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Discours futile

mercredi 27 décembre 2006 - 07h:28

Khaled Amayreh

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Le dernier épisode de l’épreuve de force permanente et maintenant sanglante entre le Fatah et le mouvement Hamas a débuté le samedi 16 décembre, quand le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas, également chef du Fatah, a fait un discours virulent accusant le Hamas d’être responsable de la fâcheuse situation supportée par les Palestiniens.

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Une écolière se dépêche de passer devant un combattant de la force exécutive gouvernementale (proche du Hamas) dans une rue de Gaza - Photo : AFP

Parlant depuis Ramallah, dans ses locaux remis en état et devant une large assistance de responsables et de permanents du Fatah ainsi que devant un certain nombre de personnages publiques invités, Abbas a critiqué et tenté de ridiculiser le gouvernement conduit par le Hamas pour presque chaque problème rencontré sous le soleil, depuis ses principes politiques et idéologiques jusqu’à la « contrebande » de valises remplies d’argent liquide entrant dans la bande de Gaza par le poste-frontière de Rafah.

Abbas a accusé le gouvernement du premier ministre Ismail Haniyeh d’avoir rejoint l’axe Iran-Syrie-Hizbullah, mettant ainsi en danger les intérêts essentiels des Palestiniens en risquant de provoquer de dures sanctions israélo-occidentales, de ne pas maîtriser le chaos et l’anarchie dont le récent massacre d’un certain nombre de civils dans Gaza est une illustration.

Abbas a indirectement condamné la capture, il y a presque cinq mois, d’un soldat israélien des troupes d’occupation par des combattants palestiniens de la résistance, disant : « ce soldat nous a jusqu’ici coûté plus de 300 vies palestiniennes et des milliers de blessés. »

À la fin de son discours qui a duré 90 minutes, Abbas a annoncé qu’il allait demander des élections présidentielles et législatives anticipées, disant avoir demandé à l’autorité constitutionnelle d’agir en ce sens, une demande fortement contestée par la plupart de spécialistes en matière juridique.

Le président palestinien n’a pas donné de date pour ces éventuelles élections, disant toujours laisser la porte ouverte pour la formation d’un possible gouvernement d’unité nationale.

Abbas a reçu une ovation des responsables du Fatah, beaucoup étant considérés comme les ennemis jurés du Hamas et ayant depuis longtemps poussé le président à dissoudre le gouvernement et le parlement indépendamment de toute contrainte constitutionnelle.

Quelques heures après le discours, la garde présidentielle d’Abbas — financée, armée et entraînée par les Etats-Unis - s’est attaquée à des centaines de symptahisants du Hamas dans le centre de Ramallah, tuant une personne et en blessant plus de 35 autres dont 7 sont dans un état critique.

La férocité de l’attaque a mis en évidence l’ampleur de l’esprit de revanche et d’agressivité qui était celui du personnel de sécurité du Fatah à l’encontre du Hamas, lequel a accusé les policiers paramilitaires d’imiter l’armée israélienne.

L’Autorité Palestinienne a accusé les sympathisants du Hamas de vouloir organiser un rassemblement sans en avoir reçu l’autorisation préalable, certains officiers criant que « ce n’est pas Gaza, mais ici c’est Ramallah ! »
Mais la question de l’autorisation n’était qu’un prétexte, le vrai motif étant clairement d’envoyer un message aux supporters du Hamas en tabassant certains d’entre eux, probablement en retour du meurtre à Gaza la semaine précédente de trois des enfants d’un officier du Fatah responsable de la sécurité, meurtre dont le Fatah a tacitement accusé le Hamas, lequel a nié toute responsabilité.

A la suite du discours d’Abbas, et alors que les forces de police du Fatah s’acharnaient sur les supporters du Hamas à Ramallah, les dirigeants du Hamas ont immédiatement réagi, qualifiant le discours d’Abbas de « provocation » et « d’incitation à la violence ».

« Abbas nous traite de contrebandiers. Bien, les contrebandiers et les voleurs sont ceux qui ont dérobé des centaines de millions de dollars sur l’argent de notre peuple puis se sont sauvés à l’étranger, et pas ceux qui amènent de l’argent pour nourrir nos enfants affamés », a rétorqué Mahmoud Zahar, le Ministre Palestinien des Affaires Etrangères.

« Regardez ce que votre discours a provoqué à Ramallah, » at-il ajouté.

Accusations et contre-accusations se sont succédées, le Hamas assurant que l’ancien chef de la sécurité de l’Autorité Palestinienne, Mohamed Dahlan, était derrière la tentative d’assassinat contre le Premier Ministre Isamïl Haniyeh alors qu’il revenait par le point de passage de Rafah de sa tournée diplomatique la nuit de jeudi. Un des gardes du corps d’Haniyeh a été tué et son fils légèrement blessé au visage. Son conseiller politique Ahmed Youssefa a perdu un de ses doigts dans l’attaque.

Le mardi soir 19 décembre, Haniyeh a fait une déclaration réfutant point à point le discours d’Abbas. Le Hamas, dit-il, ne rejette pas « l’initiative saoudienne » comme l’affirmait Abbas. « Tout ce que nous avons dit était ?voyons si Israël l’accepte’, et si c’est le cas, alors nous suivrons le consensus arabe ; après tout nous faisons partie de la umma [nation] arabe. »

Haniyeh a aussi repoussé les accusations d’Abbas selon lesquelles le Hamas mettait en danger les intérêts nationaux palestiniens en se joignant à « l’axe » — une allusion à l’Iran. « Bien, les nations arabes et musulmanes sont notre profondeur stratégique. En outre, nous ne sommes pas avec une partie contre l’autre, et nous ne sommes dans la poche de quiconque. C’est comme cela que nous sommes supposés nous comporter avec les personnes qui nous ouvrent leurs portes, nous aident et se tiennent à nos côtés ? » demanda Haniyeh.

Qualifiant l’appel d’Abbas pour des élections anticipées d’anticonstitutionnel et d’illégal, Haniyeh a accusé le président palestinien ainsi que le Fatah d’avoir adopté une attitude hostile vis-à-vis du gouvernement dirigé par le Hamas dès sa mise en place. « Ils ont imaginé que le gouvernement survivrait un ou deux mois, et ont repoussé dès le premier jour tout ce que nous avons fait et toutes nos ouvertures. »

Il est difficile de savoir si l’appel d’Abbas à de nouvelles élections est sérieux ou s’il s’agit juste d’un moyen de faire pression sur le Hamas pour qu’il fasse plus de concessions au Fatah dans le cadre de la formation d’un gouvernement d’union nationale.

D’un point de vue légal et constitutionnel, Abbas n’a pas le pouvoir requis pour dissoudre le Conseil Législatif Palestinien, comme le relèvent l’ancien ministre de la justice Nahed Al-Rayes et beaucoup d’autres experts en droit constitutionnel.

Si on laisse de côté l’aspect constitutionnel, l’organisation d’élections anticipées serait difficile, voir impossible, dans le contexte d’absence de loi aussi bien en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza. Donc, au cas où Abbas et le Fatah insistent malgré l’opposition du Hamas, les élections aboutiraient très certainement à la fin du fragile cessez-le-feu avec Israël, et dans de telles circonstances aucun élection ne pourrait avoir lieu.

Il y a aussi la possibilité d’une cassure entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Le Hamas a déjà fait savoir qu’il boycotterait les élections. Ceci pourrait avoir comme résultat, vu que nombre d’électeurs pourraient suivre le Hamas, d’avoir deux gouvernements palestiniens, l’un à Ramallah et l’autre à Gaza, chacun se réclamant le vrai représentant du peuple Palestinien tout en étant soumis autant l’un que l’autre à l’occupation israélienne.

C’est peut-être de cela dont il est question lorsque les Américains parlent de « chaos créatif » au Moyen-Orient.
Dans le même temps, le 18 décembre, le premier ministre britannique Tony Blair visitait Ramallah et parlait avec passion du besoin de résoudre la question palestinienne et de battre les forces du radicalisme et de la terreur.

Mais alors que lui-même et Bush paraissent enthousiastes à vouloir « renforcer » les dirigeants « modérés » comme Abbas, ni les Etats-Unis ni l’Angleterre n’ont été capables de persuader Israël de lever un seul checkpoint en Cisjordanie.

Peu de gens prennent Blair au sérieux. Le Palestiniens ont une longue expérience des promesses vides de contenu et savent bien le peu d ’influence qu’à Blair sur l’administration Bush.

25 décembre 2006 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2006/825...
Traduction : Claude Zurbach


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