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Absente au Proche-Orient, l’Europe y a pourtant un devoir d’ingérence

vendredi 11 janvier 2008 - 08h:18

Alain Campiotti - Le Temps

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Au moment où George Bush débarque, les Européens devraient prendre conscience qu’ils ont des armes pour la paix dans cette région qui est à leur porte.

Vous ne connaissez pas Marc Otte. C’est bien le problème. Ce diplomate belge au nom d’éclipse est censé travailler à la paix au Proche-Orient pour le compte de l’Union européenne, dans l’ombre de Javier Solana, non-ministre qui promène dans le monde sa triste figure et ses mains dans le dos. Au moment où George Bush commence à Jérusalem et à Ramallah sa cavalcade sous très haute tension, cette absence d’Europe est encore plus pénible et absurde que dans les temps ordinaires d’indifférence. Le Proche-Orient, c’est pourtant notre porte, et une partie de l’élite israélienne est européenne.

Les motifs du voyage du président américain sont limpides. Son administration a fini par admettre au prix du sang en Irak que la plaie palestinienne, dans la région, est centrale. Et il aimerait finir son parcours chaotique dans un habit de faiseur de paix, en tenant sa promesse d’un Etat pour les Palestiniens. Par ailleurs, il veut consolider un front contre l’Iran.

La conférence d’Annapolis fut la première étape de ce nouveau cours, Paris fut la seconde. Dans la capitale française, il s’agissait de lever des fonds pour empêcher l’affaissement de la société palestinienne et consolider des fondations sans lesquelles aucun Etat ne tiendrait. L’Europe, là, a fait ce qu’elle a l’habitude de faire : donner. Plus de deux milliards de dollars, la plus grosse contribution.

A quoi va servir ce pactole ? A payer de trop nombreux fonctionnaires palestiniens avant qu’ils ne prennent leur carte du Hamas ou du Djihad islamique. A reconstruire des infrastructures détruites ou endommagées par l’armée israélienne. A remplacer des cargaisons alimentaires qui pourrissent devant les barrages de sécurité. A remplir les coffres sans fond de l’aide aux réfugiés. En fait, à écoper l’eau dans la barque pour qu’elle reste à flot, plutôt que de colmater les trous.

Le Comité international de la Croix-Rouge, étroitement associé pourtant à ces opérations d’assistance, a poussé en décembre un coup de gueule retentissant, qui semblait destiné à l’Europe d’abord. L’intervention humanitaire ne suffit pas, dit le CICR : il faut une action politique novatrice et courageuse.

Car le subventionnement massif de la société palestinienne n’est pas le meilleur chemin vers la création d’un Etat. C’est peut-être le pire. Les dollars peuvent sans doute acheter un peu de calme dans les Territoires, mais ils encouragent en même temps les forces du statu quo en Israël : si la révolte des Palestiniens s’apaise, pourquoi leur faire des concessions ?

Si le CICR est sorti de sa réserve pour demander une initiative politique, c’est qu’il pressent un moment favorable. Ehoud Olmert, qui a fait un très long chemin, répète désormais que la création d’un Etat palestinien est une question de survie pour Israël lui-même : sans séparation, la démographie condamne à terme les juifs au submergement. Le premier ministre affaibli a cependant de la peine à se faire entendre.

La majorité des Israéliens sont peut-être acquis à un règlement, mais les forces de résistance sont puissantes : les colons et leurs alliés, l’appareil de sécurité dans lequel les nationaux-religieux sont surreprésentés. Ces ultras sont aussi les plus favorables à un arrimage d’Israël à l’Occident. Benjamin Netanyahou et Avigdor Liberman rêvent ainsi d’une adhésion, à terme, de leur pays non seulement à l’OTAN, mais aussi à l’Union européenne. Israël, qui a déjà un accord d’association avec l’UE, ne remplit naturellement pas les conditions d’une adhésion : un occupant qui viole le droit humanitaire, un Etat qui ne sépare pas le politique du religieux et marginalise ses minorités n’a aucun droit à l’Union.

Ce désir d’Europe, chez les plus intransigeants des Israéliens, offre à l’UE un champ d’action politique dont on comprend mal qu’elle ne se saisisse pas. La sécurité de l’Etat hébreu sera mieux assurée s’il existe à côté de lui un Etat palestinien. Et la promesse tangible d’un Etat est le plus sûr moyen de marginaliser et de désarmer les jusqu’au-boutistes palestiniens. Pour amener la majorité des Israéliens sur cette voie, l’Europe dispose de puissants moyens de pression. Il faudrait juste commencer à les mettre en ?uvre.


L’Europe :

- En Cisjordanie, le constat alarmant du commissaire européen Louis Michel, par Michel Bôle-Richard

- L’Europe et la Palestine : beaucoup de bruit pour pas grand’chose, par Rami G. Khouri
- Le silence de l’Union Européenne face aux actions de l’état d’Israël, par David Cronin

- Hypocrisie européenne, par Tony Caron
- L’Union Européenne et Israël, économie et politique, par Peter Lagerquist

Alain Campiotti - Le Temps, le 9 janvier 2008


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