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Elections américaines : une superproduction hollywodienne

mardi 15 janvier 2008 - 07h:02

Ramzy Baroud

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Les électeurs républicains dans l’Iowa attendent, après la construction du "Grand Israël", le retour du Christ qui mettra en déroute les forces du mal et convertira 144000 juifs tout en exterminant le reste...

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Réunion électorale aux Etats-Unis

Le fonctionnement politique des Etats-Unis ressemble incroyablement à un film grand public. Les élections et les discours sont préparés à la lettre près, les politiciens jouent sans se lasser un rôle toujours fixé à l ?avance, se conformant en permanence aux caprices des publics ciblés. Un réalisateur de film à succès d’Hollywood ne peut pas se permettre de risquer de soulever des questions d’une manière qui ne reflète pas immédiatement les sympathies de l’assistance. Les bons politiciens cherchant à gagner des voix sont tous identiques en ce sens qu’ils ne s’expriment qu’en fonction des attentes --- et préjugés --- qui existent dans leur électorat.

Les candidats s’installent rarement derrière un podium sans altérer ou exagérer leur conviction personnelle en échange d’applaudissements. Vous n’entendrez par exemple quasiment jamais un candidat à la fonction présidentielle aux Etats-Unis hué par un public.

Les candidats ne mettent jamais de questions nouvelles sur la table, mais conforment au contraire leurs vues à des tendances données par des enquêtes d’opinion au niveau local ou national concernant les attentes de l’électorat. Et ce type de sujets est en grande partie manipulé par les médias et par l’Etat. Les tactiques alarmistes de ces derniers persuadent la plupart des Américains de choses qui sont de purs mensonges, comme les liens de Saddam avec les attentats du 11 septembre, ou ses stocks d’ADM (Armes de Destruction Massive), ou la « libération » des femmes en Afghanistan, et ainsi de suite.

Dans une démocratie vivante, on s’attend à ce que les médias représentent les intérêts du peuple, de tout le peuple, tandis que le gouvernement n’est qu’un moyen de représenter et défendre ces intérêts sans violer la constitution. Mais à l’époque des évangélistes fanatiques, des groupes de pression, des sociétés internationales et des contrats juteux sur le dos de l’Irak, la démocratie elle-même peut être mise en retrait.

En effet, sauver l’image d’une démocratie tout en violant ses principes de base a concentré les efforts des administrations américaines successives. Mais aucune autre administration n’a méprisé l’intérêt des Américains et s’est moquée de la constitution autant que l’a fait l’administration Bush. Il n’est pas étonnant que les Républicains aient été carrément battus lors des élections de 2006 pour le Congrès. Les Américains ont clairement voté pour un changement, mais le changement d’un système si intelligemment corrompu n’est pas chose aisée. La façon dont les démocrates ont voté le budget 2008, leur position hésitante à propos de l’Irak, et leur position très belliciste sur l’Iran en dit beaucoup sur leur contribution au maintien du statu quo.

Les Démocrates sont également liés par les règles du jeu. Ils ont besoin d’argent, de la couverture médiatique et des groupes de pression. Actuellement il y a 35.000 lobbyistes enregistrés au niveau fédéral représentant toutes les sortes d’intérêts particuliers, dont des puissances étrangères comme Israël dont la responsabilité dans le fiasco irakien est trop flagrante pour être niée.

Barack Obama, qui a en effet peu d’expérience pour bien comprendre comment fonctionne le système, possède par contre un vrai talent pour plaire à la foule. D’où sa première affirmation selon laquelle les lobbyistes « ne travailleront pas dans ma Maison Blanche ». Puis probablement après que ses directeurs de campagne lui aient expliqué que les intérêts particuliers ont plus d’influence que le reste du pays, il a révisé légèrement sa première déclaration en disant que les lobbyistes « ne domineront pas ma Maison Blanche. » Bien que cet engagement ait presque entièrement changé la substance [du premier message] il remportait néanmoins la victoire dans l’Iowa.

Pour l’instant, les analystes peuvent s’appuyer sur l’interprétation dominante des résultats des péliminaires dans l’Iowa. Obama a été élu par les « préliminaires démocrates » avec 37% parce qu’il était le seul [des candidats] à présenter un message véritablement nouveau — que lui et seulement lui peut amener un vrai « changement ». Quant à l’ancien gouverneur de l’Arkansas, le républicain Mike Huckabee, il était le meilleur candidat possible pour représenter les soucis des électeurs conservateurs républicains. L’ancien pasteur baptiste est l’étoile montante des évangélistes chrétiens qui revendiquent 40 millions de disciples, tous liés par une extravagante annonce de jour de jugement dernier.

Rev Stan Moody de l’institut chrétien de politique, écrit que « Huckabee est un Rapturist » en faisant référence à l’interprétation du texte biblique au milieu du 19e siècle qui a produit en 1909 la bible de de Scofield [Scofield Desk Reference Bible]. Ceci implique --- et il ne s’agit pas d’une métaphore --- le « grand Israël » comme condition préalable au retour du Christ, lequel, avec les vrais chrétiens, mettra en déroute les forces sataniques et convertira 144000 juifs tout en exterminant le reste. Il n’a pas les trucs d’Harry Potter, mais il rélègue les films d’horreur d’Hollywood à l’arrière-plan. Le vrai souci est que ce groupe a développé une alliance avec le gouvernement israélien depuis les années 70 et dispose d’un poids important dans la politique étrangère américaine au Moyen-Orient .

Dans un article paru dans le "Jerusalem Post" daté du 3 janvier, Hilary Leila Krieger écrit depuis l’Iowa qu’Huckabee « a également été un loyal supporter d’Israël, écrivant dans la revue des Affaires Etrangères qu’il n’aurait ?aucune hésitation à se tenir aux côtés de notre allié Israël’. C’est un pays qu’il a plusieurs fois visité, conduisant des groupes ou y emmenant sa famille. »

Selon le même article, « Huckabee a tiré parti de son expérience de la terre sainte en tenant un discours face aux électeurs qui est entré particulièrement en résonance avec les évangélistes. »

Aux exceptions notables du républicain Ron Paul et du démocrate Dennis Kucinich, la plupart des candidats à l’investiture présidentielle étaient de façon évidente désireux de mêler l’intérêt de leur pays à celui d’Israël. Clinton et Obama en sont des exemples. Le Jewish Telegraphic Agency (JTA) écrivait que « Obama a toujours bénéficié d’un fort appui des juifs depuis son entrée en politique dans l’Illinois en 1996, bien que certains dans les milieux pro-israéliens soient circonspects quant à ses appels pour entrer en pourparlers avec les états voyoux tels que la Syrie et l’Iran. » Le JTA, naturellement, substitue par souci de pondération le mot « sioniste » par celui de « juif » mais c’est une autre histoire.

Alors que soutenir Israël est une affaire habituelle pour les politiciens aux Etats-Unis, l’arrivée de Huckabee --- décrite comme « le retour » de Ronald Reagan par un producteur d’une station de télévision dans l’Iowa, représente une tendance véritablement alarmante. Il ne peut pas simplement être écarté d’un revers de main comme « armageddoniste » malade mental qui imagine pouvoir remporter une élection ; il a réellement gagné le soutien républicain en Iowa.

Huckabee sait bien comment poursuivre son élan jusqu’à la prochaine destination — il doit maintenir la ferveur religieuse, aussi délirante et irrationnelle qu’elle puisse être. On nous dit que c’est ce ce que les électeurs attendent. Pour gagner, comme un bon réalisateur de film, Huckabee doit fournir de la matière.

La vie peut en effet ressembler aux films, mais dans le cas des élections américaines le film est devenu si habituel et prévisible qu’il n’est plus un divertissement.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

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- Exploiter politiquement la misère qui sévit dans Gaza ?
- Somalie : ce que la presse ne vous dit pas
- Le vrai but d’Annapolis, et pourquoi cela ne pouvait pas marcher

11 janvier 2008 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
Traduction : Claude Zurbach


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