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Liban : l’exode continue

samedi 17 mai 2008 - 06h:25

Juan Miguel Muñoz

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La paralysie institutionnelle qui sévit dans le pays accélère une crise économique galopante.

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Une rue de Beyrouth après un bombardement israélien - Juillet 2006 - Photo : AP

Les grues et les ouvriers sur les échafaudages éclaboussent le paysage bigarré de Beyrouth. Si on considère que la frénétique activité immobilière sert de thermomètre, le Liban connaît actuellement un essor remarquable.

Les bâtiments de la banlieue chiite de la capitale, rasés par l’aviation israélienne en août 2006, s’élèvent à un rythme vertigineux. Avec l’argent de l’Iran. Dans les quartiers sunnites et chrétiens, le paysage est exactement le même. Les fonds provenant des émigrants maronites et du golfe persique alimentent le secteur.

Tout est illusion. La paralysie institutionnelle a accéléré une crise économique galopante. Le Liban saigne. Et bien que la tradition d’émigrer est indispensable à tout Libanais, le phénomène prend maintenant des proportions dramatiques : les meilleurs cerveaux aspirent aujourd’hui à quitter le pays. « Il n’y a pas une famille qui n’a pas des parents à l’étranger. Il y a même des gens qui émigrent en Chine. Oui, c’est arrivé ! » dit l’anthropologue Shauqi Duayhi.

Le patriarche maronite, le cardinal Nasrala Sfeir, affirme qu’un million de personnes ont quitté le Liban dans les dix dernières années. Un exil qui a augmenté depuis la guerre que se sont livrés Israël et le Hezbollah en 2006. Si au début du XXe siècle, c’était les paysans et les artisans qui faisaient leur valises, aujourd’hui ce sont des ingénieurs, des économistes, des médecins qui vont jusqu’aux Etats-Unis, la France, le Canada, les Emirats Arabes ou le Koweit.

La population du Liban est estimée à 4 millions. Mais personne ne le sait avec certitude. Le recensement n’a pas été actualisé depuis 1932, ce qui fait que le fragile équilibre politique conçu en fonction de la taille des 18 sectes tombe en morceaux. Bien que ceux qui pensent que c’est précisément ce qui s’est passé sont légions.

Contraints par le consensus requis par la loi, le Parlement ne se réunit plus depuis novembre 2006, boycotté par l’opposition (Le Hezbollah et le parti de l’ancien général chrétien Michel Aoun), et la présidence (réservée à un maronite comme cela est imposé par la loi) est vacante depuis novembre. Il a été impossible de mettre d’accord les 2/3 de la Chambre.

Les assassinats des dirigeants politiques antisyriens et les sporadiques protestations violentes marquent la vie politique et les locaux du centre-ville rénové de Beyrouth sont vides à cause d’un siège permanent organisé par le Hezbollah. Le gouvernement soumis aux ambitions des Etats-Unis et de la France essaie de gérer les affaires publiques, pendant que le pro-syrien Hezbollah, une création iranienne, est gouverné comme un Etat parallèle. Outre son vaste réseau de soins, on l’accuse d’offrir son propre réseau de communications téléphoniques.

Le vide institutionnel est sans précédent. Même pendant la fratricide guerre civile (1975-1990), on respectait l’élection présidentielle.

Maintenant, les leaders sunnites, chiites, maronites et druses sont incapables de trouver un compromis. Néanmoins, les plages sont pleines chaque week-end. Ferraris, Porsches et voitures haut de gamme sont garées devant les restaurants. Une autre illusion. Il n’y a aucune chance de trouver quelqu’un d’optimiste. Les perspectives sont funestes.

Walid, licencié en informatique, Druse de 26 ans, s’est aventuré à s’installer à Beyrouth en 2000. Il vivait au Brésil. Huit ans c’est déjà de trop. « J’ai envie de repartir. N’importe où. La situation est intenable. Je travaille 7 jours sur 7 dont 3 de 15 heures. Je gagne 550 euros. Et je suis un privilégié. » Jalil, un jeune chiite qui pourrait bien être Parisien ou New-yorkais, arrête de travailler pour rejoindre le parti de Saad Hariri, qui regroupe les sunnites : « je n’en pouvais plus de ma condition de chiite », dit-il. Personne ne se libère, même s’il le veut, de son origine sectaire.

Comme la situation économique ne peut pas se libérer des turbulences politiques. L’inflation a atteint 16 % en 2007. Les produits alimentaires ont augmenté de 15 % dans un pays dans lequel 30% de la population vit avec 3 euros par jour. L’économie est un catastrophe à la merci des envois de fonds (5600 millions de dollars) envoyés par les émigrants l’an dernier. Les universitaires ne trouvent pas d’emploi, on leur offre des salaires de misère. Le professeur Duayhi le dit clairement : « L’émigration est due à des raisons socio-économiques. Si elle obéissait à des motifs politiques, il n’y aurait plus personne ici. »

Beaucoup résistent à l’idée d’exil permanent. « C’est différent d’immigrer vers les pays arabes plutôt que vers les Etats-Unis, l’Australie ou le Canada, parce que du Golfe on peut revenir le week-end » dit l’anthropologue. Les plus susceptibles de s’installer en Occident sont les Maronites. La religion et l’adaptation à cet environnement sont cruciales. « L’émigration, ajoute t-il, touche tout le monde, mais les Maronites en ont la phobie parce que leur position démographique s’est détériorée avec le temps ».

Du même auteur :

- Le shekel cause des ravages
- Gaza n’a plus d’essence
- Les Nations Unies ont suspendu la distribution de nourriture dans Gaza
- Israël se retranche dans ses colonies

6 mai 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduit de l’espagnol par Charlotte


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