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Intérêts US : Bush essaie de limiter la casse

samedi 19 janvier 2008 - 06h:38

Marwan Bishara

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Si vous voulez comprendre pourquoi George Bush, président des Etats-Unis s’est rendu au Moyen-Orient et ce qu’il essaie d’y faire, relisez les recommandations de la commission Baker-Hamilton de décembre 2006 ; soustrayez celles qui ont été mises en ?uvre depuis, et il vous reste la liste des tâches indispensables à accomplir dans cette région troublée.

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Bush tente de mettre en oeuvre les recommandations du "Iraq Survey Group" - Photo : Gallo/Getty

La visite de Bush en Israël et dans les territoires occupés dénote son intention de continuer à appliquer les recommandations du Groupe d’étude sur l’Irak (ISG) , bien que lentement, superficiellement et parfois maladroitement pour donner une impression d’audace et de cohérence.

Néanmoins, plus d’un an après sa publication, le rapport qui donne à réfléchir du groupe bipartisan de l’ISG reste pour l’administration la seule voie de sortie du bourbier moyen-oriental ;

Parmi les 79 recommandations du rapport se détache celle qui concerne la préparation des forces irakiennes à l’autonomie afin que les troupes états-uniennes puissent se retirer. Le rapport plaide aussi en faveur d’une participation régionale constructive de la part des voisins de l’Irak et d’un sérieux effort pour résoudre la question palestinienne.

Cela, aucun membre de l’administration Bush ne l’a mieux compris que Robert Gates, membre de l’ISG et Secrétaire à la défense.

Depuis qu’il a succédé à Donald Rumsfeld en novembre 2006, ce « réaliste politique » aux commandes du Pentagone a mis en pratique les propositions de la commission sans les nommer et conformément au modus operandi, au calendrier et aux priorités de l’administration.

Stabilité en Irak

La première recommandation que Gates a mise en ?uvre - celle de l’augmentation des troupes - recueillait le moins de suffrages.

L’ISG « rejetait » un accroissement des troupes ; il appuyait une « augmentation des troupes de combat américaines afin de stabiliser Bagdad ou d’accélérer la mission de formation et d’équipement » si les généraux le jugeaient nécessaire.

Les auteurs de l’ISG estimaient qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit irakien et recommandait donc fermement que l’administration insiste davantage sur les solutions politiques « de manière à ce que les groupes mécontents (plus précisément les Sunnites) soient incorporés au processus politique irakien ».

L’administration a convaincu le gouvernement irakien de s’engager à atteindre une série d’objectifs, à savoir : la constitution d’une meilleure armée, la fin de la violence sectaire et l’adoption d’une répartition équitable des recettes pétrolières, entre autres.

Elle a aussi insisté sur le fait qu’elle n’a envoyé de troupes supplémentaires qu’après la promesse du gouvernement irakien de changer « fondamentalement » de politique.

Entretemps, le progrès des relations entre l’armée américaine et un certain nombre de tribus sunnites de l’opposition a conduit la Maison blanche à faire pression sur le gouvernement du Premier ministre, Nuri al-Maliki, contrôlé par les Chiites, pour qu’il opère une ouverture.

Toutefois, en l’absence de réconciliation politique avec les groupes ethniques irakiens qui deviennent mieux armés et plus sectaires, une guerre civile totale devient plus probable que jamais.

Stabilité régionale

L’ISG a aussi précisé qu’une conciliation a plus de chances de réussir si l’on passe par une offensive diplomatique régionale qui pourrait enrayer et résoudre les conflits en Irak.

Toujours au sujet de l’Irak, l’administration Bush a déjà participé à trois entretiens d’échelon moyen réunissant des représentants d’Iran, de Syrie et de Turquie ainsi que d’autres puissances régionales et internationales.

Bien que l’administration ait contribué à amener les pays en question à la table de négociation, la Secrétaire américaine d’Etat, Condoleezza Rice, a étonnamment soutenu que c’était l’Irak et non pas les Etats-Unis qui avaient demandé la réunion.

Néanmoins, et malgré le récent incident naval dans le Golfe Persique, les officiels américains et iraniens ont semblé plus conciliants depuis quatre semaines que durant les quatre dernières années.

Pour leur part, les généraux états-uniens déclarent que l’Iran coopère davantage en matière de sécurité dans le but de restreindre la contrebande d’armes et de combattants et de maîtriser des groupes armés tels que l’Armée du Mehdi de Moqtada al-Sadr.

La « guerre psychologique » menée par Washington sous forme d’un renforcement militaire ou d’une « diplomatie de la canonnière » dans le Golfe Persique n’a peut être pas dissuadé l’Iran d’arrêter son programme d’enrichissement d’uranium, mais elle a persuadé Téhéran de faire un geste positif à l’adresse de Washington

...Commencer par l’Iran

Le Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a fait preuve de modération dans sa conférence de presse du 11 décembre quand il a appelé à un dialogue avec Washington et qu’il s’est abstenu de ses habituelles diatribes anti-américaines et anti-israéliennes.

Washington n’a pas découragé la participation de Mahmoud Ahmadinejad au sommet du Conseil de coopération du Golfe à Doha au début décembre 2007 ; cette participation qui a été suivie d’une invitation au Pèlerinage de la part des Saoudiens.

L’obstacle nucléaire iranien étant en grande partie déblayé grâce aux conclusions (fortuites ?) de l’Estimation américaine des Renseignements (NIE), selon lesquelles la menace imminente que représentait l’Iran a maintenant reculé de plusieurs rangs.

Le principal obstacle à toute coordination entre les Etats-Unis et l’Iran au sujet de l’avenir de l’Irak a ainsi été effectivement éliminé

De même, les relations entre les Etats-Unis et la Syrie ont commencé à sortir du congélateur, la Syrie ayant récemment coopéré au niveau de la sécurité à la frontière.

Selon Hoshyar Zebari, Ministre irakien des affaires étrangères, la coopération avec la Syrie a permis de diminuer de 70 pour cent le nombre de combattants s’infiltrant en Irak.

Le problème d’Israël

La Syrie et nombre de ses homologues arabes ont accepté l’invitation de Washington d’assister à la réunion d’Annapolis qui promettait des progrès vers la négociation des obstacles les plus durs empêchant la paix entre Israéliens et Palestiniens.

La « conférence de paix » qui n’a que trop tardé, est le premier pas dans la mise en ?uvre d’une autre recommandation importante de l’ISG : la recherche d’accords, avant la fin de 2008, sur toutes les questions relatives au statut final concernant Jérusalem, les colonies juives et le rapatriement des réfugiés palestiniens.

Avec un an de retard sur le calendrier proposé par l’ISG pour le redéploiement de la plupart des troupes hors d’Irak, les responsables américains croient maintenant que l’armée pourrait réduire ses brigades au niveau qui a précédé l’augmentation des troupes, à mesure qu’un plus grand nombre de soldats se consacrent à la formation de l’armée irakienne.

Ceci pourrait se révéler trop peu et trop tard pour sauver ce qui reste de l’unité irakienne et de la crédibilité des Etats-Unis, d’autant plus que les obstacles et les défis ne sont que trop décourageants en 2008.

L’appui sur les amis

Il est peut-être aussi trop tard pour que Bush opère un grand revirement. Mais ce qu’il doit faire n’a jamais été plus évident.

Le président américain doit faire pression sur ses alliés israéliens pour qu’ils montrent plus de bonne volonté dans leurs entretiens avec les Palestiniens. Il doit aussi faire pression sur ses alliés de Bagdad pour qu’ils travaillent davantage à la réconciliation nationale.

Les deux gouvernements ne savent que trop bien qu’ils doivent partager équitablement le pouvoir et les ressources avec les autres habitants du pays avant que l’on ne puisse mettre fin aux effusions de sang.

L’administration Bush serait bien inspirée de s’assurer que l’Irak respecte les « objectifs » et qu’Israël respecte ses obligations sur les « questions du statut final » pour éviter une escalade dans la région.

Toutefois, à en juger par les déclarations de Bush à la fin de sa visite en Israël et en Palestine, cette éventualité semble bien illusoire.

Réparer les ponts

L’administration Bush a tout autant de mal à faire face aux critiques de ses faucons et de ses néoconservateurs s’agissant d’abandonner son ton menaçant à l’égard de Téhéran et de Damas.

L’administration doit aussi être prête et désireuse de payer le prix géopolitique d’une coopération stratégique de longue durée concernant l’Irak.

Celle-ci suppose notamment que Washington s’abstienne d’appeler à un changement de régime et accepte plutôt que tant l’Iran que la Syrie jouent un rôle régional dans le cadre d’un nouveau modèle de sécurité régionale copié sur celui de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Concernant Damas, Washington devrait reconnaître que la relation spéciale que la Syrie entretient avec le Liban est d’une importance capitale et aussi s’employer à assurer le retrait israélien des Hauteurs du Golan.

Pour une meilleure mise en pratique des recommandations de l’ISG, l’administration Bush doit aussi encourager le Conseil de Sécurité de l’ONU à inviter les dirigeants des voisins de l’Irak à une conférence internationale qui inciterait les Irakiens à se réconcilier sur le plan politique.

Faute de quoi, on assistera en 2008 au démantèlement violent de l’Irak avec des conséquences terribles pour la région.

*Marwan Bishara est principal analyste politique sur le Moyen-Orient pour Al-Jazeera ; écrivain et journaliste palestinien, il est également chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et enseignant à l’Université américaine de Paris. Il a écrit : « Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid ? » paru aux Editions La Découverte

Du même auteur :

- Une bombe frappe Israël

9 janvier 2008 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : AMG


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