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Siège de Gaza : témoignage (12) - Un travail de 18 années détruit en 4 heures

jeudi 29 mai 2008 - 07h:11

PCHR Gaza

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« Ils sont arrivés à 4 heures du matin avec 2 bulldozers et sont repartis avant 8 heures du matin. Je possède cette ferme avicole avec mes 3 frères et nous avons travaillé jour et nuit pendant 18 années pour construire notre affaire. Les Israéliens ont tout détruit en moins de 4 heures ».

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Nasser Jaber a consacré 18 années de sa vie à sa ferme d’élevage de volailles dans le sud de la bande de Gaza. Il y a deux semaines, les bulldozers des troupes israéliennes d’occupation ont tué 40 000 poulets et détruit tous les bâtiments.

Le 16 mai à l’aube, la ferme d’élevage de poulets de Jaber a été détruite au bulldozer par les forces d’occupation israéliennes alors qu’il dormait dans sa maison à Rafah dans le sud de la Bande de Gaza. Il parait toujours aussi bouleversé et abasourdi.

Il nous guide péniblement autour des ruines de son entreprise de 18 ans. « Celle-ci représentait le projet de toute une vie pour moi et mes frères » raconte-t-il tandis que nous grimpons sur les décombres, les barbelés, les plaques de métal brisées et les milliers de cadavres de poulets en décomposition. « Je n’ai jamais fais partie d’une faction politique et je n’ai jamais été en prison. Je ne sais pas pourquoi ils ont fait cela ».

Les ouvriers de la ferme qui commencent à déblayer les décombres portent tous un masque sur leurs visages. Quarante mille poulets morts sont enfouis et écrasés au milieu des décombres et l’odeur est nauséabonde.

Quand les bulldozers ont commencé leur « travail » et que les employés ont donné l’alarme, Nasser Jaber ne s’est pas précipité dehors mais est resté chez lui, et a attendu que les israéliens s’en aillent. « Cela aurait été trop dangereux si j’étais allé à la ferme pendant qu’ils détruisaient tout » explique-t-il. « Ce n’est pas la première fois que les Israéliens sont venus ici. La frontière israélienne n’est qu’à 2.5 kilomètres de là et ils envahissent cette zone chaque mois. Ils ont déjà détruit un de nos murs et ensuite les citernes d’eau. Mais jamais comme cette fois-ci. »

Une partie de la ferme, un grand hangar abritant 9.000 poules, a été épargnée mais Jaber dit que les volailles sont traumatisées et ne pondent que très peu d’ ?ufs. La ferme produisait 45.000 ?ufs par jour mais aujourd’hui la production est tombée à 2.000 ?ufs journaliers et Nasser est inquiet que l’armée israélienne ne revienne pour détruire ce qui reste de sa ferme. Il estime qu’entre lui et ses frères, ils ont déjà perdu plus d’un million de dollars. « Je suis un fermier pacifique » dit-il. « Mais ils détruisent nos maisons, nos terres...tout ! ».

Abdul Halim Abu Samra, le Directeur des Relations Publiques de la branche voisine de Khan Yunis du PCHR dit que les forces israéliennes d’occupation (IOF) détruisent systématiquement les terres agricoles dans la Bande de Gaza, surtout dans la zone frontalière. « Nous avons une bonne terre fertile à Gaza mais les fermiers palestiniens ont été chassés de leurs terres dans ces zones frontalières suite à des actes d’intimidations et des attaques comme celle-ci. Les terres sont maintenant pratiquement toutes inoccupées à 1 kilomètre avant la frontière orientale car c’est trop dangereux d’y vivre ou d’y travailler. »

Alors que nous roulons au nord-est vers le point de passage de Sofa Crossing (un des huit points de passage entre Gaza et Israël) nous ne rencontrons que très peu de personnes ; parfois un homme âgé conduisant une carriole et un âne. Ces zones frontières orientales rurales de la Bande de Gaza se vident petit à petit car les fermiers, dont beaucoup ont cultivé la terre ici depuis des générations, ont aujourd’hui trop peur de vivre et de travailler sur leurs propres terres. Le périmètre de la Bande de Gaza qui n’est que de 40 kilomètres de long et 10 de large, se rétrécit encore plus suite aux invasions israéliennes.

La destruction délibérée de la propriété civile est illégale selon la loi internationale des droits humains et la loi humanitaire y compris la Quatrième Convention de Genève (articles 33 et 53)*. Depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, le PCHR a enregistré la destruction délibérée de plus de 4.000 hectares de terres agricoles dans la Bande de Gaza. Cette année près de 300 hectares de terres agricoles autour de Rafah et de Khan Yunis ont été détruites par l’armée israélienne (dont 50 hectares ces derniers sept jours), ruinant les lotissements de légumes et les fermes familiales et contribuant ainsi à la destruction dévastatrice de l’économie de la Bande de Gaza.

A quinze kilomètres des ruines de la ferme avicole de Nasser Jaber, Mohammed Hamdan Abu Daggah se tient debout devant les ruines de son usine de ciment qui se trouve à 4 kilomètres du Sofa Crossing et qui a été détruite au bulldozer il y a trois jours (24 mai) par les forces d’occupation israéliennes. « J’ai débuté cette affaire en janvier 2007 » dit-il. « Ma famille a tout investi dans cette usine. Nous avons réussi à importer sous licence de bons équipements et les clients locaux ainsi que les Nations Unies à Gaza nous apportaient beaucoup de travail. Mais les Israéliens sont arrivés avec 3 bulldozers et ils ont tout taillé en pièces ».

L’usine d’Abu Daggah employait 40 travailleurs locaux qui se trouvent maintenant au chômage. Tout comme Nasser Jaber, Abu Daggah dit qu’il n’a aucune idée des raisons pour lesquelles son usine a été visée. « Je n’ai jamais eu de problèmes et je n’ai jamais été arrêté. Ils n’avaient absolument aucune raison de faire cela. Maintenant il ne me reste rien sauf de grosses dettes que nous ne pouvons pas rembourser ».

* Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre datée du 12 août 1949

- Adoptée par la Conférence Diplomatique pour l’élaboration de Conventions internationales destinées à protéger les victimes de la guerre, réunie à Genève du 21 avril au 12 août 1949

- Entrée en vigueur : le 21 octobre 1950

- Article 33

Aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement. Les peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou de terrorisme, sont interdites.
Le pillage est interdit.

Les mesures de représailles à l’égard des personnes protégées et de leurs biens sont interdites.

- Article 53

Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.

Lisez les autres témoignages :

- Informations PCHR Gaza
- Rapports PCHR Gaza

27 mai 2008 - Palestinian Centre for Human Rights [PCHR] - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/files/campa...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja


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