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Iraq : Jeux d’influence

samedi 26 avril 2008 - 07h:43

Abir Taleb - Al-Ahram/hebdo

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Alors que Moqtada Sadr menace d’intensifier sa lutte contre la présence américaine, les Etats-Unis tentent de gagner à leur cause les pays arabes et d’accroître leur influence pour limiter celle de l’Iran voisin.

« Des progrès vers l’unité réalisés par le pouvoir iraqien ». Ce sont les termes utilisés par la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, lors de sa visite-surprise dimanche dernier à Bagdad. Des mots qui ne semblent pourtant pas témoigner de la réalité politique et sécuritaire en Iraq, au moment où la tension entre le gouvernement et Moqtada Sadr a franchi un nouveau pas. La visite de Mme Rice s’inscrit donc avant tout comme un soutien au gouvernement de Nouri Al-Maliki, qui fait face à de nombreux défis. « L’Iraq traverse une période d’opportunités, dont il faut remercier le premier ministre (Nouri Al-Maliki) et le pouvoir iraqien uni », a lancé Mme Rice. Tout en ajoutant : « Jamais les sunnites, les responsables kurdes et ceux des chiites qui n’ont pas de lien avec les groupes spéciaux n’ont aussi bien travaillé ensemble ». La secrétaire d’Etat américaine aurait-elle donc oublié les menaces de « guerre ouverte » lancées par Moqtada Sadr ? Aurait-elle oublié que les récentes violences entre les forces de sécurité iraqiennes et américaines d’une part, et les miliciens sadristes d’autre part, sont les plus sérieuses depuis 2004, et qu’elles ont fait, depuis le 6 avril, à Sadr City, quelque 150 morts et des dizaines de blessés, en majorité des civils ?

C’est pourtant à la veille de son arrivée à Bagdad que le chef radical chiite a menacé de déclencher un soulèvement de ses partisans si les attaques des troupes américaines et iraqiennes contre son mouvement, entamées début mars, se poursuivaient. Une menace que les Américains ont défiée en poursuivant dans la nuit de dimanche à lundi leurs bombardements d’objectifs dans le quartier de Sadr City, bastion du mouvement de Sadr, tuant cinq miliciens. Samedi, l’armée américaine avait en outre annoncé la mort de quarante miliciens chiites et l’arrestation de quarante autres après que les forces de sécurité iraqiennes eurent riposté à une attaque à Nassiriyah, au sud de Bagdad.

Interrogée sur la menace de Sadr, Mme Rice s’est contentée de dire qu’il était difficile de comprendre « ses motivations et ses intentions ». Elle a en outre assuré que le jeune chef radical se trouvait en Iran, laissant entendre que la République islamique avait un rôle dans ces événements.

C’est à la suite de l’intensification des affrontements, ces derniers jours, que Moqtada Sadr, fervent opposant à la présence américaine en Iraq, a lancé sa menace. A la suite de l’appel de Moqtada Sadr à la révolte, les mosquées de Sadr City, bastion de l’Armée de Mahdi, dans le nord-est de la capitale iraqienne, ont exhorté à chasser les Américains. Selon des habitants, les haut-parleurs des mosquées ont lancé dans la nuit de samedi à dimanche : « Combattez l’occupant, chassez-le de vos maisons ».

Le commandement américain en Iraq a répondu qu’il était en mesure de parer à une offensive de la milice sadriste, l’Armée de Mahdi, qui compte quelque 60 000 combattants. Le général Rick Lynch, commandant des forces américaines, a averti que « si Sadr et (l’Armée de Mahdi) deviennent très agressifs, nous avons assez de puissance de feu pour porter le combat chez l’ennemi ».

Chercher un contrepoids à l’Iran

Le face-à-face entre les forces américaines et sadristes est donc loin d’être à son terme. Et la visite de Mme Rice avait pour objectif principal de soutenir le gouvernement de Nouri Al-Maliki. Cette visite a également un autre but non moins important. En effet, la secrétaire d’Etat américaine est arrivée en Iraq alors qu’elle était en route pour assister à une conférence internationale au Koweït, où elle est venue exhorter les voisins arabes sunnites de l’Iraq à soutenir le gouvernement chiite de Bagdad. Les Etats-Unis voient dans une mobilisation arabe plus forte en faveur de l’Iraq - notamment de la part de l’Arabie saoudite -, un contrepoids efficace à l’influence de l’Iran. Mme Rice a appelé les pays arabes à faire face à « leurs obligations » à l’égard de l’Iraq, et les a pressés de rouvrir leurs ambassades à Bagdad. « Je pense qu’il est juste de dire que les voisins pourraient faire plus pour remplir leurs obligations parce que je pense que les Iraqiens commencent à honorer les leurs », a-t-elle dit. Première avancée obtenue par Mme Rice, dimanche, le ministre koweïtien des Affaires étrangères, Cheikh Mohammed Sabah Al-Salem Al-Sabah, a annoncé que son pays avait décidé d’envoyer un ambassadeur dans la capitale iraqienne, bien qu’il ait nié tout lien avec la demande américaine.

Jusqu’à présent, aucun pays arabe n’a de représentant permanent à Bagdad. Et les hauts responsables arabes sont rares à se rendre en Iraq. L’Egypte a dit vendredi qu’elle n’enverrait pas d’ambassadeur à Bagdad tant que la situation en matière de sécurité ne s’améliorerait pas. Des activistes ont enlevé et tué l’émissaire égyptien à Bagdad en 2005. Quant à Riyad, il a promis l’an dernier d’ouvrir une ambassade à Bagdad, mais cette promesse est restée sans suite. Selon un diplomate occidental en Iran cité par l’agence Reuters, les Etats-Unis veulent exhorter les pays arabes à se montrer plus proactifs étant donné l’accroissement de l’influence iranienne en Iraq. « S’ils ne font rien, la situation en Iraq va être complètement dominée par l’Iran car l’Iran fait, lui, quelque chose », a-t-il conclu .

Du même auteur :

- "L’Etat hébreu fait monter les enchères"
- "Paroles de paix, actes de guerre"
- "Liban : au bord de l’implosion"

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 23 au 29 avril 2008, numéro 711 (Monde arabe)


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