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Une diplomatie de l’indifférence

jeudi 13 mars 2008 - 06h:22

Chaïmaa Abdel-Hamid/Mavie Maher - Al-Ahram/hebdo

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Indifférence ou pragmatisme ? Les pays arabes n’ont réagi que faiblement aux massacres israéliens dans la bande de Gaza. Il est clair que le Hamas constitue pour eux un fardeau qu’ils n’arrivent pas à assumer.

« Le peuple palestinien vous a lancé un appel d’aide. Si vous ne répondez pas, l’Histoire n’oubliera jamais votre silence et indifférence ». C’est par ces mots qu’Ismaïl Haniyeh, le premier ministre du gouvernement, s’est adressé dans un communiqué aux dirigeants arabes. Ces derniers ont pour l’instant confié la tâche à leurs chefs de diplomatie. A l’issue d’une session ordinaire à la Ligue arabe, consacrée à la préparation du Sommet de Damas, les ministres ont répondu à l’appel palestinien par un communiqué, dans lequel ils condamnent les « crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par Israël ». Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a pris, lui, à son compte les détails : « L’agression criminelle contre Gaza démontre que la politique israélienne à l’égard du peuple palestinien relève du génocide et du nettoyage ethnique ». Pas plus. Des mots qui ressemblent à beaucoup d’autres prononcés dans des occasions similaires, où les Palestiniens étaient victimes des agressions israéliennes les plus virulentes. Peut-on leur reprocher une attitude pareille ? N’ont-ils pas tenté plutôt de surmonter leurs différends sur le Liban et montré une unité de façade pour partir à Damas assister au sommet ? La question du Liban n’est-elle pas devenue de facto prioritaire dans l’ordre du jour de la rencontre annuelle des chefs d’Etats arabes ?

Ancien diplomate et professeur de droit et de relations internationales, Abdallah Al-Achaal estime que « les Etats arabes se sont accordés à maintenir le mutisme absolu ... Un communiqué général au nom de la Ligue épargne à leurs capitales des réactions individuelles ».

En effet, aucun des chefs d’Etat arabes n’a pris la moindre réaction vis-à-vis des raids israéliens qui se sont multipliés contre la bande de Gaza, laissant des centaines de morts et de blessés. Et l’écart entre une réaction populaire et une autre officielle a été une fois de plus flagrant. La menace lancée par Israël de « mener un holocauste à Gaza » ne les a pas fait bouger non plus.

Abdel-Moneim Saïd, directeur du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, affirme pourtant qu’il ne faut pas voir une passivité quelconque dans l’attitude arabe : « Le Hamas n’a pas appelé à l’intervention arabe. Au contraire, il agit seul et annonce sa victoire ». Et d’ajouter : « Même si le Hamas avait exigé une intervention militaire de la part des Etats arabes, des décisions aussi dangereuses ne sont pas à prendre du jour au lendemain ».

C’est effectivement sur ces principes que les Arabes ont agi. Le Hamas a commis une erreur, s’est emparé du pouvoir, lancé des roquettes et devrait donc assumer les conséquences. C’est le refrain répété par Israël et les Américains aussi. Et les Arabes ne sont pas encore prêts à sacrifier leurs « relations stratégiques » avec Washington pour les beaux yeux des Palestiniens. Il faudrait peut-être voir la décision de l’Administration américaine de débloquer les 100 millions de dollars, déjà gelés, de l’aide américaine en faveur de l’Egypte sous cet angle. L’affaire ne diffère pas beaucoup avec l’Arabie saoudite, qui a aussi ses relations d’interdépendance avec l’Amérique. Cet Etat arabe est l’une des sources fondamentales du pétrole pour les Etats-Unis et qui, en échange, profite du marché énorme de l’Amérique et bien sûr d’une sécurité militaire. Ces deux cas ne sont que de simples exemples d’une attitude plus globale des pays arabes.

Les Arabes ne se sont pas contentés de ne pas prendre position contre les attaques israéliennes, ils ont en plus pris la même position des Américains et des Israéliens en accusant le Hamas d’être le déclencheur de cet holocauste. En effet, les pays arabes ont condamné la dernière opération de Jérusalem, dont le Hamas a revendiqué la responsabilité, et ne se sont pas gênés de ne pas avoir agi de même avec les attaques israéliennes. Le plus surprenant, c’est que le président palestinien, Mahmoud Abbass, a soutenu cette attitude. « Le président Mahmoud Abbass condamne l’attaque menée à Jérusalem, qui a coûté la vie à de nombreux Israéliens, et réitère sa condamnation de toutes les attaques qui visent des civils, qu’il s’agisse de Palestiniens ou d’Israéliens », a déclaré Saëb Ereqat, l’un des ses plus proches conseillers.

Al-Achaal explique qu’il existe entre Abou-Mazen et les Israéliens un accord préalable, depuis la réunion d’Annapolis pour le démantèlement du Hamas. Lors de cette rencontre américaine, les Arabes ne se sont pas opposés aux Américains et Israéliens qualifiant le Hamas d’« organisation terroriste ».

« Il est dans l’intérêt de l’Autorité palestinienne de se débarrasser du Hamas et elle le fait par le biais des Israéliens. Les dirigeants arabes ne seraient pas contre. Ce qui explique leur silence », affirme Al-Achaal. Un silence qui ne gêne presque plus. La rue arabe aurait pris l’habitude d’une inefficacité de leurs organisations, non seulement dans le dossier palestinien.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 12 au 18 mars 2008, numéro 705 (Evènement)


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