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« L’autoritarisme repose sur la corruption et la cooptation »

samedi 19 janvier 2008 - 07h:52

Madjid Makedhi - Abdellah Hammoudi

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Les régimes autoritaires dans le monde arabe reposent sur des fondements largement similaires. Leur structure est la même : « L’Etat est en dehors de la société, il utilise l’armée contre la société et il se retrouve parfois en face-à- face avec l’armée. »

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Le professeur Abdellah Hammoudi

C’est ainsi qu’a résumé Abdellah Hammoudi, anthropologue marocain et professeur à l’université de Princeton University (USA), la problématique posée par Les Débats d’El Watan relative « aux fondements culturels des pouvoirs autoritaires dans le monde arabe ».

Cette rencontre, organisée jeudi dernier à l’hôtel Essafir d’Alger, a drainé, comme d’habitude, un public nombreux, avisé et avide de ce genre de débats libres et constructifs.

Le conférencier a expliqué, durant plus de quatre heures de débat, l’origine et les bases sur lesquelles sont fondés et reposent encore « les pouvoirs autoritaires dans les pays arabes ».

Selon lui, « le soleil des indépendances », qui a brillé à la fin des années 1950 et au début des années 1960 sur la majorité des pays colonisés, en particulier ceux du Maghreb, n’a pas satisfait « les aspirations de liberté » ayant mobilisé les populations pendant la lutte pour la libération. Le maintien des pouvoirs autoritaires s’est fait en deux phases.

Le premier tournant, selon le professeur Abdellah Hammoudi, est l’installation des régimes autoritaires qui ont pratiqué des politiques contraires aux aspirations des populations. « Que ce soit en Algérie, au Maroc et en Tunisie, la période allant de 1965 à 1970 est caractérisée par la démobilisation des sociétés par la force, la corruption et la cooptation », souligne-t-il.

Arc-boutés sur « l’importance de leur discours », ces régimes, précise-t-il, ont procédé à l’effacement de l’écoute dans la société. « Ils n’ont pas seulement effacé l’écoute de la société à l’égard du pouvoir, mais surtout l’écoute dans la société elle-même », ajoute-t-il.

Les structures autoritaires, enchaîne-t-il, ont tendance à briser tous les liens sociaux et diviser la société. « C’est ce que l’on appelle l’isolement dans la foule ayant pour but de mettre en place un système de négociation occulte », lance-t-il.

« Le trucage des élections et le refus de la diversité »

Les années 1980 ont donné naissance, selon l’anthropologue, à une nouvelle manière d’autoritarisme. Confrontés à une crise sociale accentuée, les régimes arabes ont adopté d’autres procédés pour se maintenir au pouvoir.

Il s’agit d’abord du recours au trucage des élections qui sont organisées pour présenter un semblant d’ouverture au sommet. Une ouverture qui n’est pas synonyme de démocratisation, puisque, estime encore l’orateur, le centre de décision politique demeure inconnu. « Généralement, avec ces gouvernements de l’ombre, le cercle du centre du pouvoir est fermé et la décision politique est concentrée entre les mains d’un seul homme ou d’un groupe de personnes », soutient-il.

Outre cette pratique, les régimes autoritaires ne permettent pas la naissance d’une société civile en mesure de porter la revendication démocratique de la population. Par manque de moyens, la société civile, si elle existe, n’a aucun pouvoir de contrôle sur les institutions. « En revanche, l’Etat domine la société », dit-il, en précisant que cette dernière « a aussi sa part de responsabilité dans la pérennité des régimes autoritaires ».

Par souci de conformisme, ces régimes, dira encore Abdellah Hammoudi, rejette la diversité culturelle et « impose ses coutumes à la société ». « Dans ces régimes, c’est l’Etat qui définit les coutumes de la société et non pas cette dernière qui choisit ses us », fait-il savoir en prenant pour exemple le rejet durant longtemps, par le pouvoir en Algérie, de l’identité berbère portée par la région de Kabylie. Le dernier élément utilisé par les régimes autoritaires arabes est le monopole de la connaissance.

En décourageant les élites, ces pouvoirs, précise encore le conférencier, ont détruit l’université et l’école.

L’intervention a suscité de nombreuses questions chez l’assistance qui veut savoir s’il y a une issue à cette situation. La société peut-elle enclencher la réforme et imposer le changement ? Pour Abdellah Hammoudi, la société ne pourra pas innover et inventer si elle ne jouit pas d’une autonomie. « On ne peut pas réformer sans avoir une autonomie », tranche-t-il.

La société civile qui joue le rôle d’intermédiaire entre l’Etat et la société doit, insiste-t-il, être autonome à la fois par rapport au pouvoir, aux partis politiques et aux syndicats.

19 janvier 2008 - Les débats d’El Watan - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elwatan.com/spip.php?pag...


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