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Le droit au retour des Palestiniens, vrai moyen de guérir la société israélienne

mercredi 28 mai 2008 - 06h:11

Michel Warschawski

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Aujourd’hui, demander "Qu’est-ce que c’est la Nakba ?", c’est comme demander "Qu’est-ce que c’est la Shoah ?"

(Titre original : Face aux spectres de la création d’Israël : le droit au retour des Palestiniens, vrai moyen de guérir la société israélienne)

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Palestiniens fuyant sur des bateaux en 1948.




Il y a dix ans, quand l’Etat d’Israël fêtait son cinquantième anniversaire, notre principale tâche a été d’expliquer que la création d’Israël représentait aussi la Nakba palestinienne et souvent les gens demandaient : « Qu’est-ce que c’est, la Nakba ? ». Dans la plupart des cas, cette question résultait de l’ignorance. Aujourd’hui, celui qui demande : « Qu’est-ce que c’est, la Nakba ? » n’est pas un ignorant, c’est quelqu’un qui nie l’existence de la Nakba, en quelque sorte un cousin de celui qui nie l’existence de la Shoah et qui demande : « Qu’est-ce que c’est, la Shoah ? » Le concept de Nakba et la réalité de la catastrophe palestinienne sont maintenant de notoriété publique.

De plus, partout dans le monde, et pas seulement dans les médias progressistes, chaque référence au soixantième anniversaire d’Israël a été suivie par une évocation de la Nakba palestinienne, y compris par ceux - et ils sont la majorité - pour lesquels la création d’Israël est un évènement méritant réjouissances et commémorations.

Il ne fait aucun doute que cette reconnaissance est une grande victoire pour le peuple palestinien dont l’histoire tragique a été déniée pendant des décennies : s’agissant de l’histoire, la bataille est enfin gagnée et la version sioniste à propos d’« une terre sans peuple pour un peuple sans terre » et de réfugiés palestiniens qui n’auraient jamais existé (sic) ou qui auraient été contraints de fuir par leurs propres dirigeants, cette version se retrouve, aujourd’hui, au fond des poubelles pleines des vieux mensonges de la propagande. Dans sa grande majorité, l’opinion publique internationale reconnaît que le prix de la création d’un Etat juif fut la destruction de la Palestine et la création de centaines de milliers de réfugiés.

En Israël aussi, la tragédie palestinienne est largement reconnue, remercions les nouveaux historiens qui, il y a vingt ans, ont commencé à démystifier les évènements qui entourent la création d’Israël et qui sont presque devenus aujourd’hui les historiens officiels d’Israël. Il n’y a aucun doute que reconnaître le « péché originel » de la naissance d’Israël représente une évolution importante permettant au peuple israélien d’examiner sa propre existence avec beaucoup moins d’aveuglement à son propre égard et de perplexité, et, par conséquent, d’être capable de mieux comprendre les racines du conflit israélo-arabe et comment sortir de ce conflit.

Il nous faut toutefois être conscients du simple fait que la reconnaissance d’un crime n’est qu’une première étape et en aucun cas une fin si nous aspirons à la réconciliation entre les peuples. C’est une condition nécessaire, oui, mais insuffisante pour mettre fin au conflit.

Cela peut sembler évident mais ça ne l’est pas : durant le processus d’Oslo, bien des intellectuels de la gauche israélienne ont évoqué la nécessité pour Israël de reconnaître « sa part de responsabilité » et le droit au retour pour les réfugiés du moment qu’en échange, les Palestiniens renonçaient à toute application significative de ce droit. Ce n’était pas une mauvaise affaire ! On plaide coupable et, en échange, on se fait absoudre par les victimes et sans rien avoir à réparer ni payer la moindre indemnisation ! En réalité, pourtant, c’était une très mauvaise affaire. D’abord pour les victimes à qui on demandait de renoncer à ce qui avait précisément été reconnu comme leur droit légitime ; il n’est pas difficile d’imaginer qu’aussi longtemps qu’ils seront empêchés de rentrer sur leurs terres, beaucoup parmi les réfugiés garderont colère et animosité envers les Israéliens, même une fois que les Israéliens leur auront demandé pardon.

Mais c’est aussi une mauvaise affaire pour les Israéliens eux-mêmes qui, par de telles combines et demi-mesures, ne pourront se libérer des spectres qui hantent leur existence même. En effet, la violence et la brutalité structurelles israéliennes ne peuvent se comprendre si on n’est pas conscients de la présence permanente des spectres de la Nakba dans la (l’in) conscience collective israélienne. Il est bien entendu que le déni ne fait pas disparaître les victimes mais qu’il se borne à les transformer en spectres.

Ce n’est qu’en acceptant totalement le droit au retour des réfugiés que le peuple israélien se libérera de la crainte du retour et de la destruction. Parce que, accepter de bonne foi le (droit au) retour signifie la fin des réfugiés en tant que tels et que ces réfugiés deviendront des voisins. Le retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie n’est pas seulement un droit humain basique et non négociable, mais la condition préalable pour la guérison de la société israélienne, sa normalisation et la porte ouverte à une véritable réconciliation.


Michel Warschawski est journaliste et écrivain. Fondateur du Centre d’information alternative (AIC) en Israël, il est l’un des représentants du courant radical antisioniste en Israël.

Parmi ses livres : Sur la frontière (Stock - 2002), A tombeau ouvert - la crise de la société israélienne (La Fabrique - 2003), A contre ch ?ur (Textuel - 2003).

Du même auteur :

- "Etat unique et irréversibilité"
- "60è anniversaire de l’indépendance d’Israël : crimes et boycott d’Israël"
- "Les bouchers Olmert et Barak et la responsabilité internationale"

27 mai 2008 - Alternative Information Center - traduction : JPP


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