le calme dans Gaza. Quelques heures à peine après que les sources égyptiennes et palestiniennes avaient fait savoir qu’on était arrivé à un accord, les Israéliens lançaient des raids aériens et tuaient 6 Palestiniens, dont 5 étaient membres des Brigades Al Quds du Jihad islamique. En deux jours, les attaques militaires israéliennes avaient tués 10 personnes dans la bande de Gaza.

Pourtant, Israël assure qu’il s’en tiendra à l’accord si le Hamas fait de même. Un haut fonctionnaire du ministère de la Défense israélien a dit le 18 juin qu’Israël « épuisera toutes les possibilités » mais que le cessez-le-feu n’était en aucune manière un accord de paix. Presque dans la foulée cependant, des officiels du gouvernement israélien ont prévenu qu’ils ne baissaient pas la garde, loin s’en faut. Si la trêve est rompue, Israël est prêt à lancer une action militaire de grande envergure à l’intérieur de la bande de Gaza.

Cette politique du « un pied dedans, un pied dehors » est loin d’être exclusive à Israël. Le président du bureau politique du Hamas a exprimé également cet optimisme réservé quand il a approuvé le cessez-le-feu et il a également prévenu Israël que s’il le violait, le Hamas rendrait aussitôt la pareille. « Si vous reculez, nous reculons » a-t-il déclaré simplement.

Il faut reconnaître au moins à l’Egypte le mérite d’avoir acquis ce point de départ prometteur. L’un des principaux points de désaccord qui ont jusque-là réduit à néant tous les efforts de cessez-le-feu était le sort du soldat israélien Gilad Shalit, fait prisonnier par le Hamas en juin 2006. Israël a toujours exigé que Shallit soit libéré avant de conclure tout accord de cessez-le-feu. Le Hamas n’acceptait pas cette exigence, arguant pour sa part qu’il fallait, en échange, libérer les prisonniers palestiniens des prisons israéliennes. Selon l’Egypte, Israël a accepté de séparer le problème Shalit de l’accord de cessez-le-feu.

Tout de même, soyons réalistes, que pouvons-nous espérer de cette nouvelle tahdiya ? Alors que la présidence palestinienne a pris le train en marche avec un président Abbas qui a approuvé le cessez-le-feu, le calme dans la bande de Gaza ne tient toujours qu’à un fil. La méfiance mutuelle Israël/Hamas a déjà commencé à s’installer des deux côtés, chacun menaçant de riposter durement si l’autre fait un faux pas. Israël s’est avancé un peu vite, avant même que le cessez-le-feu ne voit le jour, en posant comme postulat sa crainte que les factions armées palestiniennes ne portent une attaque sur des cibles israéliennes juste avant la prise d’effet du cessez-le-feu, simplement pour chercher à en imposer.

Dans un tel climat de suspicion, associé au fait que l’accord ne va même pas jusqu’à régler les questions clé de la bande de Gaza, tout est sujet au doute. Israël a toujours dit qu’il se réserve le droit d’agir indépendamment de tout accord ou de trêve conclus avec les Palestiniens. Autrement dit, il peut envahir la bande de Gaza, assassiner ses militants, araser la terre et fermer les passages à chaque fois que sa « sécurité » est menacée.

Le Hamas a parfaitement saisi cela, il a donc déclaré qu’il ripostera aussitôt si Israël viole l’accord. Ainsi, avant même que le cessez-le-feu n’ait vu le jour, les mauvaises intentions et la suspicion en ont déjà gâché les préliminaires.

Dans le meilleur des cas, un tel accord de cessez-le-feu constituera un tremplin pour des trêves plus globales entre Israël et les Palestiniens et, peut-être, apportera quelque paix aux habitants de la bande de Gaza qui ont souffert trop longtemps du blocus exténuant d’Israël et de ses agressions militaires continuelles.

Toutefois, le scénario le plus probable - au risque d’être rabat-joie -, c’est que le cessez-le-feu apportera un répit provisoire à la population, une pause dans les attaques israéliennes contre les Gazaouis et un arrêt des tirs de roquettes artisanales palestiniennes sur Israël, mais on sera constamment au bord de la rupture. Ce n’est pas pour déprécier les efforts des Egyptiens dans leur médiation pour le cessez-le-feu, ni ceux des Palestiniens et des Israéliens qui y ont consenti, c’est surtout une analyse de la réalité plutôt que tout autre chose. Aussi longtemps qu’Israël maintiendra son occupation sur la Palestine, y compris dans sa forme révisée s’agissant de la bande de Gaza, aucun accord de cessez-le-feu ne pourra jamais être durable.

Néanmoins, l’heure n’est pas au scepticisme. Si un arrêt des hostilités perdure entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, cela pourra peut-être donner aux Palestiniens suffisamment de temps pour mettre de l’ordre dans leur propre maison. Si le désaccord s’est quelque peu réduit avec l’initiative d’Abbas, il n’en reste pas moins des divergences importantes entre les deux, à savoir, qui a le pouvoir légitime sur Gaza. Si les deux parties s’écartent du précipice dangereux au bord duquel ils se tenaient, cela leur donnera une opportunité pour réunir et concentrer leurs efforts sur un plan plus large.

C’est une opportunité également pour Israël. Si l’instabilité et les hostilités dans Gaza ont pu servir les intérêts d’Israël en maintenant la désunion chez les Palestiniens, ce ne serait plus le cas avec une incursion israélienne d’envergure dans la bande de Gaza. Israël a appris avec la guerre du Liban que les incursions militaires dans un quelconque territoire inconnu peut souvent coûter très cher sans avoir à récolter des gains politiques significatifs. Une période d’accalmie dans la bande de Gaza permettra aussi à Israël de se concentrer pour faire monter le gouvernement de Cisjordanie sous l’autorité du président Abbas, lequel espère au bout du compte pouvoir prendre le dessus sur un Hamas affaibli.

Ainsi, que le cessez-le-feu tienne les six mois ou non, au moins il donnera à la population un moment pour reprendre son souffle. Même, quelques mois sans bombardement israélien, sans incursions et avec un assouplissement des frontières valent mieux que la prison à ciel ouvert dans laquelle ils sont enformés depuis si longtemps.

Joharah Baker écrit pour le Programme Media and Information chez The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH). Elle peut être contactée à l’adresse : mip@miftah.org.

Photo : Soldats israéliens au repos dans une base militaire proche de la frontière Israël/Gaza, au sud d’Israël, le mardi 17 juin 2008. Les tirs de roquettes sur Israël ont fait 7 tués chez les Israéliens l’année passée et les agressions israéliennes ont tué plus de 400 Palestiniens. (AP Photo / Tara Todras-Whitehill)

Sur le même sujet :

- Le Hamas gagne en légitimité - 19 juin 2008 - Juan Miguel Muñoz - El Païs.
- Presse israélienne : "L’alliance de la semaine" - 18 juin 2008 - Alex Fishman - YnetNews.

Du même auteur :

- Honte à toi, Israël
- Ce que veut Israël, Israël l’obtient
- Gaza : le peuple d’abord
- Pour les enfants de Palestine, l’indépendance est la seule réponse

18 juin 2008 - MIFTAH - Traduction : JPP


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