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Cisjordanie : Israël poursuit les démolitions sur des arguments bien fragiles

dimanche 24 février 2008 - 08h:08

The Sydney Morning Herald

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Toutes les colonies juives en Cisjordanie violent, d’après la Cour internationale de Justice, les Conventions de Genève, mais ces avant-postes sont aussi illégaux d’après la loi israélienne.

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Terrre brûlée... un agriculteur palestinien, Maher Amleh, se tient près d’une fosse de stockage d’eau qui a été endommagée. Israël dit que les agriculteurs ont construit sur une terre d’Etat. (Photo : Gali Tibbon)




Les agriculteurs de Beit Ula ont passé deux années à préparer leurs prochaines récoltes de fruits, de noix et d’olives, épierrant, construisant des terrasses de pierres et creusant des fosses profondes pour capter les rares eaux de pluie.

Cela a pris moins d’une journée à l’armée israélienne pour tout détruire.

« Nous les avons entendus arriver à 6 h 30 du matin alors qu’il faisait encore nuit » dit Sami al-Adam, l’un des 8 fermiers dont les terrasses ont été rasées par les bulldozers, le 15 janvier.

« Il devait y avoir des dizaines de soldats avec des jeeps et des bulldozers et, avec eux, de nombreux travailleurs philippins, ou peut-être étaient-ce des Thaïs, qui ont arraché les arbres, les ont coupés et brûlés de sorte que nous ne puissions plus les replanter ».

Quand les soldats et la police se sont retirés des lieux, dans les basses collines à la frontière de la Cisjordanie avec Israël, 6,4 ha de plantations et de terrasses avaient été arrachés et détruits aux bulldozers. Les fosses en béton étaient défoncées et débordaient de décombres. Deux ans de travail et un investissement financier de plus de 100 000 ? étaient anéantis.

Le département militaire israélien qui contrôle la Cisjordanie occupée - appelé l’Administration civile - a déclaré par la suite qu’il avait fait démolir les terrasses parce qu’elles avaient été construites illégalement sur des terrains appartenant à l’Etat israélien.

Ce fut une surprise pour les agriculteurs de Cisjordanie qui exhibèrent des documents estampillés palestinien, israélien et même turc, lesquels, disent-ils, prouvent que la terre leur appartient. Et ce fut une plus grande surprise encore pour l’Union européenne qui avait financé la part du lion dans le projet, 64 000 ?, dans le cadre d’une campagne pour améliorer la « sécurité alimentaire » de la population palestinienne.

« Nous avons été réellement bouleversés, évidemment » dit Alex de Mauny, porte-parole de la Commission européenne. « C’est un grand souci, pas seulement en termes de moyens d’existence pour les gens que nous avions essayé d’aider - évidemment c’est une catastrophe sur le plan humain, ces gens ne sont pas riches, ils vivent complètement en marge -, mais il y a la question plus large qui est de savoir pourquoi c’est arrivé, et comment nous pouvons empêcher que cela ne se produise à nouveau. »

Les comment et les pourquoi sont, comme d’habitude dans cette partie du monde, sujets à revendications grandement divergentes.

Une déclaration de l’Administration civile a maintenu l’affirmation, contrairement aux déclarations de l’Union européenne, que les Européens n’avaient pas financé ce projet. Un porte-parole de l’Administration a dit que la terre cisjordanienne en question était une terre appartenant à Israël, mais au moment de rédiger la déclaration, il faut bien répondre aux questions : comment et quand l’armée s’est-elle emparée de cette terre ?

L’Administration dit aussi que les fermiers palestiniens avaient été officiellement informés, en 2006, qu’ils construisaient illégalement sur une terre d’Etat ; compte tenu du délai de recours qui est de 45 jours, la notification de démolition était devenue définitive.

L’un des 8 agriculteurs, Mahmoud al-Adam, montre aux visiteurs un formulaire de l’armée qu’il a trouvé sous une pierre, sur son terrain, en juin 2006, lui disant qu’il serait expulsé de 2,5 ha de terre d’Etat sur lesquels il était en train de construire illégalement, et que le coût de la démolition serait à sa charge.

De telles formulaires rentrent effectivement dans les méthodes coutumières de l’armée israélienne pour notifier aux Palestiniens que leurs maisons vont être détruites et leurs terres confisquées. Mais apparemment, il n’y a eu aucun avertissement adressé aux 7 autres agriculteurs. Et le jour de l’opération, ce sont 6,4 ha de terrasses et de plantations qui ont été détruits, pas 2,5 ha.

« C’est une action de routine. Elle n’a rien de particulier. C’est une activité que nous avons tous les jours en Judée et Samarie », indique un porte-parole de l’Administration civile, utilisant les termes bibliques pour désigner la Cisjordanie. « Nous sommes très stricts là-dessus. Si vous laissez quelqu’un faire ce qui n’est pas autorisé, tous les autres le feront après lui. »

Cette rigueur semble s’appliquer à certains plus qu’à d’autres cependant. Cette semaine, le groupe israélien, la Paix Maintenant, a rapporté que des démolitions avaient eu lieu en « zone C » ; celle-ci représente les 60% de la Cisjordanie officiellement sous entière domination israélienne.

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Près de Jérusalem, en juin 2002.

Les chiffres fournis par l’Administration civile indiquent qu’en 7 ans, jusqu’en septembre 2007, près de 5 000 ordres de démolition ont été publiés contre des maisons, des constructions ou des infrastructures non autorisées de Palestiniens dans la zone C. Sur ces 5 000 ordres, 1 663 ont été exécutés, soit près d’un tiers.

Pourtant, dans la même période, 2 900 ordres de démolitions ont été publiés contre des constructions illégales par des colons juifs sur le même territoire, mais là, seuls 199, soit 7%, ont été effectivement exécutés.

Et tandis que l’Administration civile a accordé aux Juifs des permis de construire pour 18 472 logements dans ces mêmes 7 années, les Palestiniens, originaires de ce pays, n’ont été autorisés à en construire que 91.

Selon les chiffres de la Paix Maintenant, 94% des demandes palestiniennes ont été rejetés. Ce qui comprend les demandes de construction ou d’agrandissement de maisons, de réparation de routes, de canalisations d’eau, de puits ou d’autres infrastructures indispensables.

« Les chiffres parlent d’eux-mêmes » dit Hagit Ofran, observateur des colonies pour la Paix Maintenant. « Les terres des colons sont prises en charge par des fonds du gouvernement, d’urbanistes et d’autres, mais souvent les colons construisent sans permis, sur une terre d’Etat, et alors les autorités ne font rien. La loi ne s’applique pas quand il s’agit de colons... mais contre les Palestiniens, l’application de la loi se fait très efficacement. »

L’Administration civile accuse la Paix Maintenant de déformer la vérité. Selon l’Administration, la raison pour laquelle il y a si peu de permis accordés aux 70 000 Palestiniens qui vivent en zone C et tant de démolitions, c’est que la plupart d’entre eux ne déposent pas de demande de permis tant que leurs maisons ou infrastructures ne sont pas dénoncées par les inspecteurs de l’armée, et leurs demandes sont par conséquent refusées.

Tout à fait par hasard, on apprend cette semaine l’implantation de deux nouvelles colonies juives en Cisjordanie - une dans la Vallée du Jourdain et une autre qui se dit être un nouveau quartier d’Eli, une colonie juive ancienne près de Naplouse.

Toutes les colonies juives en Cisjordanie violent, selon la Cour internationale de Justice, les Conventions de Genève qui interdisent le colonialisme, mais en plus, ces deux nouvelles colonies - comme des dizaines d’autres qu’on appelle avant-postes - sont aussi illégales d’après la loi israélienne.

Elles viennent encore en totale contradiction avec la promesse d’Israël de geler l’activité de colonisation selon les termes de la « feuille de route pour la paix » de 2003 et le processus d’Annapolis de l’an dernier.

Et pourtant, les nouvelles colonies juives [deux fois] illégales, sont gardées par les Forces de défense israéliennes et déjà raccordées à l’eau, à l’électricité et au réseau routier. Cette semaine, l’Administration civile a déclaré aux journalistes que toute tentative future d’expulser les colons, ou de démolir leurs installations, relèverait de la direction politique et de la Haute Cour de justice israélienne.

« Je ne veux pas m’avancer à dire comme cela finira » a déclaré l’un de ses porte-parole au Jerusalem Post.

23 février 2008 - The Sydney Morning Herald - Traduction : JPP


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