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Génocide à Gaza

lundi 3 mars 2008 - 07h:13

Leila El-Haddad

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Le terme de génocide est le seul approprié pour décrire ce que fait l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

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Camp de réfugiés de Jabalya, 2 mars 2008 - Enterrement de Salsabeel Abu Jalhoum, âgée de 21 mois et tuée par un avion israélien - Photo : AP

Nous avons célébré aujourd’hui le quatrième anniversaire de Yousuf. Nous avons mangé un gâteau. Et nous avons compté les morts. Nous avons chanté « joyeux anniversaire ». Et ma mère a sangloté. Nous avons observé les avions de chasse hurler sur notre écran de télévision, pilonnant rue après rue, puis avons entendu un cri strident venant du dehors, et avons frissonné.

Yousuf a ouvert ses cadeaux, et a demandé à ma mère de faire un « zanana » de papier, un drone, pour lui ; nous étions déchirés en nous-mêmes, noyés par un sentiment d’impuissance et d’abandon, de crainte, de colère, de peine, et de désarroi.

« Nous mourons comme des poulets » m’a dit mon mari Yassine la nuit dernière alors que nous regardions la couverture médiatique des événements des derniers jours.

Même « The Guardian » (britannique), n’a mentionné les morts palestiniens, y compris les enfants, que dans le quatrième et dernier paragraphe.

Une étude faite par « If Americans knew » (si les Américains savaient) a relevé que la couverture de l’Associated Press (AP) du conflit israélo-palestinien déforme de manière significative la réalité, essentiellement quant à la façon de sur-informer sur le nombre d’Israéliens tués dans le conflit et d’occulter le nombre de Palestiniens tués.

L’étude a constaté que l’AP rend compte des décès d’enfants israéliens plus souvent que le nombre de décès lui-même, tout en ne parlant que de 85 pour cent des enfants palestiniens tués. Il y a quelques années, il a été constaté que le « New York Times » commentait sept fois plus la mort d’un enfant israélien que celle d’un enfant palestinien.

Ce n’est que lorsque le ministre israélien adjoint à la défense Matan Vilnai a utilisé le terme de « shoah » pour décrire ce qui adviendra de Gaza que quelques médias ont manifesté de l’attention. Voici donc un officiel du gouvernement israélien lui-même qui utilise le mot « holocauste », le massacre le plus terrifiant qu’a connu son peuple, pour faire référence au destin de Gaza.

Mais ce n’était pas nécessairement parce que les habitants de Gaza peuvent souffrir le même destin que ces médias se sentaient dérangés, mais plutôt par le fait que cette expression — génocide ou holocauste — puisse être employée avec une telle apparente légèreté, qu’utiliser un terme si lourd de sens puisse d’une façon ou d’une autre diminuer la véritable horreur de l’acte original.

Il est vrai que ce qui s’est produit dans Gaza — et qui continue à se produire — par les siège et blocus délibérés et permanents, ou par les meurtres sans cesse grandissants de civils, est voulu et encouragé. L’historien israélien Ilan Pappe a estimé que le génocide « est la seule façon appropriée de décrire ce que l’armée israélienne fait dans la bande de Gaza » après beaucoup de réflexion et de débats.

Mais le vrai génocide dans Gaza ne peut pas ou ne sera pas évalué par des nombres précis. Ce n’est pas un massacre commis avec des chambres à gaz. Non.

C’est un génocide lent et calculé — un génocide avec des moyens plus dosés et à plus long terme. Et si le terme « génocide » doit être employé, il doit l’être alors dans un tel contexte.

De plusieurs façons c’est un génocide plus sinistre encore, parce qu’il se déroule aux yeux de tous : tout est comme voulu dans Gaza, ce territoire dévasté, hostile et accoutumé à se battre et à survivre ; Gaza, dont le peuple est d’une façon ou d’une autre moins humain ; il ne faut pas y accorder de l’attention, il n’est pas besoin d’y prêter attention, à moins qu’il n’y ait une tuerie ou une famine.

Comme si ce qui se produit maintenant n’était pas un massacre lent et planifié, un étranglement de masse...

Mais les gouvernements et les présidents du monde civilisé, même notre propre « président » (président de quoi ?) sont affamés d’arrangements et d’accords de paix, de sommets et d’Etats. Ainsi ils disent, « laissez-les manger leur gâteau ! » [Laissons-les boire la coupe...]. Et c’est ce nous faisons.

*Laila El-Haddad est une journaliste free-lance qui vit dans la ville de Gaza. Elle a appelé son blog Raising Yousuf en reprenant le prénom de son fils âgé de quatre ans.

Du même auteur :

- Annapolis, vue de Gaza
- "Les portes closes de Gaza"
- "Voix de Gaza : où allons-nous ?"

2 mars 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/pr...
Traduction : Claude Zurbach


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