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Aux Portes de Gaza

vendredi 1er février 2008 - 06h:17

Nurit Peled-Elhanan

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Ces mots sont dédiés aux héros de Gaza qui ont prouvé une fois de plus que ce ne sont pas des murs fortifiés qui peuvent emprisonner l’esprit libre de l’humanité et que la violence ne peut assujettir la vie.

L’appel pour aller aujourd’hui aux portes de Gaza (voir article de Michele Giorgio, NDT) à l’apogée du pogrom mis en acte par les gangsters de l’armée d’Occupation contre les habitants de la Bande de Gaza vient terriblement faire écho à cet autre appel qui avait été lancé vers le monde impassible il y a plus d’un siècle maintenant.*

26 janvier 2008

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Nurit Peled-Elhanan

« Lève-toi et va maintenant dans la cité du massacre
ton chemin prendra fin dans ses cours
et tu palperas de tes mains, et tu verras de tes yeux
cherche sur l’arbre, la pierre, la barrière et l’argile des murs le sang éclaboussé et les cerveaux desséchés de la mort ».

Que peut-on penser quand on se tient devant les portes de Gaza ?
Seulement ceci :

« Là, dans le coin morne, dans l’ombre du recoin
des yeux innombrables regardent »

Que pouvons-nous imaginer aujourd’hui quand nous sommes devant les portes de Gaza, si ce n’est

« un bébé, près de sa mère étendue, près de sa mère transpercée
pauvre poussin trouvant le repos sur le sein froid et sans lait de sa mère,
Comme un poignard, le mot du nourrisson a été coupé en deux
Son MA a été entendu, son MAMAN jamais,
O ! même à présent son regard me demande des comptes

Et que pouvons-nous dire à cet enfant, qui nous demande des comptes - à nous qui sommes devant les portes de Gaza, impuissants ? Que lui expliquerons-nous à lui et aux autres enfants affamés et malades, enfermés dans ce terrible ghetto, entourés de barbelés, que pourrons-nous dire aux nouveaux-nés dont les vies ont été étouffées dans des couveuses avant même qu’elles ne commencent, ces vies, parce que l’Etat des Juifs a coupé le flux d’oxygène ? Que pourrons-nous dire aux mères qui vont en quête de pain pour leurs enfants dans les rues de Gaza, et que pourrons-nous nous dire à nous-mêmes ? Seulement cela : soixante ans après Auschwitz, l’Etat des Juifs enferme un peuple dans des ghettos et l’assassine par la faim, l’asphyxie et la maladie.

Lasse, épuisée, la sombre Shekhina *
court dans chaque recoin sans trouver de repos.
Désirerait pleurer ? mais pleurer ne vient pas.
Elle voudrait hurler... mais comme sourde et muette,
Sa tête sous son aile,
et son aile étendue au-dessus des ombres des martyrs morts,
ses larmes dans l’obscurité d’un hangar de silence.

Parce qu’aujourd’hui, tandis que nous sommes aux portes de Gaza, nous restons sans voix, sans mots et sans actes.
Il n’y a pas de Yanosh Korczak parmi nous qui protègera et sortira les enfants du feu. Il n’y a pas de Justes* (Righteous Gentils) qui risqueront leur vie pour sauver les victimes de Gaza. Nous nous tenons là, désespérés et misérables, devant les portes de l’enfer, et obéissons aux lois racistes qui ont tenu nos vies sous contrôle et nous sommes, nous tous, impuissants.

Quand Bialik écrivit
« Satan n’a pas encore créé Vengeance pour le sang du petit enfant »

Il ne pensait pas que cet enfant serait un enfant Palestinien de Gaza et que ses bouchers seraient les soldats de la Terre d’Israël.

Et quand il écrivit :

Laissez le sang transpercer l’abîme
Laissez le sang s’infiltrer vers le bas dans les profondeurs de l’obscurité,
laissez-le travailler, là, dans l’obscurité, et ouvrir une brèche dans toutes les entrailles de la terre.

Il n’imaginait pas que ces entrailles seraient les entrailles de la Terre d’Israël. Que l’Etat Démocratique et Juif d’Israël qui utilise l’expression « sang sur les mains » pour justifier son refus de libérer des combattants de la liberté et des leaders pacifistes, nous plongerait tous jusqu’au cou, jusqu’aux narines, dans le sang de bébés innocents, jusqu’à ce que chacun de nos souffles ne renvoie des bulles de sang dans le ciel de la Terre Sainte.

Et moi ? mon coeur est mort,
plus de prière sur mes lèvres

Toute ma force a disparu et il n’y a plus d’Espérance

Jusques à quand ?

Combien de temps encore ?

Jusques à quand ?

* Les poèmes "City of Slaughter" et "On Slaughter" ont été écrits par le poète juif Haim Nahman Bialik en hommage aux victimes du pogrom de Kishinev, en 1903, Russie.

Traduit de l’anglais par Marie-Ange Patrizio, Roseline Derrien, et l’aide de Jean-Luc Mercier et Jean Bricmont, Michel et Nadine Ghys. On trouvera une version française du poème cité par Nurit dans le livre de H. Bialik « Un voyage lointain », poèmes traduits de l’hébreu par Ariane Bendavid, Ed. Stavit, 2004.

Janusz Korczak : http://fr.wikipedia.org/wiki/Janusz...

*Shekinah : présence divine

Photo : M-A Patrizio

Version française publiée sur : http://www.millebabords.org/spip.ph...


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