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La chimère américaine ’Palestine-Israël’

dimanche 20 avril 2008 - 08h:31

Ramzy Baroud - The Palestine Chronicle

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L’Américain moyen ne naît pas « pro-Israël » et « anti-Palestinien », il croit les images toutes préparées et pourtant trompeuses d’Israël qui arrivent chez lui via la télé et il guette sur le seuil de sa porte le journal du matin...

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Pasteur John Hagee. Bienvenue à une réalité parallèle en Amérique
sur Israël et la Palestine.




Une citation inoubliable dans Tom Sawyer en voyage (1894) de Mark Twain reste d’une riche pertinence. Il écrit : « Ils sont propriétaires de la terre (Sainte), seulement de la terre, et c’est tout ce qu’ils possèdent ; mais ce sont nos amis, nos juifs et nos chrétiens, qui l’ont faite sainte, et ils n’ont donc rien à y faire sauf de la profaner. C’est une honte et nous ne devons pas le supporter une minute. Nous devrions marcher contre eux et la leur reprendre. »

Récemment, un pasteur très écouté, John Hagee, de la puissante église Cornerstone de Dallas, a accompagné son soutien au candidat républicain aux présidentielles John McCain de certaines remarques. « Ce que le sénateur McCain devrait faire, je crois, pour attirer les évangéliques dans son camp, c’est montrer très clairement qu’il est un ardent défenseur d’Israël et qu’il est fort de 24 années de lutte pro-vie [anti-avortement]. Et je pense que sur ces deux points ils se retrouveront sur le même terrain, et auront une compréhension commune. »

Telles sont les opinions d’un homme dont l’influence grandit chaque jour au sein d’une culture toujours plus étendue aux USA, le bloc des chrétiens évangéliques. Aucune référence n’est faite au bien-être des Palestiniens, même à celui des chrétiens palestiniens dont beaucoup sont des descendants de la première Eglise.

Certes, les droits humains et les besoins des Palestiniens sont rarement abordés par les officiels américains. Et les rares fois où ils le sont, le moindre soutien est aussitôt suivi d’une condamnation forte du « terrorisme palestinien ».

Bienvenue à une réalité parallèle en Amérique sur Israël et la Palestine, une double réalité éhontée dans son mépris pour le bon sens, pour l’égalité et la justice, implacable dans son simple coup d’ ?il sur le conflit israélo-arabe à travers un miroir co-fabriqué à l’Eglise, au Congrès et dans les salles de presse, où le monde se réduit à des personnages qui se donnent la réplique sur un plateau de cinéma comme à Hollywood, avec des types bien, soignés de leur personne, où souvent ceux à la peau blanche s’opposent aux mauvais garçons, mauvais parce que différents.

On peut finir par s’accoutumer en regardant, lisant et écoutant le ch ?ur des partisans que l’Amérique - ses politiciens, la plupart de ses médias dominants et un large conglomérat de ses Eglises et clergés -, inlassable, offre à Israël. Alors que les apologies en faveur d’Israël des diverses églises évangéliques sont à la fois bizarres - puisque l’ultime objectif de cette foule est d’anéantir la plupart des Juifs et d’en convertir quelques-uns comme préalables au « Ravissement » [Rapture] - et largement acceptées, leur influence sur la culture politique de l’Amérique n’est pas pareillement reconnue. Par exemple, le pasteur Hagee, un télévangeliste qui s’adresse à 99 millions de téléspectateurs, a créé l’association Chrétiens unis pour Israël (CUFI) en 2005 après la publication de son livre The Jerusalem Countdown : A Warning to the World.

L’écrivain étasunien Robert Weitzel explique : « Hagee voit le CUFI comme une version chrétienne de l’AIPAC (Comité d’Affaires publiques américano-israélien), le puissant lobby pro-Israël dont l’influence politique pèse de façon significative sur la politique étrangère US pour le Moyen-Orient. »

Le journaliste Max Blumenthal a couvert la conférence du CUFI, Washington/Israël, qui s’est tenue en juillet 2007, à Washington DC. Il en a tiré un documentaire qu’il a appelé Rapture Ready : the Unauthorised Christians United for Israel Tour. Il commence avec l’ancien chef de la majorité républicaine à la Chambre des Représentants, Tom Delay, à qui il est demandé quelle était l’importance du « Second Avènement » en tant qu’élément de son soutien à Israël : « A l’évidence, je ne vis que pour cela. Vraiment, j’espère qu’il se produira demain. Manifestement, nous avons besoin d’être lié à Israël pour profiter du Second Avènement du Christ. »

Weitzel écrit : « John Hagee n’est pas sans amis serviles à Washington. L’espoir présidentiel, John McCain, a fait un arrêt pendant sa campagne pour venir à la conférence et a reconnu devant l’auditoire : "Il est très difficile de faire le travail du Seigneur dans la ville de Satan...". Le chef de la minorité à la Chambre, Whip Roy Blunt, est monté après McCain à la tribune et a assuré aux fidèles : "C’est une mission, c’est une vision que je crois être une vision pour le moment de Dieu". Le sénateur Joe Lieberman était présent, il a décrit le pasteur Hagee comme un "Ish Elokim", un homme de Dieu. Même le président Bush a envoyé ses meilleurs v ?ux : "Je suis reconnaissant aux membres du CUFI... pour votre passion et votre dévouement en faveur de l’amélioration des relations entre les Etats-Unis et Israël. Vos efforts sont un exemple éclairant pour les autres..." ».

Alors que la plupart des politiques américains sont égoïstes, avides de pouvoir et feraient tout pour être élus, l’Américain moyen, même si on peut penser le contraire, ne naît pas « pro-Israël » et « anti-Palestinien ». La plupart des Américains croient les images toutes préparées et pourtant trompeuses d’Israël qui arrivent chez eux via la télévision, guettent sur le seuil de leur porte le journal du matin et les confrontent à celles du web. Israël a la maîtrise sur ce qui se dit dans les médias occidentaux lesquels, eux aussi, contribuent à créer une réalité parallèle qui n’a que peu de rapport avec la réalité vraie, le monde des faits, des chiffres et des évènements réels. Cet univers alternatif n’existe que sur les pages éditoriales des journaux, dans les grandes Eglises et dans les baratins des « spécialistes » de Fox News.

Il n’y a aucun débat sérieux et loyal à propos de la Palestine et d’Israël dans la sphère médiatique, ni dans tout autre cercle culturel, politique et religieux américains. S’il se trouve que l’histoire actuelle est débattue, alors, elle l’est dans un langage imaginé, non réel, presque complètement à coté des réalités de la Palestine et d’Israël, fondée pour une grande part sur une étroitesse d’esprit, dans un discours apocalyptique religieux qui, depuis des décennies, se retrouve le point de départ accepté de la plupart des politiciens, même de ceux qui se déclarent faussement des libéraux.

Entre les deux discours, celui des fantasmes absurdes des religieux et celui des flagorneries des politiciens, il y a sans doute assez de place pour un autre récit. Malheureusement, cet espace est lui aussi encombré d’idées culturelles erronées, de partis pris institutionnels et de confusions délibérées, introduits et insufflés par les producteurs de médias, les experts et autres fabricants de la culture populaire américaine.

Jusqu’à ce que les gardiens de la culture américaine ne soient sérieusement contestés, la Palestine continuera de représenter, dans l’imagination américaine, une bataille entre le bien et le mal, une « Terre sainte » qui doit être arrachée des mains de ceux ont pu en être propriétaires, à une certaine époque, mais qui « n’ont rien à y faire sauf de la profaner ».


Ramzy Barooud est auteur et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com. Il est publié par différents journaux et revues dans le monde entier. Son dernier livre : La seconde Intifada : chronique du combat d’un peuple est publié chez Pluto Press, Londres. Son site Internet avec cet article : http://www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- "Les combats dans Bassora : à peine la moitié de ce qui s’est passé"
- "Où sont les Irakiens dans la guerre en Irak ?"
- "Iran : une guerre à l’issue incertaine"
- "Big Bang ou Chaos ? Que veut Israël ?"

Sur ce sujet, voir également, sur le site de la CCIPPP :

- "Les autres évangéliques" - de Ben White - The Electronic Intifada.

18 avril 2008 - The Palestine Chronicle - traduction : JPP


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