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« Même s’ils tuent nos sept fils, nous continuerons à combattre »

mercredi 5 mars 2008 - 07h:36

Juan Miguel Muñoz - El Païs

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Rien que dans une famille sont morts les deux parents, les deux fils et leurs épouses, tandis que deux des petits-fils sont à l’hôpital dans un état jugé désespéré.

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Bethlehem - : un jeune palestinien s’enfuit devant des tirs de grenades lacrymogènes lancées par les troupes israéliennes d’occupation - Photo : AP/Kevin Frayer

« Ils ont tué mon fils dans son exploitation agricole. Mon petit-fils a voulu courir demander de l’aide là où sont stationnées les ambulances du Croissant Rouge, et ils l’ont briblé de balles. Mon second petit-fils est ensuite sorti. Il se trouve aujourd’hui dans un état critique. Nous prions pour qu’il survive. Inshallah ». Abed Obed, âgé de 65 ans, racontait le massacre perpétré samedi dans Jabalya par des soldats israéliens.

Des dizaines de maisons sont en deuil hier dans ce camp de réfugiés, où régnaient à la fois la colère et la sérénité. Sans paraître dérangé par les bruits des hélicoptères israéliens, Abed confie : « Le Hamas doit continuer à se battre ». Et, souriant, il fait le signe de la victoire.

Jabalya a été agressé avec une cruauté extrême. Israël a menacé hier encore de davantage de frappes après une de ses incursions les plus violentes dans le secteur.

Il y a plus d’une centaine de morts dans Gaza depuis jeudi. Plus de la moitié sont des civils — dont des bébés — qui ont péri suite à des tirs ou sous les bombes de l’aviation israélienne. Rien que hier 10 combattants de la résistance et un petit enfant de 21 mois ont été abattus dans la bande de Gaza.

Les israéliens ont tué par des tirs dans la poitrine un autre garçon de 14 ans à Hebron, en Cisjordanie occupée où des manifestations spontanées ont éclaté.

Dans le centre de Gaza seul existe pour l’instant le risque de passer près d’un bâtiment qui est bombardé. Mais dans Jabalya se poursuivaient hier les opérations militaires israéliennes.

Les blindés et les snipers ont rendu infranchissable la route Saladin qui traverse le territoire du nord au sud. Les ambulances s’activaient à la recherche de davantage de victimes. Quant aux voitures, il vaut mieux les garer. Des tracts lancés par l’aviation israélienne faisaient savoir que tout véhicule qui circulait à partir de 8 heures du soir était un objectif militaire.

Bassam, âgé de 42 ans, fils d’Abed, était propriétaire d’un élevage de poulets et de pigeons dans une zone en permanence dangereuse. Il n’était pas un combattant, pas plus que son fils Mahmud, de 16 ans. « Vers trois heures du matin samedi ils ont voulu voir si quelque chose arrivait à leurs animaux. Ils ne savaient pas que les combats étaient tellement violents. Les tireurs israéliens les ont immédiatement pris pour cible », raconte Abed.

Il y a encore eu pire. Dans une famille sont morts le couple de parents, leurs deux fils et leurs épouses, et deux de leurs petits-fils sont à l’hôpital dans un état jugé désespéré.

« Regardez », ajoute Zuhair, un cousin de Mahmud, « ils nous ont volé notre pays, et même s’ils tuent nos sept fils, nous continuerons à combattre ». Ce qui s’est produit ces derniers jours eà Jabalya n’est pas nouveauté pour ses habitants. Le chagrin est mêlé de fierté. « Auparavant nous résistions contre les soldats qui patrouillaient ici. Maintenant ils t’envoient des obus. Ils ont toujours des excuses. En Cisjordanie personne ne lance de fusées et pourtant ils nous tuent. Ils ne réussiront pas à nous freiner ».

Sous la tente où vit la famille Obed, l’immense majorité sympathise avec le Hamas. Le moral ne leur fait pas défaut. Même dans les périodes encore plus amères. Et ils comptent chaque fusée que lancent les combattants palestiniens vers le sud d’Israël : plus de 40 hier contre Sderot (22 000 habitants) et Ashkelon (120 000), et pour la première fois vers la ville de Netivot (25 000), à l’est de Gaza.

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Symbole de la complicité européenne : chaleureuses retrouvailles entre Solana et le criminel Olmert

Israël ne paraît pas disposé à freiner son offensive. Le ministre de la défense, Ehud Barak, a demandé au ministère de la justice : « D’après la légalité internationale, peut-on bombarder des zones palestiniennes peuplées à partir desquelles des fusées sont lancées ? ». La question est superflue. Ils l’ont déjà fait. Un tour dans Jabalya suffit à vérifier les graves destructions sur plusieurs bâtiments. Ou il suffit d’interroger Abed.

Les Nations Unies et l’Union Européenne ont condamné les tirs de fusées et « l’utilisation disproportionnée de la force » par Israël.

Il est évident que le Hamas — agressé sans arrêt par Israël, l’Europe, les Etats-Unis, et marginalisé par les pays arabes — ignorera cet appel. Mais le gouvernement d’Ehud Olmert méprise aussi ce genre d’intervention : « Personne n’a le droit de nous juger sur nos actions pour notre propre défense ».

Ce n’est pas la conjoncture la plus prometteuse pour la mission diplomatique que le haut représentant de la politique extérieure européenne, Javier Solana, entreprendra demain.

Du même auteur :

- Comment Scotland Yard a laissé fuir un criminel de guerre israélien
- La fin de Suha, Lina et Nahed
- La guérilla souterraine du Hamas
- La paix se heurte à la dégringolade économique en Palestine

3 mars 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction : Claude Zurbach


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