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Honte à toi, Israël

lundi 31 mars 2008 - 06h:48

Joharah Baker - Miftah

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Mettez ensemble ces deux expressions, « sécurité israélienne » et « Hamas », et comme par magie, « la fin justifie les moyens ».

Au début de ce mois, les forces d’occupation israéliennes ont fermé le Centre d’études islamiques, dans le centre d’Hébron, au prétexte que la société caritative - qui accueille un orphelinat, une bibliothèque, une boulangerie et un centre commercial - est liée au Hamas et même en assure l’entraînement des jeunes recrues. Le centre, créé en 1962, a donné un toit à des centaines de Palestiniens défavorisés qui n’avaient personne d’autres vers qui se tourner.

Depuis le début de son activité, des boutiques, une école, des boulangeries et même des centres médicaux ont été créés par le Centre à travers la ville, répondant ainsi aux besoins de milliers d’Hébronites. Le raid de l’armée israélienne et la fermeture du Centre ont privé des enfants de toit, d’autres de leur école et des centaines de citoyens de leur entreprise et par conséquent, de leurs ressources. Non seulement, ces lieux ont été fermés par ordre militaire, mais une grande partie de leurs mobiliers ont été confisqués - ordinateurs, fichiers, réfrigérateurs, nourriture congelée, fours. Tout cela parce que le gouvernement israélien a arrêté que le Centre d’études islamiques finançait et soutenait le Hamas.

La fermeture de la zone commerciale prend effet le 1er mai, mais elle pourrait bien s’opérer dès maintenant. Ayant peu de moyens de recours juridique pour empêcher cette sinistre perspective et pouvoir gagner devant un juge militaire israélien, les commerçants palestiniens et le Centre sont conscients qu’ils ne pourront reprendre leurs activités de sitôt. Selon l’ordre de l’armée placardé sur les murs, ces institutions - y compris l’orphelinat -, ces boutiques, ces boulangeries et ces centres médicaux représentent « un danger injustifiable pour les FDI (Forces de défense israéliennes) et, à ce titre, ne peuvent continuer à bénéficier de l’autorisation d’ouverture ».

Le Centre sollicite le report de la fermeture, naturellement. L’un des dirigeants de la société, Ahmad Farrah a déclaré dans la presse : « Nous sommes une société caritative. Nous n’avons rien à voir avec la politique. Nous fonctionnons depuis 1964, avant l’occupation israélienne, l’armée israélienne et les services de renseignements ont enquêté sur nous à de nombreuses reprises et ils n’ont jamais trouvé la moindre preuve laissant supposer une quelconque activité illégale. »

Certes, ce n’est pas la première fois que l’armée israélienne fait irruption dans les sociétés caritatives palestiniennes au nom de la sécurité d’Israël, les accusant de liens avec le Hamas. Dans la bande de Gaza comme en Cisjordanie, Israël a fermé plusieurs fois des sociétés et des centres sur la base de liens avec le mouvement islamique. L’armée en a fermé aussi sur l’allégation de liens avec le Fatah et le Jihad islamique. De toute façon, quelle que soit la fréquence, c’est extrêmement inquiétant.

Le chroniqueur israélien, Gideon Levy, dans un article sur le raid dans Hébron paru dans le quotidien israélien Ha’aretz, critique sur le fond l’establishment militaire israélien pour ses allégations ridicules selon lesquelles un salon de beauté, un orphelinat ou un magasin de confection pourraient être une couverture pour les séances d’entraînement du Hamas. Cependant, il suffit de lire certains articles du Miftah pour comprendre pourquoi un comportement aussi scandaleux est accepté, et même loué, par tant d’Israéliens et de Juifs de par le monde.

« Ce Levy veut-il nous toucher pour attirer un sentiment de pitié sur ces petits Arabes, ces futurs Martyrs ? Je ne suis pas d’accord. Il existe de bien pires catastrophes, massacres, génocides et tragédies humaines dans le monde, pour gaspiller une pensée, du temps et des moyens précieux pour des Arabes qui geignent que rien n’est jamais assez bon pour eux », peut-on lire en commentaire sur un blog nommé Genuine Tosefta.

Un Juif australien projette un racisme anti-palestinien profondément ancré chez beaucoup d’Israéliens et de pro-Israéliens. Il écrit : « Je pense qu’il faudrait tout expliquer à ces enfants (sic) et leur demander s’ils ne souhaitent pas être replacés dans un foyer juif plein d’amour et de bonté, sans crainte de se voir enseigner les péchés du Hamas et de ses pareils. » Pardon, qu’est-ce que vous dites ?

Bien que l’incident soit assez atroce par lui-même, l’état d’esprit sous-jacent qui le nourrit et donne du crédit à de telles affirmations constitue la véritable menace, et pas seulement contre le Hamas mais contre tous les Palestiniens en général. Le fait qu’un orphelinat puisse être fermé en un instant, et qu’une propagande fasse tout avaler à ce propos - ce qui fait le terreau des attentats suicide du Hamas - n’est pas seulement choquant par sa nature, mais complètement incroyable chez tout auditeur moyennement intelligent, non aveuglé par les préjugés.

Mais, comme toutes déclarations, actions et mêmes idées, cette dernière atrocité ne surgit pas du néant. Israël a depuis longtemps fait le lien des « actes de terrorisme », spécialement ceux commis par le Hamas, avec l’Islam lui-même. Naturellement, cette idée a été activement portée à ébullition par la « guerre contre le terrorisme » du président étasunien George W. Bush sur le postulat « Vous êtes avec nous ou contre nous », après l’attaque du 11 septembre. Dans le monde d’aujourd’hui, l’Islam est souvent assimilé à la violence, au terrorisme et au jihad, son concept a été éreinté, sorti de son contexte, détourné et maltraité par le pouvoir en place ; un pouvoir qui a désespérément besoin de créer les Méchants de la terre à partir de l’une des plus grandes religions de l’humanité. Et naturellement, Israël n’a perdu aucune occasion pour exploiter, autant qu’il a pu, cette dichotomie nouvellement instaurée.

Un article publié sur le site de la ministre israélienne des Affaires étrangères prétend qu’il existe un lien entre l’appel de l’Islam à créer des activités caritatives et le Hamas. « Le réseau Dawa du Hamas prône les actes de terrorisme, dont les attentats-suicide, comme moyen fondamental pour arriver avec certitude à la sécurité économique dans la situation économique grave que la population palestinienne connaît actuellement, et ainsi, il encourage la perpétration de tels actes de terrorisme. »

Le Centre d’études islamiques d’Hébron continue d’affirmer qu’il n’est lié en aucune façon au Hamas, et qu’il a été créé bien avant que le Hamas ne soit même conceptualisé. Les centaines d’orphelins à qui il procure un lit douillet, des repas chauds et un enseignement ne se soucient probablement pas du mouvement islamique. Cela ne veut pas dire que certains bénéficiaires des installations du Centre, ou d’autres qui louent des magasins ne sont pas pour autant favorables au Hamas. Il y en a probablement, tout comme il y en a aussi qui soutiennent le Fatah, le FPLP, ou aucun parti, et qui ne se soucient que d’amener un chèque de paye à la fin du mois à la maison pour nourrir leur famille. Mais telle n’est pas la question, n’est-ce pas ? La question, c’est que l’armée israélienne se moque bien du petit peuple pris entre deux feux. Elle se moque bien des enfants dont le premier foyer fut détruit ou perdu, et dont le second leur est aussi arraché.

La question, c’est qu’une base dangereuse a été jetée. Mettez ensemble ces deux expressions, « sécurité israélienne » et « Hamas », et comme par magie, « la fin justifie les moyens ». La logique a filé par la fenêtre, plus de logique, simplement parce qu’Israël a réussi à montrer des photos d’Israéliens morts, de roquettes et de ces hommes inquiétants, drapés de vert, qui portent le Coran, l’Islam, et le Hamas.

Ce qu’il faut ici n’est pas de faire l’éloge du mouvement islamique, mais de faire la distinction entre le Hamas en tant que mouvement politique et l’Islam en tant que religion. Les deux ne sont pas synonymes. Les Palestiniens combattent les préjugés simplement parce qu’ils sont Palestiniens, sans s’interroger si un orphelinat pourrait être catalogué comme camp d’entraînement du Hamas sans que nul ne s’en offusque.

Pour être juste, certains ont déjà fait la distinction. Commentant l’article de Gideon Levy, un blogueur nommé Mark a simplement écrit : « FDI, honte à vous ».


Joharah Baker écrit pour le Programme Media and Information chez The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH). Elle peut être contactée ici : mip@miftah.org.

Du même auteur :

- Ce que veut Israël, Israël l’obtient - 13 octobre 2007.

- Gaza : le peuple d’abord - 28 septembre 2007.

- Pour les enfants de Palestine, l’indépendance est la seule réponse - 9 juin 2007.

26 mars 2008 - MIFTAH - Traduction : JPP


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