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Gaza : au-delà du désespoir

lundi 25 février 2008 - 07h:36

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Israël et le Fatha poussent les habitants au désespoir, et sans aide en vue de la part de l’Egypte, écrit Saleh Al-Naami.

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Des soldats israéliens brutalisent des Palestiniens faits prisonniers - Photo : AFP

C’était un instant que Mohamed Youssef, n’avait jamais vécu dans toute sa carrière de 20 ans. Youssef est en charge des services d’urgence au département de la santé à Rafah, le point le plus au sud de la bande de Gaza. Ce moment sans précédent est survenu lorsque son téléphone portable a sonné à l’aube du 15 février. Il a alors appris que des gens avaient été tués et que d’autres étaient blessés et perdaient leur sang dans la zone située près de l’aéroport international de Gaza à l’est de Rafah, après que l’armée d’occupation ait attaqué le secteur et ouvert le feu dans tous les sens.

Youssef s’est retrouvé dans une situation extrêmement difficile, car pour la première fois lui et son équipe ne pouvaient pas atteindre le secteur avec leurs ambulances ; il n’y avait en effet simplement pas assez de carburant pour aller jusque là. Après un moment d’hésitation extrêmement court, Youssef et ses collègues ont utilisé des motocyclettes mises à disposition par d’autres personnes afin d’aller aider l’équipe des premiers soins à remplir ses fonctions, même de façon réduite. Après être arrivés et avoir commencé à prodiguer les premiers soins, ils ont réalisé que deux des blessés étaient morts et que trois des dix autres blessés étaient dans un état critique. Youssef a ordonné que les morts et les blessés légers soient transportés sur des chariots tirés par des ânes et appartenant aux habitants du secteur, et que ceux dans un état critique soient transportés à l’hôpital le plus proche dans des véhicules privés roulant au gaz.

Maawiya Hassanein, directeur du département des urgences au ministère palestinien de la Santé, a indiqué à Al Ahram Weekly que « 90 pour cent des 57 ambulances du ministère de la Santé sont immobilisées en raison du manque de carburant. » Hassanein prévient que cette situation menace les vies de milliers de malades, ces véhicules jouant un rôle essentiel pour sauver leurs vies.

Il précise que dorénavant il ne sera plus possible, suite au manque de carburant, que les ambulances transfèrent ceux qui auront été blessés dans des attaques israéliennes à Gaza. « Les vies des milliers de malades du c ?ur et des reins, ainsi que des femmes allant accoucher sont en danger parce que les ambulances ont cessé de rouler », dit-il, qualifiant la situation de « catastrophique ». « Le manque critique de médicaments et le mauvais fonctionnement des équipements médicaux est déjà suffisant sans devoir y ajouter cela à la liste de problèmes dont souffre le secteur de la santé dans Gaza, » ajoute-t-il avec un ton particulièrement amer.

En raison du manque de carburant, le demi-million de citoyens de Gaza est à deux doigts d’un désastre sanitaire. Le carburant nécessaire pour faire tourner les installations de traitement des eaux d’égout n’est pas disponible, ce qui signifie que les eaux usées inonderont certains quartiers, explique Imad Siam, le directeur général de la municipalité. « Si le carburant requis pour que fonctionnent ces usines n’est pas rapidement fourni, beaucoup d’habitants mourront de maladies infectieuses en raison de cette situation déplorable, » dit-il au Weekly.

Israël a cessé de fournir la bande de Gaza en carburant et livre seulement une quantité extrêmement limitée de gaz sans plomb qui remplit à peine 10 pour cent des besoins du territoire. Il a cessé également d’assurer la fourniture de diesel, alors que les ambulances roulent au diesel. Les réserves de diesel que des Palestiniens ont achetés lorsque la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte était ouverte sont maintenant épuisées. Les voitures roulant sur les routes de Gaza sont soit des taxis fonctionnant au gaz sans plomb, qu’Israël laisse entrer en petite quantité, soit au gaz destiné à la cuisson.

N’importe qui traversant les marchés de Gaza ces jours-ci notera très vite que la plupart des marchandises achetées par les Palestinians alors que la frontière avec l’Egypte était ouverte ont été épuisées. Un signe tangible que ces marchandises sont parties est le nombre grandissant d’ateliers se spécialisant dans les réparations de vieilles chaussures. Sans nouvelles chaussures disponibles, les Palestiniens dont les chaussures se sont usées doivent aller la plupart du temps dans ce type de boutique pour les faire réparer.

Omar Shaaban, un économiste connu, soutient que la situation actuelle prouve que l’ouverture de la frontière avec l’Egypte était une solution à cette situation économique critique dans Gaza. La solution, dit-il, se situe dans une ouverture officielle et générale des frontières, de sorte que fonctionnent les échanges commerciaux entre Gaza et l’Egypte par l’intermédiaire de la frontière de Rafah, bien que ceci ne puisse pas remplacer les liens économiques entre Gaza et Israël. « Les Palestiniens ne peuvent pas actuellement faire vivre leur économie nationale sans qu’ell soit raccordeé à l’économie israélienne, » dit-il au Weekly.

Mais tous les indicateurs suggèrent qu’il n’y a aucune solution en vue, au moins dans un avenir proche. La délégation du Hamas menée par Mahmoud Al-Zahar et qui a récemment rencontré dans Arish des responsables égyptiens de la sécurité n’a pas réussi à conclure un accord sur les échanges commerciaux entre la bande de Gaza et l’Egypte. En dépit des communiqués optimistes venant des dirigeants du Hamas à la suite de la réunion, des sources dignes de foi ont indiqué au Weekly que la réunion n’a abouti à aucun résultat sur aucune question, les responsables égyptiens insistant pour lier n’importe quel changement de la situation à la frontière à un accord palestinien interne sur cette question. Et cela ne se produira pas avant longrtemps en raison de l’abîme béant entre la position du Hamas et celle du président palestinien Mahmoud Abbas.

Comme si ces problèmes ne suffiisaient pas à faire souffrir les habitants de Gaza, le gouvernement de Ramallah lui-même, sous la conduite de Salam Fayyad, a rendu insupportable la vie de dizaines de milliers de fonctionnaires palestiniens en refusant de verser leurs salaires. La raison invoquée est que ceux-ci aient été nommés soit à la veille de la victoire du Hamas aux élections législatives soit dans sa foulée. Alaa Al-Batta, dirigeant du syndicat des employés de l’Etat dans les territoires de l’Autorité palestinienne, explique que le gouvernement de Fayyad a cessé de verser les salaires de 40000 fonctionnaires, 20000 d’entre eux étant des soldats dont le gouvernement d’Ahmed Qurei avait ordonné l’intégration dans les agences de sécurité de l’Autorité palestinienne en 2005. Ils ont continué à travailler pendant la première période du gouvernement du premier ministre Ismail Haniyeh, et par conséquent le gouvernement Fayyad a décidé de ne plus payer leurs salaires, quoique la majorité d’entre eux soit affiliée au Fatah.

« Nous nous sommes tournés vers un certain nombre d’avocats dans Ramallah pour défendre un recours contre le gouvernement de Fayyad devant la cour suprême, mais nous avons été surpris de voir les avocats avec qui nous étions tombés d’accord au début revenir sur leur parole après qu’ils aient eu des menaces de la part agences de sécurité du gouvernement de FAyyad », a-t-il encore expliqué devant le Weekly. Al-Batta affirme que les actes de gouvernement de Fayyad contre les Palestiniens dans la bande de Gaza sont encore plus « criminelles » que celles du gouvernement [israélien] d’occupation.

Le gouvernement de Fayyad a défendu ses mesures, disant que tout fonctionnaire qui avait agi « contre la légitimité palestinienne » avait été écarté. Ibrahim Abrash, le ministre de la culture dans le gouvernement de Fayyad a dit de son côté que « le renvoi de fonctionnaires n’a pas été limité à ceux affiliés avec Hamas, mais plutôt à toute personne engagée dans une activité en contradiction avec la légitimité du Président Abu Mazen. »

Il a ajouté que les concernés pourraient faire appel devant la justice s’ils estimaient avoir été lésés. En ce qui concerne la relation entre les agences de sécurité et la suppression des salaires des fonctionnaires, il a précisé : « il n’y a aucune relation dans le sens vrai du terme, mais les agences de sécurité dans chaque pays veillent à la fidélité des fonctionnaires vis-à-vis du régime en place, et si on estime que certains des fonctionnaires ont des activités qui affaiblissent le pouvoir et menacent sa sécurité, des rapports sont établis à leur propos. »

Salah Al-Bardweil, porte-parole du groupe parlementaire du Hamas au Conseil Législatif Palestinien, soutient que l’action du gouvernement de Fayyad s’inscrit dans les plans concoctés par Israël, les Etats-Unis, et quelques acteurs de la région pour faire empirer la situation dans la bande de Gaza et provoquer l’effondrement « du gouvernement légitime ». « Ils rêvent, » dit-il au Weekly. « Le régime politique palestinien dans sa forme courante est le résultat de la volonté populaire et aucune pression militaire ou économique ne peut changer cela. Au contraire, l’effet serait plutôt de rassembler les gens autour du Hamas et de son gouvernement. »

Le plus d’un million et demi de Palestiniens vivant dans la bande de Gaza souffrent sans qu’il y ait une limite en vue et s’attendent uniquement à ce que cela empire. Il est certain que toute cette souffrance n’a pas produit les résultats escomptés par ceux qui sont à l’initiative des pressions militaires et économiques à l’encontre des Palestiniens. Le Centre Palestinien de recherche et d’enquêtes politiques dirigé par Khalil Shikaki a récemment annoncé que les résultats d’une enquête démontrant que le support dont bénéfice le Hamas a augmenté parmi les Palestiniens, et que beaucoup d’entre eux placent maintenant plus leur confiance dans le premier ministre « démissionné » Ismail Haniyeh que dans le président Abu Mazen.

Du même auteur :

- Une aube nouvelle ?
- Ténèbres, famine et mort imminente
- Abattre les murs de la prison
- Feu vert américain pour de nouvelles atrocités

22 février 2008 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/885...
[Traduction : APR - Info-Palestine.net]


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