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Le Liban ... un cas unique

dimanche 20 avril 2008 - 08h:32

Hassan Abou-Taleb - Al-Ahram/hebdo

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Le liban constitue, depuis son indépendance, un cas unique de composition de population, d’interactions avec l’étranger, et de rôle régional.

Pendant un certain moment, il a profité avec d’autres de cette équation. Au cours d’autres périodes, il a été considéré comme un simple lieu de règlement des différends historiques. Durant d’autres périodes, comme c’est le cas aujourd’hui, le Liban a confirmé l’importance de la coexistence entre les différentes communautés, tout en s’écartant des influences étrangères. Aussi la guerre civile de 15 ans, de 1975 à 1990, a-t-elle été l’exemple de ce cas unique que représente le Liban. En effet, les Libanais ont réalisé qu’ils n’avaient d’autre choix que de coexister avec l’autre et de l’accepter, et ce, quel que soit son appartenance politique ou confessionnelle. Ce qui fut par ailleurs confirmé par l’esprit et de l’accord de Taëf.

Cependant, tout équilibre précaire s’expose soit à une évolution naturelle pacifique soit à un changement dramatique. Il revient aux responsables de choisir.

Lors des deux dernières décennies, les équations de la politique, de l’armement, et des institutions ont largement été influencées, que ce soit à la lumière de l’hégémonie politique syrienne ou après sa sortie militaire. Le changement a englobé l’aspect politique maronite, les leaders sunnites historiques, le rôle de la secte chiite ainsi que les rôles des régions et relations étrangères régionales et internationales.

Ce changement est dû à plusieurs facteurs. D’abord, la présence militaire syrienne et son ingérence directe dans les affaires libanaises. Ensuite, l’évolution du rôle de la résistance qui a mis un terme à l’occupation israélienne dans le Sud-Liban. Puis, l’évolution du rôle du Hezbollah passé d’un rôle militaire à un rôle social politique gouvernemental et d’opposition en même temps. Et enfin, le renversement des équilibres relatifs aux facteurs régionaux sur la scène libanaise elle-même. En effet, il y a trois décennies, un pouvoir iranien au Liban était inimaginable, alors qu’aujourd’hui ce pouvoir est flagrant.

Le Liban aujourd’hui doit choisir entre l’évolution naturelle pacifique et le changement dramatique. Les responsables du Liban et ses sages n’ont pas encore fait leur choix. Pourtant, le changement aura des conséquences importantes, non seulement sur le Liban, mais aussi sur tous ses voisins.

Lors de sa visite au Caire, le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a déclaré qu’il n’y avait pas de polémique sur les dimensions ou la nature de la crise que vit actuellement le Liban, ni de son lien avec les crises de la région et la montée de l’islam politique, qu’il soit lié au conflit avec Israël ou à la nature des pays arabes. Sans oublier l’influence du projet américain conservateur pour la région arabe, de ses trébuchements en Iraq et de ses heurts politiques avec l’Iran.

Selon les dires de Siniora, le caractère le plus éminent du modèle libanais est qu’il est difficile à diviser. Le destin de ses habitants musulmans et chrétiens est de vivre ensemble.

Cependant, cette concorde générale n’a pas englobé l’idée qu’il existe aujourd’hui au Liban deux projets qui se disputent son identité, son arabisme, son rôle régional, ses relations avec la Syrie et celles avec les Etats-Unis. Ce que ne partage pas Siniora, car pour lui, le terme projet signifie une vision globale. Ce qui n’existe pas au sein de la minorité ni de la majorité. Il pense aussi que l’essence du projet présenté par la minorité est que le Liban devienne dépendant de l’Iran. Ce qu’il refuse catégoriquement. Cependant, si l’Iran a désormais une emprise sur les affaires des Arabes et des musulmans, cela ne signifie nullement entrer en confrontation avec lui. Au contraire, il convient de réaliser une conciliation historique avec lui, exactement comme nous invitons à une conciliation historique avec la Turquie. Chacun de ces deux pays possède des intérêts dans la région. Il a aussi son histoire et ses craintes envers ce qui se passe chez les Arabes. Les conflits ne servent donc à rien. Il vaut mieux engager un dialogue et trouver des solutions historiques qui n’omettent les droits de personne ni ne nient les intérêts de quiconque. Selon la majorité, le plus dangereux sur la scène interne sont les tentatives d’affaiblir l’Etat. On ne peut nier que la résistance a joué un rôle important dans la réalisation du retrait israélien du Sud-Liban. Mais par la suite, elle a ?uvré à affaiblir le rôle de l’Etat. Ceci est fort dangereux, selon Siniora, car une partie qui possède des armes peut les utiliser pour modifier les équations internes au lieu de les utiliser pour combattre Israël.

Plusieurs solutions théoriques ont été avancées pour résoudre la crise libanaise. Certains ont dit que l’issue pouvait être une transaction avec le tribunal international pour le jugement des assassins de Hariri, que la Syrie considère comme un poignard brandi contre elle, pour la sortie du Liban du vide présidentiel et du gel institutionnel. Tant que la Syrie a des craintes légitimes et qu’elle a une influence directe sur la persistance de la crise, pourquoi ne pas s’entendre de sorte à opérer une éclaircie dans les deux directions libanaise et syrienne ?

Mais le Liban refuse cette issue, car cela signifierait accepter de devenir une scène d’assassinats sans que les criminels ne soient punis. Cette issue mettrait un terme à l’idée de l’Etat et confirmerait ce que disent certains, à savoir que le Liban a besoin d’un tuteur. Elle ancrerait aussi l’idée selon laquelle obtenir un gain dans une affaire régionale ou internationale ne peut passer que par le Liban qui en payera le prix sans contrepartie. Tant que la Syrie, comme le dit Siniora, insiste sur le fait qu’Israël est derrière l’assassinat de Hariri, pourquoi donc craint-elle le tribunal international ? Il est en effet étrange que la Syrie et l’Iran prennent le Liban en otage pour demander à un autre ami ou ennemi une rançon ou un autre otage.

Une autre issue a été proposée. Celle de revenir au dialogue national pour activer l’initiative arabe relative au Liban, surtout que le président du Parlement, Nabih Berri, a invité à l’engagement d’un dialogue interlibanais avant le 22 avril, date de la tenue de la séance du Conseil des députés pour choisir un nouveau président. C’est là qu’est apparu le dilemme, car le dialogue national auquel Berri avait invité auparavant était parvenu à des décisions précises. Celles-ci concernaient certaines questions vitales comme l’armement du Hezbollah et la réglementation de la déclaration de guerre contre Israël pour qu’elle soit du ressort de l’Etat. Mais ces décisions ont été mises au pied du mur plus tard lorsque deux soldats israéliens ont été enlevés dans la ligne verte. C’est pourquoi la majorité ne trouve pas de garanties à la réussite de la nouvelle invitation au dialogue, sauf si elle a pour objectif de mettre en application l’initiative arabe de sorte à choisir le général Michel Soliman comme président, puis à créer un gouvernement d’union nationale et une nouvelle loi électorale. Sinon l’initiative ne sera guère bénéfique.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 16 au 22 avril 2008, numéro 710 (Opinion)


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