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La Shoah contre les Palestiniens et le discours de paix

vendredi 14 mars 2008 - 06h:04

Mohamed Salmawy - Al-Ahram

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Il est étrange qu’au moment où Israël mène une guerre d’extermination collective contre les Palestiniens à Gaza, de manière jamais vue auparavant, les grands forums culturels en Occident se précipitent pour rendre hommage à Israël à l’occasion du 60e anniversaire de sa création sur la terre de Palestine.

Ainsi avons-nous vu le Salon du livre de Paris choisir Israël comme invité d’honneur dans sa prochaine édition qui devrait commencer dans les jours qui viennent. Ensuite, ce serait au tour du Salon de Turin, la plus grande manifestation du genre en Italie, de faire de même.

Israël a l’habitude de poursuivre tous ceux qui osent le taxer de nazisme en les contraignant à s’excuser ou bien, au moins, à revenir sur cette description, considérée comme la plus grande insulte portée à son égard. Mais, le voilà, Israël qui atteint des degrés inimitables dans sa guerre atroce menée contre les Palestiniens. Il est alors devenu impossible d’embellir la situation par quelque qualificatif falsifié que ce soit. Nous avons alors vu un grand responsable israélien qui n’est autre que le ministre adjoint de la Défense, Matan Vilnaï, employer le terme Shoah pour avertir les Palestiniens de ce qui les attend à Gaza quelques heures seulement avant les attaques féroces lancées par Israël contre eux la semaine dernière.

Comment le monde entier a-t-il pu fermer les yeux sur des choses tellement évidentes, même pour les Israéliens eux-mêmes ?

Comment les Israéliens peuvent-ils utiliser des descriptions nazies comme la Shoah, à un moment où les pays supposés être amis des Arabes, comme la France et l’Italie, rendent hommage à cet Etat dont les propres responsables utilisent un vocabulaire nazi ?

Ceci est une preuve de la politique de deux poids, deux mesures dans le regard que porte l’Occident sur le Moyen-Orient. Cependant, nous ne devons pas nous exonérer totalement, d’autant qu’Israël sait parfaitement manier la langue du discours occidental. Raison pour laquelle il s’adresse à eux de manière à les convaincre en utilisant les définitions modernes de principes telles que la démocratie, la liberté et les droits de l’homme. Alors que nous avons imaginé pour de longues années, dont nous payons le prix cher aujourd’hui, que la force du discours et sa capacité à convaincre résident dans l’ampleur de la menace de tyrannie et d’extermination. Israël a alors pu se présenter en Occident comme étant l’île de la démocratie au Moyen-Orient. Bien que sa démocratie soit d’ordre sélectif, s’appliquant à un nombre déterminé d’habitants et écartant à des taux disproportionnés les juifs d’origine orientale ou bien les Arabes qui ont la nationalité israélienne. Israël, également, s’est présentée à l’Occident à l’image de l’Etat qui aime la paix et nous a laissé le soin de lancer des mises en garde devant le monde entier, utilisant la terminologie de la guerre et de la menace. Il a également su revêtir l’apparence du pays de la liberté et des droits de l’homme alors que nous avons, nous, exagéré dans la violation de ces droits.

Israël a excellé dans ce jeu, même dans les moments d’entente, de signature d’accords de réconciliation et de paix. Nous avons vu la députée à la Knesset Geula Cohen déchirer l’accord de paix conclu avec l’Egypte à la Knesset et le jeter au visage du président américain et du président Sadate, sans que cela n’embarrasse aucunement leur hôte qui était le Premier ministre de l’époque Menahem Begin, qui en a tiré profit en expliquant au président Sadate et au président américain qu’il était incapable d’ignorer l’opposition en Israël. De cette manière, il a mis un terme aux concessions qu’on lui demandait, alors que Sadate a agi totalement à l’opposé. Il a rassemblé tous les opposants à l’accord et les a incarcérés. Il a de cette manière favorisé le prétexte avancé par Begin pour ne pas faire des concessions.

Le résultat de ce contraste entre le discours arabe qui regorge de menaces, de mises en garde et le discours israélien reflétant le grand désir de faire la paix et respectant la liberté, la démocratie et les droits de l’homme a donné à Israël la possibilité de violer comme bon lui semble ces mêmes principes. Il a alors tué et causé l’exode des habitants originaires de la terre qu’il a occupée. Il a attaqué les femmes et les enfants et a cassé leurs os. A tel point qu’il serait rare de trouver un Palestinien qui n’a pas vécu l’amertume des prisons israéliennes. Aujourd’hui, ils sont 12 000 citoyens palestiniens à souffrir dans les prisons, dont la plupart sans accusation valable et vivant dans des conditions médicales et humanitaires en contradiction avec toutes les traditions et les lois internationales.

Derrière ce paravent de respect de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, Israël est parvenu à élargir le cadre de ses agressions envahissant d’autres pays de la région comme le Liban, la Syrie, et bombardant l’Iraq et détruisant leurs installations et leurs infrastructures. Mais, à tout moment, il ne s’est jamais départi de son discours humanitaire éloquent qui rehausse les valeurs de liberté, de démocratie et de droits de l’homme.

Il est temps qu’on révise notre discours politique pour nous adresser au monde dans un langage en concordance avec ces principes fondamentaux, piliers du droit international et des articles de la déclaration des droits de l’homme. Ceci sans pour autant renoncer à la politique d’affrontement et de résistance contre l’agression israélienne continue qui cible toute l’entité arabe et non pas uniquement le peuple palestinien. Car, les discours d’Israël sur la paix tout au long de plus d’un demi-siècle ne l’ont pas empêché d’aller de l’avant dans sa politique expansionniste.

Nous devons faire tomber le faux masque derrière lequel Israël cache son vrai visage devant le monde et qui s’est révélé au grand jour la semaine dernière, lorsque Matan Vilnaï a parlé de la Shoah palestinienne. Si ce terme avait été en l’occurrence employé par un responsable égyptien contre Israël, il aurait remué ciel et terre et aurait considéré cela comme une violation du Traité de paix et une déclaration de guerre. Il l’aurait d’autant plus exploité encore une fois pour affirmer l’image du petit pays qui aime la paix au milieu d’une mer agitée d’animosité arabe le menaçant de l’anéantissement si le monde n’interférait pas pour garantir sa survie. Cet Etat qui mène contre ses voisins ce qu’il ne peut en aucun cas avouer publiquement, à savoir l’holocauste nazi qu’a reconnu l’adjoint du ministre de la Défense israélien dans un moment rare de vérité.

Du même auteur :

- "La porte-parole « soviétique » du Quai d’Orsay" - 8 mars 2008.

- "Faut-il ouvrir les frontières avec Gaza ?" - 2 février 2008.

- "Une joie avortée" - 3 janvier 2008.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 12 au 18 mars 2008, numéro 705 (Opinion)


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