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Le Hezbollah obtient gain de cause

mardi 27 mai 2008 - 06h:26

Lucy Fielder - Al Ahram Weekly

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L’accord concocté à Doha par les organisations rivales du Liban a mis un terme, pour l’instant du moins, à la crise qui avait ranimé le spectre d’une nouvelle guerre civile, analyse Lucy Fielder depuis Beyrouth.

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L’armement du mouvement de la résistance libanaise (Hezbollah) était au coeur de la dernière crise libanaise

Bien que la formule « ni vainqueur, ni vaincu » était prévisible , l’accord trouvé cette semaine à Doha satisfait aux principales demandes du Hezbollah, lequel est soutenu par l’Iran et la Syrie.

Washington, opposé à ce que ses alliés dans le gouvernement partagent le pouvoir avec un groupe qu’il considère comme « terroriste », a souffert encore un autre revers dans sa politique moyen-orientale, et dans le pays présenté un moment comme sa « success story ».

À l’heure où nous écrivons, l’élection du chef de l’armée Michel Suleiman à la présidence, vacante depuis que le pro-syrien Emile Lahoud avait terminé son mandat en novembre, semblait certaine. Suleiman a longtemps été le candidat du consensus et l’équipe au pouvoir du « 14 mars » avait fait de l’élection d’un président sa principale revendication, avant la formation d’un nouveau cabinet.

La décision de Suleiman de ne pas combattre le Hezbollah durant les derniers afrontements semble avoir permis à l’opposition de lever ses craintes quant à l’attitude du chef de l’armée vis-à-vis du Hezbollah et de la résistance. Plus de 80 personnes ont été tuées dans les combats lorsque le Hezbollah et ses alliés ont avec rapidité pris le contrôle du secteur principalement musulman de Beyrouth ouest.

« Aujourd’hui s’ouvre une nouvelle page dans l’histoire du Liban », a déclaré Saad Al-Hariri, dont les partisans du Mouvement Futur ont été battus lors des affrontements. « Je sais que les blessures sont profondes, mais nous n’avons personne excepté les uns et les autres. »

Al-Hariri est pressenti comme candidat possible pour le poste de premier ministre, ce qui pourrait d’une certaine manière limiter le ressentiment des Sunnites contre les Chiites, aggravé par ce que certains ont vécu comme une conquête de « leur » ville.

Dans un geste de conciliation, l’opposition a commencé à démanteler sa « ville de tentes » qui occupait deux places du centre de Beyrouth et était devenue un symbole de la stagnation et du blocage politiques.

Le Hezbollah ayant montré ses muscles, sa force est maintenant sans aucun doute prouvée, mais en tournant ses armes vers un ennemi intérieur il a alimenté les craintes et les critiques. Ses armes, et une campagne internationale menée par les Etats-Unis pour que le groupe chiite en soit privé, se sont trouvées au coeur de la crise politique qui s’est développée au Liban depuis l’assassinat de Rafik al-Hariri en février 2005.

Point crucial, l’accord de Doha donne à l’opposition « un tiers bloquant » des sièges ministériels dans le gouvernement qui sera nommé après l’élection de Suleiman, ce qui permettra au Hezbollah d’exercer un droit de veto sur toutes les décisions qui s’en prendraient à son arsenal [militaire]. Cette demande était au coeur de la décision de démission de six ministres en novembre 2006.

En dépit de cette rhétorique, il est évident que c’est la force qui a gagné à nouveau au Liban, donnant naissance à un accord qui était sur la table depuis une année et demie.

« Tout ceci nous amène à nous demander pourquoi ils ne sont pas tombés d’accord il y a une année ? » demande Karim Makdisi, professeur-adjoint d’études politiques à l’université américaine de Beyrouth. « Comme toujours, ces chefs qui font plonger le pays avec eux n’auront aucun compte à rendre. »

En dépit des tentatives de Samir Geagea, le chef des Forces Libanaises [un des premiers responsables, avec les Israéliens, du massacre de Sabra et Chatila - N.d.T] et de quelques autres dans l’équipe en place, l’ordre du jour de Doha n’a pas traité la question des « armes de la résistance ». Au lieu de cela, un dialogue national, présidé par Suleiman, discutera des rapports de l’Etat avec les « organismes » internes, c’est-à-dire le Hezbollah.

Les assurances réitérées selon lesquelles les armes ne seront pas utilisées « en interne », et mentionnées dans l’accord, semblent destinées à donner un lot de consolation aux chefs du gouvernement ; en effet le Hezbollah a précisé qu’il ne respecterait aucune ligne rouge s’il se sentait menacé.

« Personne n’en sort totalement victorieux mais il est certain que let Hezbollah a gagné puisqu’il a obtenu ce qu’il voulait le plus » dit encore Makdisi.

Walid Charara, un analyste politique qui travaille pour le Centre d’Etude et de Documentation du Hezbollah, a expliqué que « le chaos constructif » ne pourrait pas être employé pour désarmer les résistants après l’échec de la guerre du juillet 2006 qui visait à les écraser. « Le Hezbollah a prouvé que si les ainsi nommées forces de la majorité veulent avoir un rôle dans ce pays, elles doivent accepter un compromis. »

Peu de Libanais estiment réellement que le groupe devrait conserver ses armes indéfiniment, avec une armée libanaise toujours aussi faible et risquant de se diviser selon des lignes sectaires, et une puissance destructrice israélienne encore démontrée pas plus tard qu’en juillet 2006. « Mais l’idée que vous pouvez obtenir le désarmement sans un accord de paix régional n’est pas un point de départ, » pense Makdisi. « Les demandes américaines et israéliennes d’un désarmement [de la résistance libanaise] ont été le point de blocage durant ces dernières années. »

Avec une véhémente opposition américaine et israélienne par rapport aux armes du Hezbollah et les craintes persistantes d’une attaque conduite par les Etats-Unis contre l’Iran, lequel soutient le Hezbollah, une solution est peu probable. « Ce n’est pas la fin de l’histoire, juste la fin d’un chapitre et de la menace immédiate d’une confrontation et de batailles, » explique Makdisi.

Washington, qui affichait son appui au premier ministre Fouad Al-Siniora, a subi un coup sérieux au Liban, et maintenant que le Hezbollah et ses alliés disposent d’un « tiers bloquant » il sera difficile de machiner une autre initiative gouvernementale du type de celle qui a déclenché la crise.

Le marchandage de dernière minute d’une nouvelle loi électorale avait menacé de saboter l’accord qui comprend un retour à la loi électorale de 1960, une autre demande de l’opposition, cependant avec des égratignures qui équivalent à un signe d’assentiment à la majorité en place.

Les élections parlementaires étant prévues en 2009, marchander au sujet des frontières électorales et du nombre de sièges à assigner dans trois zones de Beyrouth est devenu une question centrale dans les négociations, les deux côtés essayant de faire pencher le scrutin à leur avantage, au moins 11 mois avant que ce scrutin ait lieu.

Beyrouth, un bastion crucial pour Saad Al-Hariri, le dirigeant de la majorité sunnite, comprend également de larges zones chrétiennes qui sont importantes pour le dirigeant de l’opposition Michel Aoun. Aoun a accusé ses adversaires de vouloir « avaler » des secteurs chrétiens en les diluant dans les secteurs sunnites.

La dispute, analyse Makdisi, résume la dégénérescence sectaire qui est au coeur du système libanais et que l’accord de Doha, comme l’accord de Taïf en 1990 qui a terminé la guerre civile, n’ont fait que consolider.

« Le charcutage électoral est tel dans certaines parties de Beyrouth qu’il s’y trouve peu de votants, » dit-il. « Et comme toujours, la classe politique est récompensée après avoir presque détruit le pays. Maintenant ils sont occupés à se partager le butin. »

De la même auteure :

- La résistance à la politique américaine plus forte que jamais

23 mai 2008 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/898...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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