16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

L’intermédiaire turc

samedi 10 mai 2008 - 06h:43

Ghassan Charbel - Alarabiya.net

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


La Turquie regarde la région et se sent fiévreuse. Son voisin irakien disparait au milieu d’une tourmente sanglante : l’occupation, le terrorisme, la résistance et un conflit entre sectes.

JPEG - 16.8 ko
Déploiement de l’armée turque à la frontière irakienne - Photo : Reuters

Toute désintégration de Irak porterait les feux kurdes dans la maison turque. L’unité de l’Irak impose des limites au fédéralisme et limiterait la capacité de l’Iran à tirer les ficelles en Irak. C’est pourquoi la Turquie a intérêt à voir un Irak uni et démocratique sans place pour un petit état Kurde indépendant ou pour un minuscule état d’Al-Zawahiri.

La Turquie regarde autour d’elle et voit l’Iran s’adresser au monde et à la région en tentant de jouer de deux cartes : en menaçant la sécurité des approvisionnements pétroliers et la sécurité d’Israël. L’ambition de l’Iran de contrôler la région n’est plus une supposition ou une spéculation. Téhéran est présent dans les détails quotidiens en Irak au niveau sécuritaire et politique. La « guerre de juillet » [Liban 2006] a confirmé avec succès sa présence sur le bord méditerranéen. Mais cette expansion dépend d’un visa pour passer la frontière syrienne. L’Iran nucléaire ne serait pas une bonne nouvelles pour la Turquie, même si cette dernière bénéficie du parapluie de l’OTAN.

La Turquie regarde la Syrie et se sent soulagée par l’amélioration des relations bilatérales de ces dernières années. Mais par son alliance avec l’Iran, la Syrie se tient au centre du conflit avec Israël. En même temps, elle s’oppose à l’Amérique de Bush en Irak et s’oppose au Liban aux Etats-Unis, à l’Europe, et aux principaux états arabes. La Turquie n’a aucun intérêt à voir la Syrie poursuivre son aventure politique avec l’Iran. Pas plus qu’elle n’a intérêt à voir un autre Irak à ses frontières.
Une simple comparaison montre les différences dans les calculs, les méthodes et les moyens de tenir des rôles. Quand Mahmoud Ahmedinejad a visité Damas, beaucoup se sont interrogés sur le moment où aurait lieu la prochaine guerre au sud-Liban et si cette guerre ne s’étendrait pas au delà de la cour libanaise. Quand Recep Tayyip Erdogan s’est déplacé à Damas, il a officiellement annoncé la médiation de la Turquie pour la reprise d’entretiens entre Syriens et Israéliens.

L’apparition turque s’est produite après des années de calculs méticuleux. La Turquie a prudemment traité le monde d’après le 11 septembre. Elle a su tirer de façon spécifique un bénéfice de la coexistence dans des institutions de l’Etat d’un parti ayant des racines islamiques et d’une armée qui garde l’héritage laïc d’Ataturk. Elle est allée en Afghanistan sous son uniforme de l’OTAN et au sud-Liban avec la couverture de la légitimité internationale. Elle a également tiré bénéfice du besoin de Damas d’équilibrer son alliance avec Téhéran par des liens plus étroits avec Ankara, comme si la Syrie se rendait compte de son besoin d’un intermédiaire turc.
Dans cette région en difficulté et turbulente, la Turquie s’est préparée pour un jeu régional dont elle a préparé les cartes. C’est un Etat dans l’OTAN dont les liens étroits avec les Etats-Unis ne l’ont pas empêché de s’opposer à l’invasion américaine en Irak. C’est un Etat qui rêve du club européen bien qu’il ait également un pied dans le Moyen-Orient. Par conséquent, il a veillé à maintenir sa capacité à parler à toutes les parties, y compris Israël, pour exercer sa capacité à transmettre plus tard des messages.

La mission d’Erdogan n’est pas facile. Elle peut même être décrite comme pénible. Il est difficile de croire que le gouvernement d’Olmert soit capable de prendre une décision aussi importante que de se retirer des hauteurs du Golan. Il ne sera pas facile pour la Syrie non plus de reformuler son rôle régional sur la base d’une paix avec Israël. Les accusations américaines contre la Syrie concernant son réacteur nucléaire ne doivent pas être prises à la légère non plus. Le pari sur la prochaine administration américaine n’est pas garanti. Un retrait complet du Golan, s’il a lieu, représenterait un changement important dans la politique israélienne. Le prix à payer pour reprendre le Golan représenterait également un changement crucial dans le vocabulaire syrien au niveaux interne, régional et international.

En faisant bon accueil à la médiation d’Erdogan et en l’encourageant, la Syrie a essayé d’ouvrir une fenêtre qui la protège contre l’isolement international. Cependant, la capacité de l’intermédiaire turc d’ouvrir les portes américaines peut dépendre d’une autre fenêtre que la Syrie peut ouvrir pour réparer les dégats provoqués dans ses relations arabes et européennes. Par exemple en facilitant l’élection du Général Michel Suleiman et en encourageant ses alliés à emboîter le pas de l’initiative [de la Ligue] Arabe.

La mission d’Erdogan n’est pas une mission facile. Elle concerne les capitales voisines comme éloignées. Elle implique Ahmedinejad, le Hezbollah et le Hamas. Elle concerne également l’administration américaine qui prépare ses bagages en laissant derrière elle d’énormes crises et de nombreuses batailles à venir pour ceux qui lui succéderont.

* Publié dans Al-HAYAT, le 18 avril 2008

4 mai 2008 - alarabiya.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alarabiya.net/views/2008...
Traduction de l’anglais : Nazim


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.