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Le Liban ne veut pas d’une nouvelle guerre, n’est-ce pas ?

dimanche 18 mai 2008 - 00h:07

Robert Fisk

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En dépit de tout qui s’est produit ces derniers jours, personne ne veut pourtant d’une nouvelle guerre civile.

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La guerre à Beyrouth Ouest n’est pas une question de religion, mais de légitimité politique - Photo : AFP/Getty Images

Je suis allé couvrir une manifestation dans Beyrouth Ouest hier matin - oui, notez s’il vous plait la lettre O en capitale sur le mot « Ouest » - et j’ai alors reçou un texto d’une femme libanaise sur mon téléphone portable, me demandant si elle devra porter un voile quand elle reviendra au Liban. Comment dois-je je répondre ? Que les restaurants sont encore ouverts ? Que vous pouvez encore boire du vin pour accompagner votre dîner ?

C’est bien le problème. La guerre à Beyrouth Ouest n’est pas une question de religion. C’est une question de légitimité politique du gouvernement libanais et de sa ligne « pro-américaine » (ce dernier étant un adjectif essentiel dans tout rapport d’agence de presse américaine), que tout naturellement l’Iran défie.

Il y a quelques jours, je suis allé regarder — ici, à Beyrouth — une exposition d’affiches de la terrible guerre civile qui a duré 15 ans et a coûté la vie à 150 000 Libanais et Palestiniens. Cette exposition avait pour titre « Signes du conflit : les affiches politiques de la guerre civile, 1975-1990 », et je suis arrivé à la conclusion qu’il n’y aura jamais plus de guerre civile au Liban. Comment un peuple préparé à exposer de telles affiches indignes pourrait-il retomber dans ce genre de conflit sans espoir ? Mais est-ce que je ne suis pas en train de voir des affiches presque identiques dans les rues de Beyrouth Ouest ?

Aussi commençons au début (que ce soit l’histoire libanaise à partir des Ottomans, des Français, d’après Versailles). Ou alors commençons hier, quand nous avons vu les images diffusées de deux membres du Hizbollah (pour lequels il faut lire « musulmans chiites ») poignardés à mort dans Aley par des musulmans druzes. Indigne, c’est vrai. Alors commençons par le communiqué nous apprenant que le commandement de l’armée libanaise a décidé de laisser le brigadier général Wafiq Chucair au poste de responsable de la sécurité pour l’aéroport de Beyrouth. Et que le commandant de l’armée libanaise — le Général Michel Sulaiman (favori pour devenir président au cas où le parlement, après 18 séances, décide d’en nommer un) — était déterminé à rétablir « la loi et l’ordre ».

Ainsi (si le lecteur n’est pas déjà perdu) nous devrions arriver au présent proche. L’armée exige la fin de toute présence de milice, par exemple les points de contrôle armés au Liban ; et également l’ouverture de toutes les routes. La crainte de l’armée, naturellement — et cela n’apparait pas dans les communiqués officiels — est que si les milices ne lèvent pas les points de contrôle et n’ouvrent pas toutes les routes, alors l’armée elle-même se disloquerait, ses soldats prenant part eux-mêmes aux points de contrôle. Mais hier la télévision du Hizbollah a fait savoir que les milices se conformeraient à cette demande.

Mais revenons à cette manifestation que je couvrais à Beyrouth. Il y a deux jours, le Hizbollah, lors de sa prise de contrôle sur Beyrouth Ouest, a saisie la Télévision Future de Saad Hariri. C’était la station de l’ex-premier ministre Rafiq Hariri avant son assassinat le 14 février 2005 [...]. Quand le Hizbollah a mis la main sur Beyrouth Ouest il y a deux jours, il a coupé les câbles de la chaîne Future, et par conséquent les quelques 200 manifestants qui se sont déplacés hier perdaient leur temps.

En attendant, dans les dernières affiches de l’exposition, les Phalangistes (toujours aussi vivants) expliquent à leurs partisans que leurs « martyrs » sont morts « pour que le Liban vive ». Un autre explique que « les Morabitoun [en arabe, « Musulmans en embuscade »] ont détruit le symbole de la trahison fasciste, du sionisme noir ( ?) ». Le SPNS [Parti Social Nationaliste Syrien], appelle, après 53 ans, « à la renaissance et à l’unité de la société, et à la libération de la nation de l’occupation sioniste et étrangère ». Rappelons que le SSNP veut toujours une nation arabe qui inclut la « Palestine », et Chypre. Et il y a le pauvre vieux Bashir Gemayel (chef Phalangiste, exécuté en 1982, après avoir gagné le ticket de président pro-israélien) disant aux Libanais : « votre nation a besoin de vous - oui, vous ! »
Et en faisant le tour de cette exposition, j’ai pensé — oui — que cette guerre ne pourrait jamais revoir le jour.

Je me suis même arrêté devant un article disant qu’il n’y aurait pas d’autre guerre civile ici. À la réflexion, il aurait fallu que j’envoie cette histoire à ce journal. En dépit de tout que dont avons été les témoins ces trois derniers jours (ou deux dernières années, ou les 30 dernières années, ou les deux derniers millénaires, faites votre choix), je ne pense pas que les Libanais veulent une autre guerre civile.

Il y a de cela cinq jours, j’ai enregistré une interview pour la chaîne Future de Saad Hariri au sujet de mon nouveau livre, et j’ai dit à mon interlocutrice que je ne pensais pas qu’il y aurait une autre guerre civile au Liban. Comme le Hizbollah a coupé les câbles de la chaîne Future, il n’y aura aucun programme. « Vous l’avez fait pour rien, » m’a dit hier la jeune femme libanaise qui m’avait interviewé. Oui, je pense qu’elle avait raison. Mais je continue a croire que les Libanais ne tolèreront pas une autre guerre civile.

Et je dis cela malgré ce qui se passe : que le Hizbollah a défilé avec ses armes sur la Corniche devant mon appartement, et que ma voiture a été déchiquetée par les balles — parlons franchement — des mercenaires alliés du Hizbollah, la milice Amal (qui appartient à Nabih Berri, le porte-parole du parlement). Comme tous ceux qui vivent ici, mon conducteur et moi sommes heureux de ne pas avoir été à ce moment-là dans la voiture.

Mais au Liban, la question demeure : qui prendra le volant ?

Du même auteur :

- Promesses et trahison
- Liban : une nouvelle humiliation pour les Etats-Unis
- Ce que nous avons appris, c’est que nous n’apprenons jamais rien
- Fin sanglante d’un homme qui avait fait de l’enlèvement une arme de guerre

11 mai 2008 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/news/f...
[Traduction : IAO - Info-Palestine.net]


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