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Big Bang ou Chaos ? Que veut Israël ?

vendredi 21 mars 2008 - 06h:07

Ramzy Baroud

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Les plans israéliens sont régionaux, Gaza servant de banc d’essai et de cible à moindre coût que l’on peut isoler et brutaliser.

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Des secouristes évacuent une famille palestinienne dont la maison dans le camp de réfugiés de Jabalya, a été touchée par un missile israélien - Photo : Wissam Nassar/MaanImages

Pourquoi Israël a-t-il attaqué Gaza avec une telle brutalité ?

Les dirigeants israéliens ont-ils imaginé même un court instant que les attaques de leur armée pourraient arrêter et non pas au contraire intensifier les tirs de fusées ou la violence des représailles palestiniennes ? En effet, la violence palestinienne était-elle en rapport avec l’action israélienne ? La saignée infligée par Israël à Gaza était-elle seulement en rapport avec le contexte de Gaza et du Hamas, ou y a-t-il une dimension régionale qui est en grande partie occultée ?

Lors d’un débat sur la chaîne en langue anglaise d’Al-Jazeera, le journaliste israélien Gideon Lévy et le rédacteur-en-chef d’Al-Quds Al-Arabi, Abd Al-Bari Atwan, ont tenté de déchiffrer les actions israéliennes qui, depuis le 27 février, ont entraîné dans Gaza la mort de plus de 120 Palestiniens et de quatre soldats israéliens. Ces attaques ont été suivies d’incursions et d’encore plus de violence, dont une attaque sur une école religieuse juive à Jérusalem.

Lévy expliquait que le ministre israélien de la défense, Ehud Barak, avait voulu démontrer au public israélien qu’il « faisait quelque chose » au sujet du lancement régulier de fusées depuis Gaza. Tout en ne justifiant pas la logique inhumaine et mal inspirée du gouvernement israélien, Lévy était en désaccord avec Atwan quant à la terminologie utilisée. Ce dernier (lui aussi un journaliste exceptionnel) avaient affirmé que les massacres dans Gaza représentaient une forme de « génocide » et « de nettoyage ethnique ».

Les intellectuels arabes, souvent circonspects devant l’utilisation d’une certaine terminologie — puisque les susceptibilités occidentales ne supportent pas que l’on associe Israël au génocide et au nettoyage ethnique — sont devenus moins hésitants après que le ministre israélien adjoint à la défense, Matan Vilnai, ait prévenu les Palestiniens dans un interview radio-diffusée de s’attendre à « un plus grand holocauste ».

Mais la question de la terminologie mise de côté, devons-nous vraiment croire que le massacre honteux dans Gaza — une violation majeure des lois internationales et humanitaires — était censé envoyer un message en direction du public israélien, ou simplement réaliser un génocide ?

Tout d’abord, et de façon non surprenante, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a semblé ne pas avoir conscience du carnage, puis ensuite d’être neutre dans le meilleur des cas. Elle a d’abord demandé à Israël et au Hamas de cesser leur violence, puis elle a accusé lsraël de vouloir « faire dérailler » le processus de paix (quel processus de paix ?). En conclusion, et seulement après que le Vatican [soyons-lui reconnaissant] ait condamné les massacres israéliens, Abbas a annoncé la suspension de tous les contacts avec Israël.

Quelques jours plus tard, à la suite du voyage de la secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice dans la région, Abbas a tourné sa veste. Nabil Abu Rudeineh, porte-parole de la présidence, a cité Abbas comme ayant déclaré : « nous avons l’intention de reprendre les entretiens de paix avec Israël avec l’objectif de mettre fin à l’occupation ».

Au regard du prix élevé que les Palestiniens ont eu à payer lors de la tentative israélienne délibérée de provoquer un « plus grand holocauste », l’accord d’Abbas pour une reprise de ses causeries futiles avec ceux-là même qui ont ordonné la mort de tant de personnes parmi les Palestiniens est une farce, pour ne pas dire plus.

Alors que les réactions palestiniennes, israéliennes et internationales à la violence sont toujours prévisibles, ceci n’explique toujours pas le moment choisi ou les objectifs fondamentaux.

De mon point de vue, historiquement le comportement israélien, indépendamment de ses résultats, est toujours politiquement motivé et il ne manque jamais de garder à l’esprit la situation régionale.

La logique militaire d’Israël relève de deux lignes. L’une est motivée par la « théorie du chaos », l’idée que des événements apparemment mineurs s’accumulent pour avoir des effets complexes et déterminants sur les systèmes dynamiques normaux. Par exemple, Gaza pourrait avoir été attaqué avec l’espoir de provoquer une série d’attaques-suicide qui serait par la suite attribuée à un plan syrien avec financement iranien — provoquant de ce fait une épreuve de force importante au Liban. L’histoire des conflits israélo-arabes démontre combien d’invasions importantes peuvent être justifiées par des événements apparemment mineurs, tels que la guerre contre le Liban en 1982.

Mais Israël est-il capable de supporter un autre conflit au Liban après son misérable — et coûteux — échec en juillet-août 2006 ?

C’est là qu’interviennent les Etats-Unis. Alors que les attaques israéliennes font les titres importants autour du monde, l’USS Cole et deux autres bateaux — dont un navire d’assaut amphibie — faisaient route tranquillement à partir de Malte vers les rivages du Liban. Les bateaux ont été envoyés comme « démonstration de soutien à la stabilité régionale » selon des responsables de la marine américaine.

La période enthousiaste et naïve de l’administration Bush arrivant à son terme et l’engouement du public pour une guerre contre l’Iran s’affaiblissant, Israël ne peut pas se permettre de voir évoluer la situation régionale telle qu’elle se présente : un Hezbollah dominant le sud-Liban, le Hamas dominant Gaza et l’Iran devenant une puissance régionale de plus en plus considérable.

Ceci nous amène à la seconde ligne dans la logique militaire israélienne : la théorie du « Big Bang ». La logique explicite de cette théorie s’applique dans le sens qu’une guerre régionale — accompagnée de mini guerres civiles en Palestine et au Liban avec d’autres tentatives pour déstabiliser l’Iran et la Syrie, pourrait jouer en faveur d’Israël.

Les Etats-Unis ne resteraient à aucune condition à l’écart d’un tel conflit (vu ses intérêts régionaux, ses alliés et sa propre guerre en Irak). Les révélations sur le rôle sinistre joué par l’administration Bush en organisant et en voulant provoquer une guerre civile parmi les Palestiniens, montrent jusqu’où Bush est disposé à aller pour atteindre les objectifs qui sont ceux d’Israël. Encore pire, cela illustre la volonté de divers acteurs arabes et palestiniens de participer docilement aux entreprises sanglantes et coûteuses israélo-américaines.

Avec tout le respect dû à Lévy et à Atwan, je pense que le but principal d’Israël n’était ni d’envoyer un message à son public ni de commettre un génocide — bien que ce ne soient pas des possibilités à exclure. En effet, alors que les bombes pleuvaient sur les malheureux habitants de Gaza, la majorité du public israélien, selon une enquête d’opinion réalisée par l’université de Tel Aviv souhaitait que le gouvernement israélien entre en pourparlers avec le Hamas pour établir un cessez-le-feu.

Tous ces faits — comme cela est démontré par le rôle joué par les Etats-Unis et Israël dans l’instabilité au Liban, dans le harcèlement contre l’Iran, dans les provocations et bombardements israéliens en Syrie — indiquent que les plans israéliens sont régionaux, avec Gaza servant de banc d’essai et de cible à moindre coût à isoler et à brutaliser. Déjà transformé en un massif camp de concentration avec une population en grande partie affamée, Gaza fournit à lsraël le terain parfait pour envoyer des signaux de guerre aux autres acteurs de la région.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Encore et toujours le double-standard
- Abbas a besoin d’un miracle
- Fabriquer des réalités qui conviennent
- Le véritable miracle israélien...

13 mars 2008 - Communiqué par l’auteur - Traduction : Claude Zurbach


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