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Les Irakiens forcés d’abandonner leur agriculture

mercredi 7 mai 2008 - 08h:16

Ahmed Janabi - Al Jazeera.net

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Pour la première fois de son histoire, l’Irak a commencé à importer des légumes alors que son agriculture dispose d’un héritage vieux de 6000 ans.

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Les coûts liés à l’exploitation agricole ont terriblement augmenté à travers le pays - Photo : Gallo/Getty

L’Irak a commencé à importer des légumes pour la première fois de son histoire moderne en dépit d’une eau suffisante, de terres fertiles et d’un riche héritage agricole s’étendant sur 6000 ans.

La guerre, le manque de ressources et les réalités du marché dans l’Irak post-Saddam sont les véritables raisons de cette rupture dans la tradition.

Le système d’après-guerre du marché libre pousse les fermiers irakiens en dehors de la concurrence. Les marchandises meilleur marché, telles que les légumes syriens, ont inondé les marchés locaux.

Hasan Al-Shammari, un fermier d’Al-Latifiy à 40 kms au sud-ouest de Bagdad, nous a expliqué : Les « commerçants recherchant un plus grand bénéfice ont détruit nos activités, car ils gagnent plus d’argent lorsqu’ils importent des légumes et le gouvernement ne fait rien pour protéger le fermier irakien. »

Les représentants du ministère irakien de l’agriculture étaient injoignables pour tout commmentaire.

Explosion du prix du fuel

Le secteur agricole a également dû faire face à l’augmentation des prix et aux pénuries de carburant alors que le benzène est nécessaire pour faire fonctionner les pompes d’irrigation. Bien que l’Irak ait de grandes réserves de pétrole, son industrie pétrolière en crise n’a pas su répondre aux besoins locaux.

« Un des principaux problèmes se posant aux fermiers dans mon secteur est le carburant pour les pompes à eau. Il est très difficile d’obtenir du carburant en Irak, et si vous parvenez à en obtenir, alors vous devrez payer une fortune, » explique Akram Abu Hussain, un journaliste irakien d’Al-Latifiya.

Al-Shammari ajoute à cela que les frais généraux ont fortement augmenté.

Tandis que le prix de l’essence ne dépassait pas un cent par litre avant l’invasion américaine en 2003, il est maintenant d’environ 750 dinars irakiens par litre (soit 65 cents).

« Dans le passé les engrais étaient subventionnés, mais maintenant nous devons payer plus d’un million de dinars (environ de 830 dollars US) par tonne. Nous ne pouvons pas obtenir de l’eau par le réseau normal, ce qui rend les cultures plus difficiles » dit-il encore.

« Comme nous ne pouvons pas aujourd’hui concurrencer les légumes d’importation, nous avons cessé l’agriculture. »

Soucis de sécurité

Mais d’autres fermiers expliquent que l’abscence de sécurité, particulièrement sur les routes, est un plus grand souci.

Zamil Al-Qaraghuli, un fermier de Baqouba, à 65 kms au nord de Bagdad, raconte : « Nous avons abandonné la culture des légumes parce que beaucoup de fermiers ont été volés et tués alors qu’ils allaient livrer leurs produits en ville. »

Tandis que quelques fermiers se sont tournés vers les milices pour obtenir une protection, d’autres les ont rejointes.

Amir Mahmoud, épicier dans Bagdad, nous dit que beaucoup de fermiers ont abandonné leurs activités agricoles « parce que s’ils rejoignent les milices ils obtiennent beaucoup plus d’argent qu’en cultivant, ainsi pourquoi s’embêter. »

« Plusieurs de mes fournisseurs irakiens en légumes ont rejoint Al-Sahwa (une milice en zone sunnite soutenue par les Etats-Unis), où elles gagnent plus d’argent, particulièrement si la famille comprend plus d’un mâle adulte. »

Al-Shammari reconnait que plusieurs membres de sa famille ont quitté l’agriculture afin de rejoindre Al-Sahwa pour un revenu plus sûr.

« Ceux qui sont dans Al-Sahwa sont principalement des fermiers et des propriétaires de petites exploitations. Bon nombre d’entre eux n’avaient pas le choix : mourir de faim ou intégrer Al-Sahwa. Nous, les fermiers, n’avons pas d’autre métier que cultiver la terre, mais parce que chaque élément masculin a dû joindre l’armée à un certain moment dans sa vie, nous savons combattre, aussi Al-Sahwa est devenue notre seule ressource. »

Mais Thamir al-Tamimi, un des principaux fondateurs d’Al-Sahwa, conteste l’idée que les fermiers aient abandonné leurs champs pour se joindre aux milices tribales.

« Al-Sahwa paye 300 dollars par mois chaque combattant ; 75% de notre personnel sont des volontaires, 25% seulement perçoit un salaire. Je ne pense pas que cette somme d’argent représente une telle tentation pour qu’un fermier abandonne son champ et rejoingne Al-Sahwa, » nous explique-t-il.

Al-Tamimi pense que plus d’argent peut être gagné en allant dans la police et dans l’armée irakiennes.

« Les salaires sont d’environ 600 dollars US par mois dans la police et armée . »

Contacté afin de commenter l’afflux de fermiers dans les forces de sécurité, Ali Al-Dabagh, porte-parole du gouvernement irakien, a refusé de s’exprimer.

Les Irakiens sont connus pour être attachés à la qualité de leur nourriture et l’importation de produits agricoles a laissé plus d’une femme irakienne frustrée.

« Perte de goût »

Shaima, qui a refusé de révéler son nom de famille une fois contactée par téléphone, a estimé qu’utiliser les légumes importés avait non seulement contraint encore plus le budget de la famille mais avait également affecté leur plaisir gustatif.

« Tout le monde ici regrette nos légumes frais locaux. Je pense que c’est sans doute lié à la nature du sol et à la qualité de l’eau, mais les légumes venant de l’extérieur de l’Irak n’ont pas le même goût. En raison de cela ma cuisine n’est plus comme avant. »

Suad, âgée 52 ans et anciennement professeur qui n’a pas npn plus voulu révéler son nom de famille, déplore la disparition d’un mode de vie : « Indépendamment de leur goût qui n’est pas équivalent à nos légumes locaux, les légumes importés sont chers. »

« Nous les achetons dans des boîtes, et la plupart du temps les fonds [de légumes] sont endommagés. Ce qui était bien dans nos légumes locau, c’était aussi que nous avions la possibilité de sélectionner chacun des légumes avec nos mains ; et ils allaient directement de la ferme au vendeur local. »

Le prix moyen des légumes de base est de 1500 dinars (ID)irakiens par kilo (1,25 dollar US), et monte à 2000 ID (1,7 dollar US) pendant les couvre-feux.

Les salaires moyens des employés du gouvernement sont d’environ 300 000 ID par mois (250 dollars US).

Les employés de l’État retraités perçoivent 120 000 ID (100 dollars US) par mois, alors que les salaires des travailleurs varient selon le type d’emploi et selon leur employeur.

Du même auteur :

- Un nouveau Front des organisations armées se constitue en Irak
- Irak : les milices sunnites s’opposent à l’influence iranienne

15 avril 2008 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : Claude Zurbach


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