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La vie sociale à Hébron

mardi 22 avril 2008 - 06h:27

Said Madhieh - This Week in Palestine

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Les traditions et règles sociales ont survécu à Hébron et ceci vient du fait que tous les membres d’une même famille vivent ensemble. De plus, l’éloignement de la cité en a fait une ville à l’écart du reste de la communauté arabe de Palestine.

Les vieilles maisons d’Hébron

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(photo Riwaq)

L’ensemble noueux des maisons et constructions anciennes dans la vieille vile d’Hébron - ou, pour reprendre le terme politique, dans le secteur H2 - manifeste de l’ininterruption des grandes familles. Les maisons portent les noms des familles et elles en hébergent tous les membres : grands-parents, parents, enfants et petits-enfants.

Les murs des maisons sont épais d’un ou deux mètres pour rester chauds en hiver et frais en été. Devant les fenêtres qui donnent sur la rue, il y a une grande surface appelée gandalon dans le dialecte d’Hébron. Chaque maison comporte deux ou trois étages avec un escalier intérieur en son milieu. L’aîné, le membre le plus âgé de la famille et qui est aussi le chef de la famille, loge à l’étage supérieur.

Mais comme la vie a bougé et que de nouveaux métiers et professions sont apparus, chaque membre d’une grande famille s’est mis à choisir une carrière, à gagner de l’argent et à construire sa propre maison à part où il réside avec son épouse et leurs enfants. Cela a marqué le commencement de la désintégration des grandes familles.

La maison de la famille Sharabati, dans le centre ville d’Hébron, a été habitée jusqu’en 2002. Son propriétaire, Youssef Sharabati (Abu Jajeeb) a voulu catégoriquement rester dans sa maison de peur que les colons de la colonie Abraham Avini, contiguë à sa maison, ne s’en emparent. Abu Najeeb est décédé dans sa grande vieillesse et il a lutté jusqu’à son dernier souffle pour garder sa maison. Le 29 juillet 2002, les colons ont envahi la maison, s’en sont pris physiquement à ses habitants et les ont jetés dehors. Al-Haq, une organisation pour la défense des droits humains dans les territoires occupés, a déposé plainte contre les colons et a gagné son procès en 2004, mais l’Administration civile israélienne n’a jamais voulu exécuter la décision du tribunal.

La maison de Sharabati n’est pas la seule dans ce cas, de nombreuses autres maisons ont été évacuées dans le centre ville d’Hébron et leurs habitants ont dû partir en périphérie d’Hébron pour se loger. Ces maisons portent toujours les noms de familles qui y vivaient. Certaines maisons, cependant, ont été rénovées et sont habitées par de nouveaux résidents.

Des traditions sociales

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Haj Zuhair Maraga, un notable d’Hébron connu pour ses efforts de réconciliation.

Les traditions et règles sociales ont survécu à Hébron et ceci vient du fait que tous les membres d’une même famille vivent ensemble. De plus, l’éloignement de la cité en a fait une ville à l’écart du reste de la communauté arabe de Palestine. La solidarité sociale et le népotisme restent vivants dans la communauté arabe d’Hébron et les villages environnants. Les individus, particulièrement les femmes, se sentent sous constante surveillance. Ils sont censés connaître les traditions et les respecter, à défaut ils risquent d’être mis au ban de la société. Un groupe d’hommes âgés compose une élite à Hébron, ils sont les spécialistes des lois et règles claniques ou tribales en vigueur s’agissant des conflits sociaux et des meurtres. Les décisions de ce groupe ont l’autorité judicaire et sont appliquées et vénérées par tous, jeunes et vieux. Elles sont même plus suivies que les décisions des tribunaux civils.

Là où la solidarité sociale se voit le mieux, c’est à l’occasion des banquets qui regroupent tous les membres d’une même famille, spécialement les filles mariées avec leurs époux et leurs enfants. Parmi les principaux plats servis dans ces banquets familiaux, il y a le gidra, fait de riz et de mouton cuits au four et généralement mangé avec du yaourt et de la salade ; le mansaf, du riz cuit servi sur un grand plateau et mélangé à du yaourt ; et le muskhan, du poulet et des oignons servis avec un pain spécial appelé shraq ou tabun, un pain imprégné d’huile. De plus, les gens d’Hébron sont réputés pour leur hospitalité généreuse ; ils sont heureux de recevoir des invités, arabes comme non arabes, et leur offrent assistance sans réserve.

A Hébron, les femmes se retrouvent de temps en temps ensemble pour faire des tartes aux épinards et au thym. Pour la grande fête de l’Aïd Al-Fitr, à la fin du mois sacré du Ramadan, les femmes fabriquent d’énormes quantités de ma’mul, une sucrerie spéciale faite de pâte au sésame, fourrée de dattes ou de noix. Les femmes peuvent convenir de cuisiner un plat spécial appelé mjaddara, fait de riz et de lentilles, avec de l’oignon frit. Elles mangent et discutent, ou papotent, elles amènent leurs enfants pour qu’ils mangent avec elles. Dans chaque famille, il y a une femme, entre deux âges, qui s’y connaît particulièrement en cuisine et qui sait finement organiser ces rencontres sociales et ces banquets, pour femmes uniquement. Cette femme fait office aussi de conseillère familiale pour tout ce qui concerne le mariage. Habituellement, elle promeut la qualité que ce soit pour la nourriture, les tenues vestimentaires et l’ameublement.

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Les Hébronites sont réputés pour leur hospitalité généreuse.

Le silat al-rahem (utérus ou ventre de la mère), qui signifie compassion et tendre bienveillance à l’égard des membres d’une même famille, est courant dans le gouvernorat d’Hébron, particulièrement durant le mois saint du Ramadan - à tel point que certaines personnes ne mangent pas à la maison pendant tout ce mois. Dans le monde rural, les éléments masculins de la famille invitent leurs s ?urs, leurs tantes maternelles et paternelles à manger avec eux ; en ville, cependant, l’invitation est élargie à toutes les parentes, proches et éloignées. Une autre coutume sociale liée à la nourriture est le shaabaniyyat, lequel consiste en un banquet durant le Shaaban, mois qui précède le mois saint du Ramadan.

Les rencontres entre membres d’une même famille connaissent une ambiance de bien-être, chaleureuse et intime, elles leur offrent une occasion de se rencontrer, de discuter et de partager leurs sentiments et leurs idées. Récemment cependant, du fait du grand nombre d’invités, des rencontres se sont tenues - spécialement des mariages - dans des salles publiques où des cuisiniers furent engagés.

Malheureusement, les exigences urgentes de la vie moderne ont mis fin à la spiritualité de ces circonstances et cérémonies collectives. Les banquets ne sont plus une marque de compassion et de tendresse, ils sont devenus une occasion d’étaler et de vanter son niveau de vie et de richesse. Les cérémonies de mariage montrent particulièrement ce genre de rituels snobinards et somptueux.

Les mariages à Hébron

Les cérémonies de mariages sont une obligation et, à mon avis, un obstacle au progrès et au changement social. Selon les anciens qui composent l’élite de la société d’Hébron, ces cérémonies représentent un pont qu’il ne faut pas couper. Ce pont est synonyme de coutumes sociales et nul n’a l’audace de le démolir ou de le miner, sauf peut-être les pauvres qui ne peuvent pas se le payer. Il est vrai que ces cérémonies constituent une charge financière très lourde pour les familles. La mère de la mariée tient à ce que la famille du marié prenne en charge les dépenses du mariage.

Au départ, ce sont les fiançailles qui sont annoncées dans les villes et villages voisins et auxquelles des centaines de personnes sont invitées. Un membre éminent de la famille du marié va demander à un autre membre éminent de la famille de la mariée la main de leur fille.

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Mansaf, plat traditionnel

Une fois d’accord, on lit le chapitre premier du Saint Coran ; après quoi des sucreries, des boissons et du café sont offerts aux invités. Conformément à la tradition arabe, les femmes et les hommes se tiennent dans deux salles séparées pendant la cérémonie du mariage. Les femmes portent des vêtements fantaisie et se sont maquillées, elles dansent et elles chantent. Elles restent entre elles, mangent, se désaltèrent et discutent. Peu avant la fin de la cérémonie, le nouveau marié offre le shabka, une parure de bijoux en or, à son épouse et lui passe un anneau à la main droite. Après la cérémonie de fiançailles, la famille du marié est invitée à déjeuner chez la maison de la famille de la mariée.

La veille du mariage, la famille du marié rend visite à la famille de la mariée et lui apporte diverses sucreries. C’est ce qu’on appelle la pâque. Les deux familles se restaurent et boivent ensemble. Le soir du mariage, les femmes de la famille de la mariée apportent chez le marié une valise qui contient des vêtements neufs pour la mariée. La mère de la mariée ouvre cette valise et montre les vêtements aux autres femmes. Et toutes, elles dansent, changent et mangent des sucreries.

Le jour du mariage, la famille du marié organise un énorme banquet pour tous les parents et connaissances qui sont invités. Ceux-ci arrivent généralement une heure ou deux avant le début du repas et, après manger, ils couvrent le marié de cadeaux. Plus tard, la famille et tous les invités se rendent en cortège chez la famille de la mariée et emmènent celle-ci dans son nouveau foyer.

Le lendemain du mariage, les parents et amis se présentent chez les nouveaux mariés et leur offrent des cadeaux, habituellement des bagues en or, des bracelets et des boucles d’oreilles. La mariée revêt ses plus beaux vêtements et ses bijoux en or, et le marié porte un costume. Tous leur souhaitent une vie heureuse et prospère.


Said Madhieh est membre du syndicat des Ecrivains palestiniens, au conseil d’administration duquel il a siégé. Il fut aussi membre du conseil d’administration du syndicat des Ecrivains jordaniens entre 1984 et 1994. En 1994, il revient dans sa ville natale de Halhul, dans le gouvernorat d’Hébron après l’annulation d’un ordre d’expulsion contre lui. En 2006, Mr Madhieh a publié un livre Sand in the Eyes et son prochain livre, Pioneers of Enlightenment in Palestine sortira bientôt. Il peut être joint à cette adresse : asmadhieh@maktoob.com.

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Sur les terrasses de la vieille ville, des colons israéliens ont monté des guérites
avec des hommes armés.

21 avril 2008 - This Week in Palestine - traduction : JPP


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