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Syrie-Israël : La nouvelle voie

jeudi 29 mai 2008 - 14h:19

Abir Taleb - Al-Ahram/hebdo

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Après un gel de huit ans, les deux pays ont amorcé une nouvelle série de négociations indirectes dont le but semble davantage de briser l’axe Damas-Téhéran que d’aboutir à un accord de paix.

Les nouveaux pourparlers entre la Syrie et Israël, à peine entamés, sont-ils déjà compromis ? S’il est encore tôt de juger de leur devenir, il est tout de même clair que les positions sont antagonistes, les objectifs étant d’ores et déjà opposés. Officiellement, les pourparlers indirects syro-israéliens, les premiers entre les deux pays depuis leur interruption en 2000, portent sur un retrait israélien du plateau du Golan conquis en 1967, en échange d’un accord de paix. Pour Israël, une paix avec la Syrie bouleverserait la donne régionale et pourrait notamment permettre d’affaiblir l’Iran, actuel allié de Damas, pire ennemi de l’Etat hébreu, et surtout une puissance régionale dont le poids est de plus en plus important ces dernières années, notamment avec le rôle croissant du Hezbollah au Liban et les changements de la donne en Iraq depuis la chute du régime de Saddam Hussein et la montée des groupes chiites.

Pour Damas, il s’agit avant tout de récupérer le Golan, tout en gardant un rôle régional de premier ordre, mais aussi de rétablir les liens avec l’Occident et sortir de l’isolement.

Or, ce rôle régional ne peut se faire sans une alliance avec Téhéran et avec le Hezbollah. Les négociations indirectes qui reprendront la semaine prochaine sous les auspices de la Turquie - un premier cycle s’est tenu la semaine dernière à Istanbul -, s’annoncent donc difficiles.

D’emblée, Damas a prévenu que son alliance avec l’Iran ne pâtirait pas des pourparlers de paix engagés avec Israël, alors que l’Etat hébreu souhaiterait voir Damas rompre avec Téhéran. Ainsi, dans son édition de samedi dernier, le quotidien gouvernemental Techrine, qui reprend le discours officiel, écrit : « La Syrie refuse toute condition préalable concernant ses relations avec les autres pays. Damas ne fait pas de compromis sur ces relations ». Tout en qualifiant ces « conditions » de « chantages », qui mettent « des bâtons dans les roues » du processus de paix. « La Syrie annoncera plus tard si les négociations indirectes ont enregistré des progrès ou si elles se sont heurtées à des obstacles et des conditions », a ajouté le journal.

Des propos qui tombent comme une mise au point à l’encontre des dirigeants israéliens qui réclament de Damas une rupture avec l’Iran. Jeudi dernier, la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, l’a clairement dit. Elle a posé comme condition à tout progrès dans les discussions avec Damas la rupture de ses liens avec « l’Iran, le Hezbollah (libanais), le Hamas (palestinien), et les autres organisations terroristes ».

Mais la Syrie, qui voit dans ces négociations la possibilité d’obtenir un plus grand rôle régional, n’est pas montée seule au créneau. Dimanche, le ministre iranien de la Défense, Mohammad Najar, a réaffirmé le caractère « stratégique » des relations entre l’Iran et Damas, « basées sur les intérêts nationaux des deux pays et du monde islamique », lors d’un entretien à Téhéran avec son homologue syrien Hassan Turkmani. L’alliance Damas-Téhéran s’est renforcée en 2006 avec la signature d’un accord de coopération militaire. Et la visite de Hassan Turkmani à Téhéran, quelques jours à peine après l’annonce de la reprise des pourparlers israélo-syriens, est lourde de significations. A la veille de cette visite déjà, le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki est intervenu, déclarant qu’Israël devait restituer le plateau du Golan à Damas sans condition.

Contenir le Hezbollah et le Hamas

Dans un contexte régional complexe, les objectifs s’enchevêtrent. En jeu, interviennent également la récente crise libanaise et l’accord de Doha sur le Liban, qui a mis fin à un bras de fer de 18 mois entre la majorité parlementaire antisyrienne et l’opposition menée par le Hezbollah chiite. Avec cet accord d’une part, et le lancement des pourparlers syro-israéliens d’autre part, c’est l’occasion ou jamais, pour les Israéliens, de contenir et le Hezbollah, et le Hamas. Israël veut donc déstabiliser la « coalition des tireurs de roquettes », expression utilisée par le commentateur diplomatique du journal Haaretz, Aluf Benn, et qui englobe l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas à Gaza.

Pour ce qui est du Hezbollah, la guerre du Liban de 2006 a montré à quel point Israël était vulnérable face aux tirs de roquettes contre sa population civile, malgré une nette supériorité militaire. Quant à la question de fond dans les relations israélo-arabes, c’est-à-dire la Palestine, Israël veut avant tout neutraliser le Hamas, dont il craint la montée en puissance et qui risque de devenir l’unique porte-parole des Palestiniens.

Pour cela, les Israéliens comptent sur le fait que les Syriens feront passer leur intérêt avant tout, c’est-à-dire le Golan. Le premier ministre israélien, Ehud Olmert n’a pas dit publiquement qu’Israël le restituerait à Damas, mais il a évoqué des « concessions douloureuses et importantes » inévitables pour parvenir à la paix. Une expression qui revient sans cesse dans le jargon israélien, mais derrière laquelle se cachait souvent une intransigeance à l’origine de l’échec de précédentes négociations. Reste à savoir si cette nouvelle donne régionale complexe et entremêlée modifiera les conditions de négociations.

Du même auteur :

- Iraq : Jeux d’influence
- L’Etat hébreu fait monter les enchères
- Paroles de paix, actes de guerre

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 28 mai au 3 juin 2008, numéro 716 (Monde arabe)


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