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Que 2007 soit l’année de toutes les résistances !

mardi 2 janvier 2007 - 06h:20

Nahla Chahal

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Nahla Chahal est coordinatrice de la CCIPPP

L’année 2007 coïncidait à un jour près avec le Grand Eïd des Musulmans, celui qui fête Ibrahim ( ou Abraham, c’est le même personnage !), le premier monothéiste, symbolisé par le sacrifice auquel il était prêt, celui de son fils, et symbolisant du même coup la miséricorde, Dieu ayant substitué un mouton au fils. La communauté des deux fêtes, du nouvel an et du Grand Eïd, était accueillie avec joie dans cette partie du monde qu’est le Moyen -Orient, meurtri par les guerres et les tensions, foyer promis du « choc des civilisations », troisième guerre mondiale, cette fois généralisée et popularisée.

Il fallait que l’administration américaine s’y mêle. Concurrençant avec les coïncidences du calendrier temporel, et avec Ibrahim et Dieu à la fois, elle a voulu gâter l’occasion, comme s’il ne lui suffisait pas tout ce qu’elle commet déjà. Elle a décidé l’exécution de Saddam Hussein à l’aube du jour sacré, au moment même où les mou’azzins lancent leur voix dans cette prière unique du Eïd, rythmée et mélodieuse, qui sort de l’habituel appel à la prière pour n’invoquer que Dieu. Le rituel du sacrifice du mouton allait commencer.

Cet acte est ressenti dans l’ensemble du monde arabe comme une humiliation calculée. Non que Saddam ait une quelconque popularité, tout le monde s’accorde à reconnaître que son régime a été dictatorial et sanguinaire. Mais son jugement devait revenir au peuple irakien, aurait dû être un facteur de consolidation de leur unité, et surtout de la prise de conscience commune de leur histoire. Le procès de Saddam aurait dû être celui du régime. Ce n’est pas la force occupante ni ses pantins qui pouvaient y procéder. L’obscénité était déjà énorme. Mettons de côté la discussion sur la peine de mort, elle est dans le contexte actuel secondaire.

Il n’y a aucune nécessité qui justifie cette précipitation, ni celle de l’exécution elle-même, ni celle de sa date. Sauf que l’administration américaine a décidé de tout utiliser, absolument tout, pour réaliser un double objectif :
- celui de l’humiliation répétée des populations de cette région, du viol systématique de tous leurs repères d’unité et de dignité, de conscience de soi, comme de leurs petites et grandes joies. C’est un procédé d’avilissement planifié et réfléchi.
- et celui de semer encore plus la discorde, la division, tout ce qui interpelle les intuitions de haine et de vengeance, constituant ainsi le lit tranquille et sûr du chaos. L’exécution de Saddam a été travestie en acte de vengeance, car le tribunal fantoche s’est contenté de deux dossiers pour prononcer la peine de mort, celui des « Anfales », massacre commis à l’encontre d’une population kurde, et celui de « Dujail », massacre commis à l’encontre d’une population chiite. Ainsi la sentence a visé à raviver la dimension de vendetta tribale, au moment même où l’Irak est secoué par des actes barbares réciproques, des liquidations collectives « sur l’identité », des voitures piégées dans les souks et devant les mosquées des uns et des autres, d’épuration communautaire de régions entières, Les guerres civiles ne se mettent jamais en place de façon spontanée, elles se construisent. C’est ce à quoi s’adonne l’occupation américaine de l’Irak, depuis le premier jour, rendant du coup sa présence « indispensable », se métamorphosant en arbitre d’un jeu qu’elle a elle-même créée.

Plusieurs facteurs contribuent à l’expansion de la tension communautaire entre chiites et sunnites dans l’ensemble de la région : La rivalité multiple entre l’Iran et les pays du Golfe et notamment l’Arabie Saoudite, le fiasco des régimes qui servent la stratégie américaine ou / et qui n’ont plus de raison d’être, de discours légitimant autre que celui de l’attisement de cette tension, les frustrations liées à l’effondrement du projet national et de développement, et à l’absence d’une vision pour sa reprise et d’horizon pour l’espoir, la misère généralisée...La situation irakienne concrétise d’une façon tragique et dense ce paysage. Elle est devenue son foyer, manipulé à des fins locales et régionales qui s’entremêlent de plus en plus et de façon inextricable. Ainsi en est-il de l’exécution de Saddam à l’aube du Grand Eïd, de la projection de la scène filmée jusqu’au dernier détail, et de celle de groupes d’Irakiens célébrant cette mise à mort dans la joie, au petit matin. Dans le raffinement du genre, le grand ayatollah Ali Sistani, référence shiite suprême en Irak, qui cultive des liens rapprochées avec l’occupant, avait décidé de décaler d’une journée le Grand Eïd !! du jamais vu dans l’histoire, cette date est fixée d’avance et rythmée par le rituel du pèlerinage.

Il n’y a que l’esprit de résistance qui peut faire face à cet état des choses, qui préserve de succomber à la facilité d’une lecture au premier degré, qui fait le lien entre ces phénomènes qui ont l’air de se dérouler dans une région précise et d’appartenir à une soi-disant « spécificité », et la situation globale. Car elle est déjà avancée la machinerie qui vise à tout aplatir, à désintéresser de tout, à répandre la débilisation générale, à s’accoutumer aux horreurs et à perdre la capacité à l’indignation. Il suffit d’assister au journal télévisé des chaînes françaises : affligeant de superficialité, d’insinuations malsaines et interprétatives selon les idées les plus primaires, d’exploitation du sensationnel et d’occultation de tout le reste, de mise sur le même niveau de la poule volée dans un bled perdu de la France profonde et des plus grands événements internationaux, quand la poule volée ne passe pas avant !

Entre-temps se déroulent les pires choses, celles qu’on n’aurait même pas envisagé dans les pronostics les plus pessimistes. Des exemples ? La poursuite des vols réguliers des avions de la CIA dans l’espace aérien des pays européens, via les aéroports européens, transportant les « présumés » terroristes vers Guantanamo. Ces vols avaient commencés depuis longtemps et le dévoilement de leur existence n’a ému que certains illuminés, des êtres bizarres, des anti-américains primaires, des voix minoritaires d’ONG des droits de l’homme et d’âmes sensibles. De toute façon, désormais la nouvelle loi américaine, votée le 28 septembre 2006 par les deux chambres, républicains et démocrates confondus, autorise la détention illimité et sans aucune procédure de tout « étranger » soupçonné d’avoir des « intentions » terroristes. Ce n’est plus les actes qui jugent, la présomption d’innocence n’existe plus. Enfin l’universalité du droit est balayée d’un revers de main, puisque cette nouvelle loi ne s’applique qu’aux étrangers. Etrangers par rapport à qui ? une nouvelle nationalité semble émerger, qui regrouperait une infime petite élite du Bien face à la masse barbare, pauvre, retournée à l’âge de pierre, celle du Mal.

L’âge de pierre ? ce n’est pas que les pays éventrés par les bombardements ( américains ou israéliens ou soutenus par eux). Les dernières années ont vu l’extension du concept : est homme des cavernes celui qui défend le droit au travail dans des conditions décentes, le droit à la santé et à l’éducation pour tous, celui qui s’oppose au flicage de la vie publique et privée grâce aux technologies de pointe, celui qui s’oppose aux cultures transgéniques, celui qui croit que l’Homme et sa vie ne sont pas des marchandises, que l’économie virtuelle mène aux désastres, que la couche d’ozone est perforée, que le réchauffement climatique menace la terre, que la pauvreté et la guerre ne sont pas des fatalités mais les fruits d’une certaine organisation sociale, protégée par les pouvoirs en place. L’est l’incrédule qui ne succombe pas aux peurs formatées, celui qui croit à des idéaux, à des valeurs humaines, celui qui rêve de belles choses... les Résistants quoi ! A ceux-là : Bonne année 2007.

Nahla Chahal est coordinatrice de la Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien - CCIPPP

2 janvier 2007


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