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Faut-il ouvrir les frontières avec Gaza ?

samedi 2 février 2008 - 05h:44

Mohamed Salmawy - Al-Ahram/hebdo

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"Une mesure pareille ne mettra-t-elle pas fin à la souffrance des Palestiniens de Gaza ?"

Pourquoi l’Egypte n’ouvre-t-elle pas effectivement ses frontières avec Gaza ? Ainsi nos frères palestiniens entreront-ils à Rafah et à Al-Arich pour obtenir non seulement leurs besoins alimentaires, comme il est arrivé la semaine dernière lorsque la frontière a été levée pour une certaine période, mais également pour chercher, s’ils désirent, des opportunités de travail qu’ils ne trouvent pas sous l’embargo imposé par les forces de l’occupation sioniste, ainsi que le logement et la résidence permanente.

N’est-ce pas l’Egypte qui est la grande s ?ur qui se soucie des problèmes des Arabes et qui considère la Palestine sa cause primordiale ?




Tel était l’un des thèmes débattus lors de la rencontre qui a eu lieu entre le ministre palestinien de la Culture, le Dr Ibrahim Ibrach, et les membres de l’Union des écrivains d’Egypte, il y a quelques jours, au siège de l’union à Zamalek. L’un des interlocuteurs lui a posé la question suivante : Une mesure pareille ne mettra-t-elle pas fin à la souffrance des Palestiniens de Gaza ? La réponse du ministre palestinien était claire et sans aucune équivoque. Il a rétorqué : Cette mesure impliquerait la fin de la souffrance quotidienne, mais également la fin du rêve de l’Etat palestinien à Gaza et en Cisjordanie. D’autant plus que l’ouverture des frontières relierait, il est vrai, l’Egypte à Gaza, mais elle romprait définitivement tout lien avec la Cisjordanie.

En se prononçant ainsi, sans doute, le Dr Ibrach était conscient du plan qui était esquissé depuis quelques temps pour éloigner l’intérêt des Palestiniens de la Cisjordanie et pour les implanter dans le Sinaï à travers la bande de Gaza. C’est le plan qui a remplacé celui qui prévalait avant le retrait des forces de l’occupation du Sinaï. On répétait que puisque la Jordanie était l’Etat des Palestiniens, pourquoi donc bâtir un second Etat ? La majorité des habitants de la Jordanie n’étaient-ils pas des Palestiniens ? Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et la conjoncture a changé. La Cisjordanie n’est plus ce qu’elle était il y a plus de 20 ans lorsqu’on s’attendait, une fois que le retrait aurait eu lieu, qu’elle formerait avec la Jordanie l’Etat palestinien visé. Aujourd’hui, le nombre des colonies juives se multiplie en Cisjordanie et dépasse même celui des villes palestiniennes, à tel point qu’il paraÎt - selon le ministre palestinien - que les Palestiniens sont les colons dans une terre à haute densité juive.

Cette situation laisse entendre que l’embargo imposé actuellement à Gaza, a d’autres objectifs allant au-delà d’une simple sanction imposée aux Palestiniens pour avoir lancé des roquettes contre Israël. L’objectif est d’isoler Gaza, non pas seulement d’Israël, mais aussi de l’autre poumon du corps palestinien, à savoir la Cisjordanie. Ainsi, les seules frontières de l’Etat palestinien sur lesquelles s’appliquent les conditions déterminées par Bush seraient Gaza. De notre côté, nous avons été réjouis de sa proposition sans en avoir percé la visée. Il a par exemple mis l’accent sur la nécessité que les territoires de l’Etat palestinien visés doivent être sans discontinuité. Gaza est en fait un territoire fait de continuité. Bush visait-il par ces propos Gaza ? Savait-il qu’à l’issue de sa visite, Israël appliquera ce plan et isolera Gaza de la manière dont nous avons témoigné les derniers jours ?

L’un des obstacles s’opposant à ce scénario est le fait que l’émotion palestinienne à Gaza continue à avoir un penchant vers la Cisjordanie, où se trouvent Jérusalem, Bethléem, la Galilée, Haïfa, Jaffa et Ramallah, là où l’on retrouve les oliviers et les orangers et là où coule le Jourdain. Comment serait-il possible d’orienter la loyauté palestinienne en direction de l’Est ? Serait-ce en encerclant Gaza, en affamant les Palestiniens et en coupant le gaz et l’électricité ? Ensuite, il serait question d’ouvrir ses frontières avec l’Egypte, ainsi la foule de Palestiniens affluera vers Rafah et Al-Arich, et de ces deux destinations vers le reste des villes du Sinaï qui leur serviront de résidence. De cette manière, ils auront bâti le début de l’Etat palestinien auquel ils aspirent.

Je n’ai pas besoin de faire un commentaire sur cette conception naïve. Il est d’ailleurs étrange qu’elle émane de ceux qui connaissent bien la valeur de l’attachement à la terre et qui ont refusé l’établissement de leur Etat juif sur le lieu qui leur a été proposé en Afrique, confirmant leur attachement uniquement à « la terre promise ». Mais il semble que l’occupation colonialiste avec tout ce qu’elle incarne d’avidité expansionniste leur a caché les vérités inéluctables. Cependant, nous ne devons pas compter sur le fait qu’un tel objectif est irréalisable. C’est-à-dire celui d’inciter les Palestiniens à renoncer à la Cisjordanie. Nous devons traiter avec ce constat et nous devons tenir à le contrecarrer.

A titre d’exemple, le fait de dire que Gaza et la Cisjordanie sont liées signifie-t-il qu’elles ne sont pas séparées ? En réalité, elles sont dissociées à présent, et ce n’est pas l’occupation israélienne uniquement qui en est la cause, mais les pouvoirs palestiniens rivaux. Seul le peuple palestinien est en train de payer le prix de cette séparation entre le pouvoir du Fatah en Cisjordanie et le gouvernement du Hamas à Gaza.

Le peuple palestinien a fait preuve de génie, en élisant un président négociateur qu’est Mahmoud Abbass et un Parlement résistant représenté dans le Hamas. Mais aucun des deux n’a réalisé la portée de ce message et chacun à sa manière s’est imaginé être l’unique élu, a essayé de s’accaparer le pouvoir et a considéré que la présence de l’autre était illégitime. C’est dans ce contexte que la lutte intestine palestinienne a eu lieu. Et Israël ne voulait pas plus. Le rêve palestinien est maintenant dans une impasse dont l’issue la plus dangereuse serait celle de lui ouvrir une nouvelle voie non pas vers Jérusalem et la Cisjordanie mais vers Rafah et Al-Arich.

Du même auteur, sur Al-Ahram/hebdo :

- "Une joie avortée" - 3 janvier 2008.

- "Attentats du 11/9 : la découverte dangereuse de Cossiga" - 27 décembre 2007.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 30 janvier au 5 Février 2008, numéro 699 (Opinion)


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